” Il s’est écoulé neuf ans entre le début de l’enquête préliminaire et le procès en appel. “ Comme le note Yannick Le Roy, adjoint au chef de la PJ de Caen, l’affaire de la secte du Parc d’accueil a été un feuilleton de longe haleine.

Signalement en 2004

Début 2004, un premier signalement concernant les activités de Françoise Dercle est rapporté à l’ADFI Normandie, par une amie de l’une des adeptes de la gourelle. Un renseignement pris très au sérieux par l’association qui ne tarde pas à informer la police judiciaire. Il faudra attendre novembre 2006 pour que la plainte pour sévices déposée par une jeune femme membre du groupe, permette aux enquêteurs de démarrer un travail sur le terrain. L’enquête commence, elle s’avère très compliquée : ” Par définition, la secte vit repliée sur elle-même, c’est donc très compliqué de savoir ce qui se passe à l’intérieur. “ Poussés notamment par la présidente de l’ADFI Normandie, les enquêteurs ne laissent pas tomber. Ils ont l’oreille du juge d’instruction ( ils seront quatre à se succéder sur cette affaire ) , ce qui leur permet de déployer des moyens d’enquête inédits pour ce type de faits. En l’espèce, les policiers démarrent des surveillances physiques des adeptes, ce qui établit que le groupe vit bien replié sur lui-même au sein de la maison de Lisieux.

Téléphone sur écoute

Clé de l’affaire, la PJ démarre des écoutes téléphoniques, ce seront elles qui permettront l’inculpation de Françoise Dercle. Yannick Le Rpy explique : ” C’était compliqué, des heures et des heures d’écoute. Car si Françoise Dercle n’était pas toujours là physiquement, elle était très présente par le téléphone. “ Et les enquêteurs découvrent alors la nature des relations entretenues par Françoise Dercle et ses adeptes : ” C’est comme cela que nous avons découvert l’emprise exercée sur les adeptes. Notamment quand on entend une adolescente parlementer une demi-heure avec une Françoise Dercle qui se fait menaçante parce que la jeune fille veut envoyer un texto à son petit ami. “ Plus impressionnant : ” Quand nous avons entendu cette femme de cinquante ans, totalement soumise, parlant avec une voix de petite fille, répondant juste par oui oui à la gourelle. ” Ces écoutes sont mises entre les mains d’un expert psychiatrique qui confirme ce dont tout le monde se doutait : les enquêteurs sont manifestement face à un abus de faiblesse psychologique.

Tous en garde à vue

Quand le matériel est réuni, les policiers prennent la direction de Lisieux et le 27 juin 2007, ils interpellent Françoise Dercle. Dans le même temps, ils placent tous les adeptes en garde à vue. Une méthode qui peut paraître surprenante, mais qui est tout à fait réfléchie : ” Il fallait absolument exploser le groupe, faire en sorte que les adeptes ne puissent pas communiquer entre eux. ” Choqués et en colère, ces derniers sont pour autant bel et bien un peu plus lucides dès le deuxième jour de garde à vue : ” Nous avons mis en place une équipe de soutien psychologique, nous avons prévu des hébergements d’urgence pour chacun d’entre eux, toujours éloignés pour garder cette idée que le groupe ne se reforme pas. “

Aujourd’hui, l’enquête judiciaire, comme l’ensemble de l’instruction, est qualifiée d’exemplaire. L’idée de déployer des moyens comme les écoutes téléphoniques pour lutter contre les dérives sectaires, s’impose. Depuis 2009, un service d’enquête spécifiquement compétent dans les dérives sectaires existe au niveau national. Il peut enquêter seul comme seconder tous les services de police qui travaillent sur les mouvements sectaires en France. Pour les familles et les associations, toutes ces avancées sont un très grand espoir dans la lutte contre les sectes.

http://www.libertebonhomme.fr/2014/03/13/secte-du-parc-daccueil-de-lisieux-les-dessous-de-lenquete/