L’Eglise est très présente à La Nouvelle-Orléans , où elle distribue aide et propagande.

Sous une grande tente collée au casino de La Nouvelle-Orléans , où la police a provisoirement installé son état-major, un soldat pose son fusil, retire ses rangers avant de s’allonger sur une table de massage. Une volontaire plutôt sexy de l’Eglise de scientologie, en short et en tee-shirt jaune canari, pose les mains sur son torse, sur ses jambes, puis sur son dos. Dans le jargon de la secte, on appelle cela un nerve assist : une séance de relaxation qui doit permettre d’évacuer les traumatismes et les mauvaises ondes. Dans le centre-ville déserté, les candidats sont essentiellement des militaires ou des sauveteurs. «Cela m’a fait du bien, dit le soldat en rechaussant ses rangers à l’issue d’un «massage» de dix minutes. Je ne suis pas membre de l’Eglise, mais je vais prendre la documentation et je verrai plus tard.»

Prosélytisme. Outre des savons, des sous-vêtements ou des médicaments, la secte propose un condensé des principes élaborés par Ron Hubbard, son fondateur décédé en 1986. Les livrets sont disposés bien en évidence sous la tente. La main sur le coeur, Eitan Sonnenberg, un jeune volontaire originaire de Los Angeles, explique pourtant : «Nous ne sommes pas ici pour faire du prosélytisme, mais uniquement pour aider.» Le visiteur se voit tout de même remettre une carte au dos de laquelle sont obligeamment inscrites les coordonnées de l’Eglise. «Ils m’ont donné du pain, mais je ne veux rien avoir à faire avec eux, s’énerve Steve, l’un de ces irréductibles qui vivent encore en ville. En Europe, ils ont plumé l’un de mes amis.»

 Au lendemain du passage de l’ouragan Katrina, les membres de la secte sont arrivés en force : ils sont plus de 500 en Louisiane et dans le Mississippi, toujours prêts à aider les déplacés ou les sauveteurs. L’un des membres les plus éminents de l’organisation, l’acteur John Travolta, a lui aussi débarqué à La Nouvelle-Orléans , le 6 septembre dans son jet privé, pour distribuer médicaments et vaccins. Sur place, il a été chaleureusement accueilli par le shérif de la commune de Jefferson, à l’entrée de la cité. Car les scientologues travaillent main dans la main avec les forces de l’ordre. Ils sont hébergés, sur la rive ouest du Mississippi, dans l’un des rares commissariats qui fonctionnent encore dans la ville ravagée. «Et quand nous devons nous déplacer dans les quartiers, les policiers sont toujours prêts à nous escorter», se félicite Eitan Sonnenberg.

 Echange. Loin de sa réputation sulfureuse en France, la Scientologie est considérée comme une Eglise à part entière aux Etats-Unis, à laquelle les forces de l’ordre donnent volontiers un coup de main. Un simple échange de bons procédés, si l’on en croit ce sergent de police rencontré au commissariat de Metairie, où les volontaires en jaune ont dressé une autre tente : «Avec leurs massages, ils nous aident à mieux accomplir notre tâche. C’est tout ce qui m’importe.» En ville, on serait bien en peine d’apercevoir l’ombre d’un pasteur, d’un prêtre, d’un rabbin ou d’un imam. Visiblement, seuls les scientologues occupent le terrain des âmes, en quête de nouveaux membres. Katrina et son cortège de drames ne sont pas perdus pour tout le monde.

 Par Thomas HOFNUNG mardi 13 septembre 2005 (Liberation – 06:00) La Nouvelle-Orléans envoyé spécial