Mais les visiteurs de Saison Gospel, qui s’est déroulé de jeudi à samedi sur les plages du Prado, pouvaient aussi entendre « des messages du pasteur Luis Palau, initiateur et porteur du festival ».

{{Musique, Wii et évangélisation mondiale}}
Mais encore ? Jeudi, il s’agissait d’expliquer comment « l’être humain est à la fois corps, âme et esprit, et de la même manière que l’on nourrit son corps, il faut nourrir son esprit, ce qui se fait par la connaissance de Dieu et la foi chrétienne », explique le pasteur Gilbert Léonian, vice-président d’Un même coeur Marseille Provence, qui regroupe une quarantaine d’associations évangélistes et organise le festival. Et de préciser qu’« à la fin, il nous invite à ouvrir nos vies, mais il n’y a pas de pression, c’est davantage une interpellation ». {{En bon français du prosélytisme.}}

A côté des animations sportives, entre deux parties de Wii et une séance de maquillage, les minots et leurs parents pouvaient faire un tour dans le « village monde de l’action chrétienne », où ils croiseront Jeunesse pour Christ (centres de vacances), Betel (soutien aux toxicomanes, qui pour certains ressortent « transformés par la lecture de la Bible ») ou encore Action d’évangélisation mondiale, dont l’objectif est clair : « Evangéliser dans les plus brefs délais les régions du globe non atteintes par l’Evangile ».

L’exemple marseillais
Le tout avec la bénédiction de la ville de Marseille, qui « nous a beaucoup aidé au travers de ses différents secteurs », s’est réjouit vendredi Gilbert Léonian au cours du pot officiel où étaient présents de nombreux élus. « Je me suis occupé surtout de promouvoir l’événement et d’aider avec les moyens logistiques dont dispose la ville », précise Maurice Di Nocera, conseiller municipal délégué aux Grands Événements. Représentant l’adjoint aux Sports Richard Miron, Gérard Vitalis a confirmé la mise à disposition quasi gratuite « de ce magnifique stade d’été ». Après avoir précisé que son intervention du soir était un message à la jeunesse, l’une de ses cibles privilégiées, sur le thème « Dieu t’aime et il a un plan merveilleux pour ta vie », Luis Palau a d’ailleurs applaudi « l’exemple que vous avez donné en nous permettant d’utiliser ce lieu public », exemple dont il allait parler « dans beaucoup d’autres pays ».
Un soutien « œcuménique » au niveau politique a souligné Gilbert Léonian, notant, outre la présence côté UMP des adjoints précités, d’Elske Palmieri (conseillère municipale déléguée aux Édifices cultuels et représentant le maire et son premier adjoint Roland Blum, auteur d’une déclaration très ambigüe dans La Croix), de l’adjoint à la Culture du 6/8 Gérard Detaille (représentant son maire de secteur Dominique Tian, qui l’a chargé « de vous dire combien il est attaché à cet événement »), de la Nouveau Centre Marie-Claude Sarkissian (représentant le maire du 11/12 Robert Assante, dont elle est adjointe) et pour le PS de Denis Rossi, conseiller général, et de Charles Vigny, conseiller communautaire. Un soutien pour certains plus gêné lorsqu’il s’agit de l’afficher dans les médias : contactés par nos soins, l’assistante de Roland Blum a tenté de minimiser l’aide apportée à la réception de Luis Palau « parce qu’ils venait de loin et ça s’arrête là » et Dominique Tian a assuré ne pas être concerné par le dossier.
Face aux organisateurs, les élus ne se sont en revanche pas ménagés pour montrer leur « attachement à la communauté arménienne », selon les mots de Denis Rossi, ajoutant que « vous êtes la seule église qui prie pour ses élus ». Et qui vote aussi ? En tout cas Denis Rossi a eu droit à un appel appuyé de Gilbert Léonian pour la subvention demandée au CG13 (histoire de boucler le budget de 300 000 euros), encore en attente : « encore hier (jeudi, ndlr) monsieur le président Guérini nous a envoyé une lettre pour me dire que vous prendriez en considération ce que nous avons demandé ». Ce dernier qui faisait également partie des élus marseillais très actifs pour la pénalisation de la négation du génocide arménien. Preuve que, vraies communautés ou pas, la « symbolique communautaire » étudiée dans Gouverner Marseille marche toujours à plein….
Un adjoint à la Culture gêné
Les discours d’élus ont surfé, comme ceux des organisateurs, sur l’ambivalence de « l’amour » que ces derniers diffusaient, entre amour de la ville et celui du Christ. « Par la culture, par la musique, on fait passer des messages d’amour », a conclu Gérard Detaille, après avoir déclaré sans ciller : « quels que soient nos postes, nous devons affirmer notre foi, nous devons affirmer nos croyances, il n’y a pas à avoir honte. Au contraire c’est une ville de croyance, de partage, où la foi en Dieu donne son véritable sens à la vie. Le sens de la politique c’est aussi ce sens là, pourquoi le cacher, pourquoi avec une pudeur ? On n’en n’a pas. »
Cette pudeur, d’autres l’ont, car cet événement, accueilli sur l’espace public avec des moyens publics peut sembler franchir la ligne jaune de la laïcité. Si Maurice Di Nocera « ne voi[t] que le côté culture, c’est le plus important, que ce soit organisé par telle ou telle association peu m’importe », si Gérard Vitalis reconnaît qu’« on peut se poser la question, cependant je pense que ce sont plus des soirées de fêtes que de prière, mis à part quelques mots sur Dieu ce qui est normal pour des chrétiens », l’adjoint à la Culture Daniel Hermann nous confie avoir découvert le dossier au moment de la conférence de presse de présentation. « Le gospel est peut-être religieux, mais c’est un chant. Entre cela et des prêches il y a une grande différence. Je trouverais cela déplacé dans un événement festif », commente-t-il.
La cité sans Dieu ?
Interrogé sur la question, Gilbert Léonian y répond, reconnaissons-le, volontiers et sans détours. « Je comprend tout à fait qu’un élu de la République puisse avoir cette réaction, car ce n’est pas le lieu normal pour exprimer notre message », assure-t-il, ajoutant toutefois qu’« à partir du moment où on nous accepte ici c’est dans notre globalité, ce qu’on vit ici c’est notre foi chrétienne, on ne s’en est pas caché ». Mais s’il « respecte » les réserves de Daniel Hermann, il trouve que « la France est un pays frileux par rapport à la laïcité ».
Ce qui, déplore-t-il, nous a amené à vivre dans une « cité sans Dieu. On a tellement insisté sur une définition stricte qu’en voulant confiner la spiritualité dans la sphère privée, notre société, en particuliers nos jeunes, avance sans valeurs. » Des jeunes qui, dans la foulée du « ni Dieu ni maître de mai 68″ et faute « d’éducation chrétienne » tombent selon lui dans « l’athéisme, le relativisme, recherchent le plaisir pour le plaisir. Cela marche peut-être un temps, mais ce n’est pas comme cela qu’on construit une vie solide. Les élus qui nous soutiennent n’ont pas signé une charte là-dessus, mais ils se rendent compte que la société est en quête de valeurs, de sens, et que l’Evangile a des réponses. »
En revanche, la mairie semble beaucoup moins ouverte lorsque des chercheurs s’interrogent, sans prosélytisme aucun, sur la visibilité de l’islam à Marseille, et utilisent une mosquée pour illustrer l’affiche de leur exposition….

{{Source : “Marsactu.fr” par JulienVINZENT}} 4 juillet 2011