Après les apôtres, voici les applications : pour rencontrer le divin, on peut désormais tenter la communication par téléphone portable. Des applications permettent d’envoyer un message au mur des Lamentations, à Jérusalem, de créer un autel bouddhiste, partout dans le monde, ou encore de localiser la mosquée la plus proche. La confession en ligne est également possible. Tout comme on peut prier dans un jeu vidéo où les temples ont fleuri pour accueillir les personnages en quête de spiritualité…

Désormais, la foi est connectée. La semaine dernière, le Vatican lui-même conviait 150 blogueurs catholiques à l’occasion de la canonisation de Jean-Paul II. Autant de messagers qui n’ont pas manqué d’essaimer leurs billets, leurs analyses de par la Toile. Les réticences du Saint-Siège devant un Internet débridé semblent évanouies. Le réseau est désormais un terrain de prêche crucial. Car il permet de pénétrer dans tous les foyers, directement. Après les sectes, qui ont depuis longtemps saisi cette opportunité, toutes les grandes religions se sont lancées à la conquête de ce ciel numérique. Jusqu’aux courants les plus rigoristes, comme les salafistes, ces musulmans qui entendent vivre comme à l’époque du prophète. D’un côté, ils rejettent la «modernité décadente» que déverse Internet avec ces milliers d’images et ces clichés pornographiques qui peuvent surgir d’un clic malencontreux. De l’autre, ils ont compris l’enjeu du «cyberprêche». Des sites puissants promeuvent les fatwas d’autorités religieuses saoudiennes et trouvent des fidèles de par le monde, qui suivent ces enseignements avec ferveur, derrière leurs ordinateurs.

Les institutions religieuses ont d’abord transposé les textes sacrés. Des milliers de personnes ont ainsi téléchargé la Bible sur leur téléphone portable. Il existe de nombreux sites qui proposent la Torah et le Talmud en ligne, avec des moteurs de recherche interne, pour circuler dans ces textes riches et complexes.

Mais le Net est par nature foisonnant. Chacun peut s’y exprimer, y dire sa foi. Sur la planète «Dieu.com», on compte des dizaines de millions de sites francophones. Du simple blog aux portails sophistiqués, ils couvrent désormais tous les aspects de la vie en ligne : le savoir, l’information, le communautaire, le commerce, les services, analyse l’observatoire Orange Terrafemina dans sa dernière étude sur les religions et Internet. Chaque chapelle trouve ses brebis. Les tenants de la messe traditionnelle en latin, qui touche un public éclaté en France mais rassemblé sur son site, l’ont bien compris.

Pour l’instant, la plupart des internautes amateurs de sites religieux sont «déjà investis dans la pratique», constate le sociologue Jean-François Mayer, auteur d’Internet et religion. Avec les nouvelles technologies, «je consulte des sites d’informations catholiques dans le train ou le métro. Je lis des prières, alors que je n’aurais pas eu le temps d’aller à un groupe de discussion», raconte Yvan, cadre et quadra. Le Net lui permet de participer à la communauté sans contrainte d’horaires et de lieux. Beaucoup apprécient cette liberté d’appartenir à un groupe, «de faire communauté quand on peut, quand on veut», dit Julia, 23 ans, qui suit les pages de Mejliss, un site d’information musulman.

Butinage religieux
À côté des réseaux sociaux religieux qui émergent tout juste, les forums drainent toujours ceux qui cherchent la foi. À l’abri de l’écran, ils posent les questions qui les taraudent ; celles qu’ils n’auraient pas osé demander à un homme de foi. Tandis que les imams s’expriment en arabe, les sites musulmans ont produit des réponses en français, «façonnant très largement l’islam de France», affirme l’islamologue Bernard Godard. De nombreuses jeunes filles qui n’osaient pas se rendre à la mosquée ont entamé leur cheminement religieux devant leur clavier. Mi-confessionnal mi conseil pratique, les forums ont longtemps servi de plate-forme de recrutement pour les religions les plus prosélytes, notamment les évangélistes ; ils vont à la rencontre des fidèles, des malheureux, de ceux qui doutent, avec des sites extrêmement didactiques. Sur Top chrétien, on trouve un véritable parcours de conversion en ligne en dix étapes… Mais le procédé est souvent plus subtil ; pour rencontrer l’internaute, il faut répondre aux questions les plus fréquemment tapées dans Google, comme «comment trouver Dieu». En Allemagne, les évangélistes vont au-devant des musulmans et proposent des réponses à des questions aussi brutales que «pourquoi les églises sont-elles toujours fermées» ou encore «toujours vides».

La forme des questions-réponses qui s’est imposée sur le Net n’est guère propice à une exégèse savante. «D’un côté, la Toile promeut des réponses plus fondamentalistes, car non contextualisées», analyse Jean-François Mayer. «Mais les réponses les plus diverses se trouvent à un clic… et il n’est pas rare de voir l’internaute surfer jusqu’à trouver la fatwa qu’il espérait.» Le butinage religieux est d’ailleurs fréquent. Le rabbin Mendel Samama, l’un des premiers à avoir ouvert un blog puis un profil Facebook, raconte qu’un jour il a reçu une demande de conversion d’un jeune homme de Troyes. Il lui envoie alors une liste de dix questions à méditer, avant de se décider. S’en suit un long silence. Puis celui qui cherchait sa voie lui répond : «Merci pour vos conseils. J’ai compris grâce à vos questions, que je voulais devenir curé !»
Source : Le Figaro du 13/5/2011 par Cécilia Gabizon