VILLEFRANCHE DE LAURAGAIS (Haute-Garonne), 10 nov 2006 (AFP) – Jean-Paul Séguéla, ex-conseiller du ministre de l’Intérieur pour les questions de toxicomanie de 1993 à 1995, s’est défendu vendredi en correctionnelle d’avoir profité illégalement des largesses du "Patriarche", association d’aide aux toxicomanes critiquée pour ses méthodes sectaires, aujourd’hui disparue.
"Je considère avoir fait les choses le plus légalement possible", a-t-il soutenu devant le tribunal correctionnel de Toulouse, déplacé à Villefranche de Lauragais pour cause de travaux au Palais de justice de Toulouse.

Jean-Paul Séguéla, qui fut également député RPR, est notamment poursuivi pour avoir reçu de façon occulte entre 1994 et 1997 plus de cinq millions de francs de Lucien Engelmajer, fondateur du "Patriarche", ayant détourné d’importantes sommes vers des comptes bancaires en Suisse et au Luxembourg.

Réfugié au Belize (Amérique centrale), sous le coup d’un mandat d’arrêt international, Lucien Engelmajer ne s’est pas présenté à l’ouverture du procès,lundi.

Les fonds octroyés à l’ex-conseiller de Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, ont notamment servi au remboursement de dettes personnelles, au financement de travaux dans sa principale résidence, effectués par des toxicomanes non payés, à l’achat de deux berlines de luxe et à des voyages familiaux, selon l’enquête.

Questionné par la Cour sur la nature des versements effectués à son profit ("remerciements, gratifications ou notes de frais?"), l’accusé a invoqué d’importants frais de déplacements, notamment alors qu’il était devenu secrétaire général de l’association de Lucien Englemajer, après avoir quitté ses
fonctions au ministère de l’Intérieur.

Le président du tribunal s’est interrogé sur une éventuelle "infraction de trafic d’influence", à propos des interventions effectuées au profit de Lucien Engelmajer par M. Séguéla, alors qu’il était représentant de l’Intérieur à la Délégation générale de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Il s’est également étonné du fait que l’accusé ait dit ignorer le caractère lucratif de l’association et les détournements de fonds auxquels elle se livrait, évidents pour les pensionnaires toxicomanes "au bout de six mois".

Jean-Paul Séguéla a justifié le travail non déclaré de toxicomanes dans sa propriété de Haute-Garonne en affirmant qu’il s’effectuait "dans le cadre de
leur réinsertion". "On ne leur demandait pas un travail lourd. Ils ont toujours eu des petits déjeuners, des déjeuners et des goûters complets", a-t-il avancé, rappelant que l’association, créée au début des années 70, avait "encadré" en France quelque 70.000 toxicomanes et 15 à 20.000 porteurs du virus du sida.

L’accusé a cependant reconnu n’avoir pas pris "assez le temps de la réflexion" et avoir été "un peu manipulé" par Lucien Engelmajer, "un homme qui dégageait un autoritarisme plus qu’amical", a-t-il souligné.

Au total, 17 personnes sont poursuivies dans l’affaire du Patriarche, notamment pour abus de faiblesse, abus de biens sociaux, abus de confiance,blanchiment et recel. Seules 14, dont six enfants Engelmajer, se sont présentées au procès, qui se poursuivra jusqu’en milieu de semaine prochaine.

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