CE DONT ON VA PARLER :

La protection de l’enfant en contexte sectaire soulève des questions complexes : jusqu’où les parents peuvent-ils imposer des pratiques religieuses ? À partir de quand le juge ou le droit pénal peuvent-ils intervenir pour protéger l’enfant ? Cette fiche explore le cadre juridique des décisions parentales et les leviers de protection judiciaire de l’enfant en cas de dérive sectaire.

SOURCES :

– Code civil : art. 375
– Code pénal : art. 227-17, 227-17-1
– CEDH 26 juillet 2007, Schmidt c/ France, req. n°35109/02
– Cass. civ. 1re, 10 juin 2015, n°14-15.354
– Cass. civ. 1re, 23 sept. 2015, n°14-23.724
– Cass. crim., 2 nov. 2016, n°16-85.093 ; 11 juill. 1994, n°93-81.881 ; 20 juin 2018, n°17-84.128
– Cour d’appel Pau, 19 mars 2002, JCP 2002. IV. 2923
– QPC, 20 mars 2015, n°2015-458

SYNTHESE :

De nombreux groupes sectaires ont fait l’objet de condamnation pour pédo- criminalité, pratique le mariage arrangé, interdisent à leurs enfants de bénéficier de certains soins comme les vaccins et les transfusions sanguines. Cette protection s’opère d’abord dans le cadre familial, par le jeu des décisions conjointes (I), puis à travers l’intervention du juge ou du droit pénal en cas de danger (II).

I. Un principe de liberté si les deux parents consentent

L’éducation religieuse comment tôt et engage des décisions importantes : par exemple avec des pratiques comme la circoncision qui suppose d’intervenir dans la minorité de la vie de l’enfant, la scolarité privée, l’octroi de sacrement… Comment ses décisions sont prises par l’enfant au sein de la famille ? Le principe est de la décision conjointe des parents (a) avec possibilité d’obtenir en justice un retrait de l’autorité parentale à un parent (b).

a. Des décisions conjointes dans le domaine religieux

Le principe poser par le code civil français est celui d’une autorité parentale conjointement exercée par les parents. Si les deux parents sont d’accord, il leur est possible de conduire leur enfant dans une religion et de faire pratiquer des actes rituels. D’un point de vue juridique de nombreuses questions se sont posées, notamment par des pratiques comme la circoncision qui supposent une ablation définitive et irrémédiable d’une partie du corps humaine. De manière plus générale, la conduite d’un enfant dans une religion, alors qu’il n’est pas en âge de consentir met en œuvre une relation complexe entre la liberté des parents de pratiquer leur religion et celle des enfants de pouvoir faire leur choix. L’école joue un rôle conséquent dans la question.

Le droit français admet globalement l’imposition par les parents de pratiques religieuses, si les deux sont d’accord. Un seul des deux parents de prendre la décision.

b. Un possible retrait de l’autorité parentale

Lorsqu’un parent outrepasse ses droits ou met en danger l’enfant par ses pratiques religieuses ou éducatives, il est possible d’engager une procédure pour limiter ou retirer l’exercice de son autorité parentale. Cela peut intervenir à la demande de l’autre parent ou du procureur de la République. La justice évalue alors si l’attitude du parent compromet gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de l’enfant. Ce retrait peut être partiel ou total, selon la gravité des faits et les besoins de protection de l’enfant.

II. Une intervention possible du juge pour limiter la liberté parentale

Le droit français prévoit plusieurs dispositifs permettant au juge d’intervenir lorsque les choix des parents mettent l’enfant en danger. Ces mécanismes protègent l’enfant sans remettre en cause systématiquement la liberté de conscience.

a. Le rôle du juge des enfants dans le contrôle des décisions parentales

Le juge des enfants peut prendre des décisions allant d’une simple mesure éducative complétant l’action des parents au retrait de la garde pure et simple. Le juge, et plus particulièrement le juge aux enfants, est habilité en application de l’article 375 du code civil : « si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, [peut ordonner] des mesures d’assistance éducative ». Ce pouvoir du juge est fort, mais il est circonscrit à l’existence d’un danger ; classiquement, la jurisprudence a précisé que la simple appartenance de la famille à un culte n’était pas suffisante pour le caractériser. En revanche, la jurisprudence a pris des mesures éducatives en raison de l’adhésion des parents et de l’enfant à la secte la «Citadelle» (Évangélique) après la constatation que l’église demandait à ses fidèles d’isoler les enfants du monde extérieur qualifié de « satanique » et qu’elle permettait les sévices corporels (CEDH 26juill. 2007, Schmidt c/ France, req. no35109/02). La Cour de cassation a récemment considéré que le placement d’une jeune fille à l’aide sociale à l’enfance était justifié en raison de la fréquentation par la jeune fille de la secte de Raël via son beau-père. Ce dernier prônait “la libération sexuelle des individus ainsi que l’éveil sexuel des jeunes enfants”, et que ces croyances « devaient être mis[es] en lien avec les comportements sexualisés de l’enfant relevés tant par les services éducatifs que par l’expert psychologue » (Civ. 1re, 10 juin 2015, Mme X., no 14- 15.354). La Cour de cassation a aussi déclaré légitime l’opposition d’une mère au baptême de ses enfants de 6 et 7 ans, car ils avaient exprimé leur refus du sacrement (Civ. 1re, 23 sept. 2015, M. X., no 14-23.724). En pratique, les juges tendent à se soumettre aux avis des experts psychologues et fondent sur une expertise tierce la nécessité de la mesure éducative. L’article 375 a aussi pu être invoqué par des parents impuissants devant l’endoctrinent de leur enfant ; ainsi un juge a placé dans un centre fermé un mineur en cours de radicalisation islamiste (Cour de cassation – Chambre criminelle, 2 novembre 2016 / n° 16-85.093) en raison de l’incapacité des parents à contrôler son exposition à de la propagande notamment diffusée par Internet.

b. Une prise en compte par le droit pénal

On peut rappeler ici que l’article 227-17 du code pénal dispose que « Le fait, par le père ou la mère, légitime, naturel ou adoptif, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ». La jurisprudence a ainsi retenu la culpabilité de parents ayant déscolarisé des enfants de moins de 16 ans pour des raisons de culte (Pau, 19 mars 2002, JCP 2002. IV. 2923) (l’article 227-17-1 incrimine ce comportement particulier) ; ayant refusé la vaccination obligatoire (Cass. Crim. 13 janv. 2015, arrêt n°7873 et CC, QPC, 20 mars 2015 n° 2015-458) ; ou souhaitant envoyer leur enfant de 6 ans seul en Inde dans un Ashram pour y pratiquer le yoga (Cass. Crim, 11 juill. 1994, n° 93-81.881). Récemment, cet article a été utilisé pour sanctionner une mère partie en Syrie avec ses enfants pour rejoindre Daesh (Cass. Crim. 20 juin 2018, n° 17-84.128). On comprend aisément que ce délit s’interface avec la résidence habituelle de l’enfant: un parent condamné se verra probablement retirer le droit de garde.

Conclusion :

Encore une fois le droit français se construit sur une ligne fine entre la liberté religieuse et ses limites envers le tiers dépendant qu’est l’enfant.

Infos pratiques :

– Le principe est la co-décision parentale pour tout acte religieux ou éducatif significatif.
– Le juge des enfants peut intervenir sur la base de l’article 375 du Code civil en cas de danger caractérisé.
– Le parent peut voir son autorité ou sa garde retirées en cas de dérives graves.

– Le droit pénal sanctionne les atteintes à l’éducation ou à la santé des enfants (art. 227-17 et 227-17-1).
– Une procédure judiciaire peut être initiée en cas d’enlèvement parental ou de déplacement sectaire.