CE DONT ON VA PARLER :
Que faire si un groupement à dérive sectaire occupe un logement ou une propriété sans droit ?
Peut-on empêcher un détournement d’usage d’un bien immobilier ?
Quels leviers juridiques pour s’opposer à un projet immobilier porté par un groupement à dérive sectaire ?
SOURCES :
– Code civil, art. 545 (droit de propriété), art. 1240 (responsabilité)
– Code pénal, art. 226-4 (violation de domicile)
– Code de l’urbanisme, art. L. 421-1 et suivants (permis de construire) – CE, 2001, Association Mandarom
– Jurisprudence sur l’affectio societatis (SCI)
– Circulaires anti-squat (2020 et 2023)
SYNTHESE :
L’espace est un élément clef de la dérive sectaire : le groupement ou le gourou pour étendre et maintenir son influence a besoin d’un espace : pour former une église, une communauté, un lieu de vie. L’espace peut être quelque fois acquis légalement, mais il arrive aussi que les groupes occupent des biens d’adepte (I) ou commettent des infractions au droit l’urbanisme (II).
I. Les dérives sectaires et le droit de la propriété
Les groupes sectaires peuvent occuper illégalement des lieux privés (a) ou acquérir des biens en utilisant des montages financiers abusifs comme les sociétés civiles immobilières (b).
a. Le squat et l’occupation sans droit ni titre
Dans les cas les plus flagrants, certains groupements prennent possession d’un bien sans titre ni autorisation, ce qui constitue un squat. La loi permet au préfet d’intervenir rapidement lorsqu’il s’agit d’une résidence principale ou secondaire occupée de manière illicite, par une procédure administrative d’expulsion sous 72 heures. En dehors de ce cadre, c’est au juge civil qu’il appartient d’ordonner l’expulsion, généralement par voie de référé.
Le squat constitue également une infraction pénale de violation de domicile (article 226-4 du Code pénal), susceptible d’engager la responsabilité pénale des auteurs de l’intrusion.
b. Les sociétés civiles immobilières
Un autre scénario fréquent est celui d’un bien mis à disposition du groupement par un adepte lui-même sous emprise. En l’absence de bail formalisé, la restitution du bien peut être difficile. Il conviendra alors d’invoquer le vice du consentement ou l’abus de faiblesse. LeCode civil(article 1240) permet également une action en responsabilité civile délictuelle, si l’influence a conduit à un appauvrissement injustifié du propriétaire ou à une dépossession déguisée
Lorsqu’un bien est acquis en commun via une société civile immobilière, les membres souscrivent à des emprunts pour financer l’achat. Le projet peut être injuste avec des droits politiques biaisés ou déséquilibrés entre investissements et bénéfices. Pour sortir d’une société civile immobilière, il faut convoquer une assemblée générale ou obtenir une décision de justice. Les membres peuvent demander le remboursement de leurs comptes courant d’associés, qui sont des prêts à la société. Ce remboursement peut être demandé à tout moment, en mettant la société en demeure avec un délai suffisant pour éviter l’abus de droit.
La prévention des dérives passe souvent par lastructuration juridique du patrimoine. Ainsi, une SCI bien rédigée permet d’encadrer les pouvoirs de gestion et de limiter les risques liés à l’influence d’un associé. En cas de conflit, une action judiciaire pour dissolution de la société peut être intentée, notamment en cas de perte de l’affectio societatis. Il est également possible de demander la restitution du compte courant d’associé s’il existe.
II. Le droit de l’urbanisme
Si un lieu de culte est ouvert dans un local non destiné à cet usage ou en violation de la loi de 1905, il est possible d’agir pour détournement du bien (a). En cas de nouvelle installation, le permis de construire peut être contesté (b).
a. Le détournement de permis de construire
Le détournement d’usage des permis de construire se manifeste par l’utilisation d’une autorisation administrative de manière non conforme à sa destination originelle. Ces infractions prennent plusieurs formes, qu’il s’agisse de modifications non autorisées des bâtiments ou de l’exercice d’activités incompatibles avec le cadre prévu par le permis initial. Parmi les situations les plus courantes, on trouve : La transformation d’un local commercial en habitation sans autorisation préalable ; L’extension d’une construction au-delà des limites spécifiées dans le permis ; Le changement de destination d’un bâtiment sans déclaration aux autorités compétentes.
Bien que parfois motivées par des considérations pratiques ou économiques, ces pratiques représentent des violations du Code de l’urbanisme et exposent leurs auteurs à des sanctions administratives et pénales. Notamment l’administration peut exiger une mise en conformité sous astreinte.
Par ailleurs, les associations cultuelles sont soumises à la loi de 1905 qui pose des règles très précises pour l’ouverture d’un lieu de culte et notamment d’être une association enregistrée et déclarée comme cultuelle, d’indiquer à la préfecture la liste des membres fondateurs, les lieux de culte et les financements. La préfecture peut en cas de manquement prendre des sanctions contre l’organisation qui aurait ouvert un lieu de culte en dehors du cadre légal.
b. Recours contre les permis de construire
Les groupes sectaires cherchent à construire des communautés et notamment par l’acquisition de terrains et ou par la réalisation de construction. L’implantation d’un groupe sectaire dans une commune posent de nombreuses questions. En cas d’acquisition d’un terrain ou en cas de projet de construction, le droit de l’urbanisme offre des outils. Notamment, il est nécessaire de son conformer à la destination des biens, au plan d’urbanisme. Par ailleurs en cas de dépôt de permis de construire il est possible de le contester. Toute personne touchée par le projet de construction, donc incluant les riverains ou des associations de riverains, peuvent faire un recours amiable auprès des services de la mairie pour contester le projet notamment au regard des règles du plan local d’urbanisme. Il est aussi possible de réaliser un recours administratif pour contester une autorisation de permis de construire. Dans le cadre de son contrôle de l’abus de pouvoir le juge administratif peut annuler un permis de construire. Toutefois, le Conseil d’État a rappelé, dans l’affaire Mandarom, que le juge administratif ne pouvait censurer un projet uniquement en raison de l’étiquette sectaire, mais qu’il peut contrôler la proportionnalité du projet au regard de son environnement.
Conclusion :
L’occupation de l’espace par des groupements sectaires passe par des mécanismes multiples, entre squats, abus de faiblesse et opérations immobilières masquées. La mobilisation du droit de propriété, du droit de l’urbanisme et des règles civiles permet de freiner ces installations et de protéger les victimes, notamment lorsqu’elles sont instrumentalisées pour légitimer ou faciliter l’implantation de ces lieux.
Infos pratiques :
– Pour toute occupation sans droit ni titre, contacter rapidement la préfecture (procédure en 72h).
– En cas de projet immobilier suspect : vérifier les affichages de permis et réagir dans les 2 mois.
– Se faire assister d’un avocat en droit immobilier ou droit public pour monter un recours.
– Les préfecture et les mairies peuvent être saisies en cas de détournement manifeste d’usage (ex : école illégale, centre spirituel dans une zone pavillonnaire).