LAÏCITÉ Le garde des Sceaux a appelé hier à la «mobilisation sans faille» contre «le communautarisme».
Guillaume Perrault
[06 décembre 2005]

LE GARDE DES SCEAUX, Pascal Clément, a vu hier dans la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat un «instrument de paix sociale» et a jugé inopportun de réformer ce texte fondateur, comme le propose pour sa part le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy.

Le garde des Sceaux, qui s’exprimait lors d’une séance de l’Académie des sciences morales et politiques consacrée au centenaire de la loi de 1905, a estimé que la laïcité était «une composante essentielle du modèle français». A l’appui de sa démonstration, Pascal Clément a rappelé les deux articles principaux de la loi portée par Aristide Briand : d’une part, «la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public» ; mais, d’autre part, «la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte».

Saluant l’équilibre ainsi obtenu, le ministre de la Justice a appelé à «une mobilisation sans faille pour faire respecter la laïcité» et à «refuser le communauta risme». Le garde des Sceaux – qui a rappelé deux fois qu’il s’exprimait au nom du gouvernement – a ensuite lancé : «Le repli sur son identité, qu’elle soit religieuse ou autre, est la négation de nos valeurs communes. La France est une communauté de destin. On ne peut être catholique, musulman ou juif puis Français, a-t-il poursuivi. Oublier ce fondement de la République, c’est ouvrir la porte à des revendications qui conduiraient à séparer les Français.»

Le ministre de la Justice s’est donc efforcé de prouver que l’Etat restait fidèle à la lettre et à l’esprit de la loi de 1905. La loi du 15 mars 2004 sur «l’application de la laïcité dans les services publics», qui prohibe notamment le port «ostentatoire» de tout signe religieux dans les lycées publics, s’inscrit «dans la droite lignée» de la législation de la IIIe République, a argumenté Pascal Clément. La loi nouvelle réaffirme la neutralité de l’espace public, sans interdire l’appartenance discrète à une religion». De même, la création du Conseil français du culte musulman (CFCM) représente, pour l’hôte de la Place Vendôme, «une étape majeure pour reconnaître au culte musulman la place qui est la sienne (…) sans que l’Etat s’ingère dans les affaires internes au culte».

Un rempart contre les sectes

Le garde des Sceaux a enfin vu dans la loi de 1905 un rempart contre le phénomène des sectes «qui camouflent des intérêts matériels derrière la spiritualité». En effet, a estimé Pascal Clément, «le principe de laïcité impose aux pouvoirs publics de définir la frontière entre une religion et un groupement sectaire. Cette prérogative exceptionnelle doit s’entourer de précautions pour garantir la liberté de conscience, a concédé le ministre de la Justice. Mais les sectes doivent également respecter le droit de la République laïque».

Réconciliant dans sa conclusion la laïcité, «conquête de la République», et les religions, «un choix de vie et une espérance», Pascal Clément a souhaité «longue vie» à la loi de 1905.