L’Ontario ne deviendra pas la première juridiction occidentale à autoriser le recours à un ensemble de règles religieuses antiques appelées charia pour résoudre des conflits familiaux chez les musulmans, et interdira tout arbitrage religieux dans la province, a déclaré son premier ministre, Dalton McGuinty, à la Presse Canadienne.

 Dimanche, en entrevue téléphonique, M. McGuinty a annoncé que son gouvernement agira rapidement pour interdire les tribunaux religieux existants utilisés depuis des années, notamment par des chrétiens et des juifs, en vertu de la Loi sur l’arbitrage. "J’en suis venu à la conclusion que le débat a assez duré, a-t-il dit. Il n’y aura pas de loi de la charia en Ontario. Il n’y aura pas d’arbitrage religieux en Ontario. Il y aura une loi pour tous les Ontariens."

 M. McGuinty a ajouté que l’arbitrage religieux menace "notre terrain commun", et promis que son gouvernement libéral déposerait un projet de loi "aussitôt que possible" pour l’interdire en Ontario.

 "Les Ontariens auront toujours le droit de solliciter l’avis de toute personne en matière de droit familial, y compris un avis religieux. Mais l’arbitrage religieux ne tranchera plus de questions de droit familial."

 En décembre dernier, Marion Boyd, une ex-Procureure générale de l’Ontario, a déclenché un véritable tollé lorsqu’elle a recommandé de modifier la loi provinciale sur l’arbitrage pour autoriser et encadrer l’arbitrage religieux en vertu de la charia, de la même façon que la province permet l’arbitrage aux chrétiens et aux juifs.

 A l’heure actuelle, la Loi sur l’arbitrage permet la résolution de litiges civils et matrimoniaux _ divorce, garde d’enfants, héritage _ par un arbitre indépendant, si les deux parties l’acceptent. Catholiques, mennonites, juifs, autochtones et membres des Témoins de Jéhovah ont eu recours à cette loi pour régler des conflits familiaux sans aller devant les tribunaux réguliers.

 Mais les opposants à l’arbitrage en fonction de la loi islamique, qui incluent des groupes de femmes musulmanes, font valoir que cette réforme conférerait de la légitimité à la charia, qui, selon eux, est profondément inéquitable envers les femmes.

 Le premier ministre McGuinty a indiqué que sa femme n’avait pas abordé la question de la charia avec lui, mais il a souligné que les 17 femmes membres du caucus libéral l’avaient pressé d’écarter l’idée.

Quelques heures à peine avant l’annonce de M. McGuinty, un groupe incluant les écrivaines canadienne-anglaise Margaret Atwood et June Callwood, la femme de l’ex-premier ministre Joe Clark, Maureen McTeer, l’ancienne ministre conservatrice Flora MacDonald ainsi que la militante Maude Barlow et d’autres avaient aussi dénoncé le projet de tribunaux de la charia, dans une lettre adressée au premier ministre au nom de la coalition contre l’arbitrage religieux en Ontario.

Jeudi, des manifestations se sont déroulées à travers le Canada et dans plusieurs pays européens pour enjoindre le premier ministre ontarien de laisser tomber le projet de tribunal islamique.

A Montréal, une centaine de personnes ont protesté sous la pluie contre le recours à la charia en Ontario. Le Québec s’est doté d’une loi contre les tribunaux musulmans dans la province. 

 Le 11 septembre 2005 – 18:36   Presse Canadienne