L’“hôpital du plaisir” au Burkina Faso est dédié à la réparation clitoridienne. Mais cet établissement, le premier dans son genre, est financé par le mouvement raëlien, ce qui provoque de nombreuses oppositions, en particulier de la puissante Eglise catholique.

“Je suis content, dit le mari de Bebe, une jeune femme de 24 ans qui fait le voyage, je n’aimais pas qu’elle pleure à chaque fois que j’essayais de la toucher.” Sa femme, comme beaucoup d’autres Africaines qui voyagent à quarante dans des bus bringuebalants prévus pour vingt, a fait le déplacement jusqu’à Bobo-Dioulasso, deuxième ville du Burkina Faso, pour se faire “réparer”. Comprenez “réparer” le clitoris car, comme 130 millions de femmes en Afrique, elle a subi une excision. Faire l’amour, faute de lui procurer aucun plaisir, est source de ce que ces femmes décrivent comme une “douleur insupportable”.

Les femmes comme Bebe se rendent à l’hôpital Kamkaso à Bobo, rebaptisé “l’hôpital du plaisir”, qui le premier établissement médical dédié à la reconstruction clitoridienne, son ouverture officielle était prévue pour 7 mars avant que de multiples oppositions ne remettent en cause cette inauguration.

L’agitation autour de l’excision a commencé il y a dix ans, quand des agents de santé ont commencé à mettre en évidence son rôle dans la mortalité féminine, notamment en couches, et à rappeler qu’elle s’inspirait de la “sorcellerie” traditionnelle.

Une journaliste de CNN raconte l’exploit que représente l’implantation de l’hôpital dans un pays connu pour être un des plus pauvres du monde. Elle rencontre Adjara, une jeune femme qui lui montre les lourds poteries d’argile qui servent de dot au Burkina :

“Ils font partie de la panoplie du mariage… si vous n’avez pas été ‘coupée’, vous n’y avez pas droit et vous ne pouvez pas vous marier (…). Moi, j’ai été ‘coupée’ à l’âge de 5 ans (…) on est peut-être pauvres, mais sexuellement les choses sont en train de changer”

La journaliste évoque surtout sa rencontre avec Banemanie Traore, importante médecin africaine, elle-même excisée et “réparée”, qui débarque pour lui parler d’un air un peu messianique. Elle porte au cou une svatiska entourée d’une étoile de David, qui est l’emblème du mouvement raëlien.

des enquêtes ont effet révélé que la secte de Raël finançait la construction de l’hôpital depuis huit ans. Pour rappel, le mouvement a été créé par le Français Claude Vorilhon, alias Raël, et fait polémique régulièrement pour des prises de positions plutôt perchées et délirantes (clonage, extraterrestres…). C’est ici leur “poursuite du plaisir” liée à leur idéologie hédoniste qui les rattacherait au projet.

Il y a dix ans, l’antenne américaine du mouvement lançait au Canada et en Californie la campagne Clitoraid pour “restaurer la dignité et le sens du plaisir” pour les victimes de l’excision. 400 000 dollars auront été nécessaires pour construire l’“Hôpital du plaisir” qui devait donc ouvrir au début du mois avant de se heurter au refus d’autorisation d’ouverture par le ministère de la Santé et aux critiques de l’Eglise catholique (qui exerce une véritable mainmise sur les questions sexuelles) dénonçant un “prosélytisme dédié à des personnes vulnérables”.

Tout le corps médical se défend pourtant d’être associé au mouvement. Cinq spécialistes de la réparation clitoridienne, dont Marci Bowers, médecin américaine spécialiste de la chirurgie transgenre, ont notamment rejoint Kimkaso pour former pendant quinze jours les médecins locaux. Ils se sont vu retirer ces derniers jours leur licence d’exercer dans le cadre du programme boycottant l’ouverture de l’hôpital.

Une intervention pourtant très simple

Les grandes perdantes de tout ça sont, quoi qu’il en soit, les femmes burkinabées. Plusieurs ont dû repartir sans avoir été “réparées” suite à la paralysie de l’équipe médicale. On ne peut que regretter la monopolisation de la question par le mouvement raëlien, d’autant que l’intervention chirurgicale est décrite comme très simple et rapide. La restauration clitoridienne peut être faite en 45 minutes sous anesthésie locale. Les médecins de l’“Hôpital du plaisir” effectuaient jusqu’à huit interventions par jour et attendaient des femmes en provenance du Kenya, du Mali et du Sénégal.

http://www.lesinrocks.com/2014/03/20/actualite/excision-lhopital-du-plaisir-ne-peut-pas-ouvrir-11489173/

source: LES INROCKS