CE DONT ON VA PARLER :
A quoi sert l’audience pour une victime de dérive sectaire ? Obtenir réparation. Mais au-delà, il s’agira d’un moment particulier pour que la victime puisse reconstruire sa compréhension de son vécu. Il s’agit d’un processus restauratif, qui peut même faire l’objet, en marge, d’une procédure de justice restaurative.
SOURCES : Robert CARIO, La justice restaurative en France: Une utopie créatrice et rationnelle, L’Harmattan, Controverse, 144 pages.
SYNTHESE : L’audience pénale est le moment où l’auteur de l’infraction est jugé ; il s’agit aussi d’un moment pour la victime : celui d’un travail de reconstruction. Comment envisager l’audience (I). La justice pénale peut aussi être une justice restaurative (II.).
I. QU’ATTENDRE D’UN PROCES PENAL DANS LE CADRE D’UNE DERIVE SECTAIRE
A quoi sert l’audience pénale (a) et comment en tirer le maximum pour le bénéfice de la victime (b).
a. L’audience est-elle un moment de vérité ou de vengeance ?
Le Tribunal Correctionnel juge les délits. Il s’agit d’une juridiction composée de juges professionnels. Il y a des formations à un juge et à trois juges. Le président de la juridiction étudie en amont le dossier et présente l’affaire ; puis, il pose des questions au prévenu et à la partie civile pour éclairer les faits. Les avocats des différentes parties peuvent en faire autant ainsi que le procureur. L’audience est généralement plus rapide que lors d’un procès d’assises.
La procédure de l’audience pénale et correctionnelle est d’abord un moment de vérité. Les parties prenantes sont interrogées par le tribunal ainsi que les témoins et par les différents avocats. L’objectif est de permettre pendant ce moment très particulier qu’est l’audience pénale de faire jaillir une vérité. Cette vérité pour l’avocat défendeur de victime doit d’abord avoir un effet de prise de conscience, de cicatrisation de la part de la victime.
b. Quel rôle tenir pour l’avocat de la victime
L’avocat de la partie civile occupe une position centrale dans l’audience pénale lorsqu’il s’agit d’affaires liées à une dérive sectaire. Son rôle ne se limite pas à chiffrer un préjudice ou à réclamer une sanction : il doit avant tout aider la victime à reformuler son récit, à retrouver une cohérence dans son vécu, et à prendre place symboliquement dans le cadre judiciaire.
Dans ce contexte, l’avocat est le médiateur entre la parole blessée de la victime et le langage du droit. Il permet de mettre en lumière les mécanismes d’emprise qui ont rendu possible l’infraction, souvent invisibles pour les magistrats non formés à ces dynamiques.
Il contribue à démonter le discours du groupe, à souligner les contradictions internes, et à confronter le prévenu à la réalité des faits, sans tomber dans l’agressivité ou la stigmatisation.
L’avocat doit également penser l’audience comme un espace d’impact, non seulement pour sa cliente ou son client, mais aussi pour les autres adeptes présents dans la salle, qui peuvent encore être sous emprise. En ce sens, son intervention est aussi pédagogique, symbolique, et parfois initiatrice de prises de conscience.
II. LA JUSTICE RESTAURATIVE
a. La justice restaurative en France
La justice restaurative est prévue à l’article 10-1 du Code de procédure pénale. Elle permet, à toutes les étapes de la procédure, que victime et auteur puissent, s’ils le souhaitent, échanger dans un cadre sécurisé, en présence de professionnels formés. Il ne s’agit pas d’un mode de résolution du litige au sens classique du terme, mais d’un processus de dialogue encadré, qui vise à reconnaître le tort, reconstruire du lien humain, et parfois amorcer une forme de réparation symbolique. Ce dispositif, qui peut prendre la forme de rencontres en cercle, de médiation, ou de dialogue à distance, repose sur le consentement libre, éclairé et réversible des participants. Il est distinct du procès, n’interfère pas avec la décision judiciaire, et n’a pas vocation à produire des effets juridiques directs. Il s’inscrit dans une logique de reconnaissance et de restauration du sujet, et peut ainsi compléter utilement une procédure pénale, notamment dans des contextes de violence psychologique ou d’exclusion.
b. Justice restaurative et dérives sectaires
Il est clairement impossible de procéder à une mesure de justice restaurative entre le gourou et la victime. D’une part parce que les traits de personnalités intrinsèques du gourou en font rarement des adeptes de la rédemption et du retour critique sur leurs actes, mais surtout le processus pourrait avoir de restaurer le lien.
Cela ne signifie pas pour autant que, dans certains cas, permettre à la victime d’échanger à nouveau avec le gourou et de prendre conscience, sur le moment, des techniques d’emprise, ne puisse contribuer à rompre définitivement le lien.
C’est une approche que l’on retrouve en psychothérapie : une fois une peur phobique dépassée, il peut être pertinent de confronter la personne à l’objet de cette peur pour lui permettre de constater que le lien émotionnel négatif s’est estompé.
La justice restaurative prend alors davantage de sens lorsqu’elle concerne des victimes ayant également joué un rôle actif (co-auteurs) ou se trouvant dans une position ambivalente. Cela vaut également pour des personnes impliquées dans la procédure judiciaire mais encore sous emprise.
Une mesure de médiation pénale peut permettre à cette victime de reprendre contact avec des membres de sa famille et d’amorcer un travail psychologique de prise de conscience. Cela peut aussi permettre de réhumaniser une personne prise dans un réseau sectaire. Il y a un outil à prendre en considération dans la gestion des dossiers.
Conclusion :
L’audience pénale peut être un moment fondateur pour la victime. Elle lui offre un espace pour comprendre, mettre à distance, et faire récit.
L’avocat joue un rôle déterminant dans ce processus, en facilitant une parole cohérente, audible, et symboliquement réparatrice.
La justice restaurative, bien que délicate dans ce contexte, peut être un outil précieux si elle vise la reconnexion à la réalité, à l’entourage, ou la prise de recul pour les victimes partiellement actives dans le groupe.
Infos pratiques :
Les mesures de justice restaurative sont encadrées par l’article 10-1 du Code de procédure pénale.
-A ne pas utiliser entre la victime et le gourou, sauf cas très exceptionnels dans un cadre thérapeutique précis.
-À envisager pour des victimes co-auteurs, avec médiation encadrée, en lien avec des psychologues ou médiateurs spécialisés.
Se rapprocher de structures ayant une expertise : INAVEM, associations de lutte contre les dérives sectaires, centres de justice restaurative.