PARIS, 13 déc 2007 (AFP) – L’entreprise n’est pas à l’abri du risque
sectaire, qui peut influer sur les ressources humaines, la sécurité des
fichiers, la gouvernance elle-même, estime la Miviludes (Mission
interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) qui
vient de publier un guide sur le sujet.
Selon le président de la Miviludes, Jean-Michel Roulet, la réalisation d’un
tel guide pratique s’est “imposé” quand il est devenu évident que les sectes
délaissaient le prosélytisme auprès des individus pour s’intéresser aux secteurs
économiques. Par le biais des métiers de conseil, de formation, d’assistance et
de “reconstruction” psychologique, les mouvements à caractère sectaire
s’enrichissent plus efficacement qu’en sollicitant la générosité de leurs
adeptes.
En outre, la mise en état de sujétion (ou emprise sur l’individu) peut
devenir un risque pour le bon fonctionnement de l’entreprise.
Autrement dit, les entreprises risquent de contribuer au financement des
sectes et aussi d’être déstabilisées par leur influence.
Au printemps 2007, la Miviludes a adressé un questionnaire à une série
d’entreprises et d’organisations professionnelles et consulaires sur la
perception du risque sectaire. Certains ont répondu d’emblée “ça ne peut pas
nous arriver” avant de constater que le risque existait.
Progressivement, les entreprises, en se concentrant sur leur coeur de
métier, rétrécissent et externalisent de plus en plus de prestations,
multipliant ainsi les points d’entrée possibles des mouvements sectaires dans
leur structure. Leur activité touche à la fois les personnes (vente de livres,
stages, produits) et les entreprises elles-même (fourniture de logiciels,
services de maintenance) au point quelquefois d’influencer la stratégie et la
prise de décision.
Le vice-président du Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE),
Hervé Pierre, souligne lui aussi que l’externalisation a multiplié les risques
pour la sécurité des entreprises. “Il est devenu plus difficile de maîtriser
tous les risques au fur et à mesure que l’entreprise fait appel à des sociétés
multiples, en France et à l’étranger”, a-t-il confié à l’AFP, soulignant que
“toutes les grandes entreprises françaises ont été confrontées au moins une
fois” à un risque provoqué par une dérive sectaire.
Il insiste ainsi sur l’importance de mieux chercher à “savoir à qui on a
affaire”, sans toutefois tomber dans l’excès consistant à voir des sectes
partout, et à tomber dans la discrimination, ajoute-t-il en substance.
Déjà en 2006, dans son rapport intitulé “Intelligence économique, risques
financiers et stratégiques”, le Conseil économique et social mettait en avant
“le besoin de protection contre la désinformation et les dérives sectaires” et
estimait que le risque d’infiltration de l’entreprise dans des points
stratégiques devait “être pris au sérieux”. Il relevait aussi que le monde
économique était visé par les mouvements à caractère sectaire comme étant le
plus susceptible de satisfaire leurs importants besoins de financement.
La liberté de croyance et le droit d’association sont des droits
fondamentaux, rappelle la Miviludes. “En revanche, souligne-t-elle, peut être
incriminante la manière dont certaines associations exploitent le créneau
associatif (…) pour porter atteinte à la sécurité des personnes et des
entreprises”. Elle considère que le risque sectaire est “une préoccupation à
intégrer dans la sécurité de l’entreprise”.
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