Les transfusions de sang chez les témoins de Jéhovah continuent de faire les manchettes alors qu’une ordonnance de la cour a été obtenue pour procéder à une transfusion sanguine sur un enfant de cinq ans à laquelle ses parents s’opposaient.

C’est finalement l’intérêt de l’enfant qui a gagné dans cette cause.

L’avocat Michel Morin s’entretient avec Mathieu Belhumeur pour mieux comprendre les nuances juridiques de ces cas qui ont secoué le Québec dans les dernières années.

Quelles sont les règles qui ont été édictées par la cour lors des derniers cas qui avaient fait jurisprudence?

«En 2009, il y a eu une décision manitobaine que WatchTower, l’organisation des témoins de Jéhovah, a emmené à la Cour suprême. La Cour suprême a tranché en faveur des défendeurs en disant que l’intérêt de l’enfant passe avant les croyances religieuses.

Et au Québec?

«En 2017, des juges ont émis des ordonnances de traitement dans le cas où des parents témoins de Jéhovah refusaient des transfusions sanguines. Cette nouvelle décision-là s’inscrit donc dans une tendance où désormais, en ce qui concerne les mineurs témoins de Jéhovah qui sont soumis à la doctrine du sang, les prochaines décisions de la cour iront en faveur de l’intérêt de l’enfant, quitte à outrepasser les doctrines religieuses.»

C’est valable dans le cas des mineurs, mais qu’en est-il pour les personnes majeures?

«Je résume le code civil : l’article 11 consacre le droit au refus des soins et l’article 16 stipule qu’en cas de refus aux soins, si les médecins jugent injustifié ce recours, ces derniers peuvent se présenter en cour pour défendre l’intérêt d’une personne mineure. Par contre, l’article 16 ne couvre pas les personnes majeures.»

Cela réfère au décès tragique d’Éloïse Dupuis en 2016?

«Oui et il y a des centaines de décès de témoins de Jéhovah par année pour les mêmes motifs. Comme l’article 16 ne s’étend pas aux personnes majeures, les médecins ont un peu les mains liées et ne peuvent pas se présenter au tribunal dans le cas de personnes majeures.»

En tant qu’avocat, quelle est votre perception de la loi à ce niveau?

«En ce qui me concerne, on devrait considérer ça du point de vue du consentement libre et éclairé, en ce sens où le refus, comme le consentement, devrait être libre et éclairé et de toute évidence, il ne l’est pas quand on est un témoin de Jéhovah endoctriné depuis l’enfance.»

Est-ce que ces décisions pourraient faire place à des contestations en cour?

«Ce serait très intéressant comme débat et il va falloir que ça ait lieu éventuellement. De mon côté, j’ai formé une “cellule de crise” avec Manon Boyer, la tante d’Éloïse Dupuis, et d’autres personnes et on fait des pressions auprès du gouvernement caquiste qui s’intéresse aux dérives sectaires.»

Prévoyez-vous des actions dans les prochains mois?

«Je crois que ça va bouger. Il est inadmissible, à mon sens, que les médecins se soumettent à des croyances “médiévales”.»

 

https://www.tvanouvelles.ca/2019/08/23/temoins-de-jehovah-les-transfusions-sanguines-vues-dun-angle-juridique