A propos de la partialité du « débat » dans l’émission « Le téléphone sonne » sur le thème « Alerte aux sectes », le 19 juillet 2006, qui ne laisse aucune place au contradictoire.

A l’attention de France Inter et Annette Ardisson

Madame,

Le CICNS est une association indépendante dont l’objet est d’équilibrer le débat sur la question des nouvelles spiritualités en France. Nous vous invitons à visiter notre site pour plus d’informations sur notre action www.cicns.net.

Vous avez animé l’émission "Le téléphone sonne" le mercredi 19 juillet 2006 sur le thème : Alerte aux sectes. Il est coutumier pour les médias de proposer un débat partiel et partial sur le thème des "sectes". Cette émission ne fait pas exception. Vos trois invités : Jean-Michel Roulet (Président de la Miviludes), Catherine Picard (Présidente de l’UNADFI), Philippe Vuilque (Président du groupe d’étude sur les sectes à l’Assemblée Nationale) sont effectivement trois représentants de la "lutte" contre les dérives sectaires, qui est une spécificité française. Vos trois invités s’en félicitent mais l’Europe, curieusement évoquée par M. Roulet pour justifier l’inutilité de définir la notion de secte, a déjà sévèrement évalué la politique de la France en la matière (notamment au sujet de la loi About-Picard). Il existe d’autres regards sur le phénomène des nouvelles spiritualités, en particulier ceux des universitaires (sociologues des religions), des juristes, du CICNS, entre autres. Ces regards offrent une tout autre version de la réalité qui n’est pas prise en compte par les médias.

Le terme "secte" fait un amalgame entre spiritualité et criminalité, et il englobe depuis le rapport d’enquête parlementaire de 1996 – sans valeur normative et juridique mais pourtant systématiquement utilisé – toutes les démarches alternatives spirituelles ou de santé. C’est dire que l’orsqu’on parle de sectes, on vise avec une rumeur de dangerosité un très grand nombre de personnes, et cela de façon totalement injustifiée. Qui peut ignorer les effets de la rumeur ? Pourtant les nouvelles spiritualités sont discriminées dans l’indifférence générale (cf. notre section vidéos). Après vingt ans de lutte, aucune preuve tant sociologique que juridique n’existe pour justifier l’affirmation que ces groupes sont un fléau social. Si ces preuves existaient, elles seraient publiées depuis longtemps.

Prenons l’exemple des divorces qui a occupé une partie de votre émission. Les nombreux avocats que nous avons rencontrés (voir leurs interviews sur http://www.cicns.net/Video.htm) ont témoigné de l’utilisation particulièrement abusive qui a été faite de l’appartenance de l’un des parents à une minorité spirituelle pour obtenir gain de cause dans un procès. Fort heureusement, la justice peut parfois rétablir un certain équilibre : la récente affaire Gettliffe en est un exemple.

Pourquoi si peu de questionnements, de curiosité, d’intérêt pourrait-on dire, sur ce phénomène dans votre émission ? Vous pourriez répondre que la contradiction peut venir des auditeurs ; mais le principe d’une seule interaction entre un auditeur et les invités n’autorise que très peu le débat.

Il ne s’agit pas de remettre en question le principe de votre émission qui par ailleurs est très utile mais d’inciter une chaine de radio comme la vôtre à réellement réfléchir à la question de l’émergence des nouvelles spiritualités sans tomber dans la psychose anti-sectes ambiante. Un journalisme qui n’a plus de sens critique perd sa valeur et son utilité.

Nous vous remercions de l’attention que vous aurez bien voulu porter à ce courrier et vous prions d’accepter nos plus cordiales salutations.

Eric Bouzou pour le CICNS