Les victimes faisaient confiance à Vivalavi, elles ont acheté pour plus de 18 millions d’euros en appartements et villas, et puis tout est parti en fumée… Près de 80 des investisseurs floués ont déjà déposé plainte.
Une villa de rêve à Bali, un placement ultra-rentable exonéré d’impôts… Une promesse trop belle pour être vraie. Et pourtant, depuis 2007, ils sont quelque 191 à avoir cédé à la tentation en investissant plus de 18 millions d’euros au total dans les projets d’Éric et Franck Girardot en Indonésie.
Depuis avril, le groupe Vivalavi et ses satellites, fondés par les deux frères Girardot, croulent sous les dettes ; plus aucun dividende n’est versé. Les « investisseurs » qui avaient acheté sur plan des appartements et des villas d’une valeur de 100 000 à 1 million d’euros à Rening Bay, un terrain de 8 hectares au bord d’une plage, ont alors découvert que ces biens ne seraient jamais achevés et que les parts de SCI qu’ils pensaient détenir ne valaient pas une roupie… Quant aux prêts que certains avaient accordés à Vivalavi contre la promesse d’une juteuse rémunération, jusqu’à 60 % au terme de trois ans, ils ne leur seraient pas remboursés, leurs transactions n’ayant fait l’objet d’aucun acte notarié. Pas plus en France qu’à Bali où, d’ailleurs, les étrangers ne peuvent être propriétaires. Depuis quelques semaines, la fronde des investisseurs s’organise. Près de 80 plaintes pour escroquerie, abus de confiance et recel sont arrivées aux tribunaux de Paris et de Bobigny. « Certains sont ruinés, explique l’une des victimes. L’un d’entre nous dort dans sa voiture. »
Pour les plaignants, la mésaventure des clients de Vivalavi a un nom : le système de Ponzi. Inventé à Boston au début du siècle dernier par un immigré italien, Carlo Ponzi, il s’agit d’une chaîne financière qui ne produit rien mais s’alimente grâce au flux permanent de nouveaux entrants. Ce sont les derniers arrivés qui paient les dividendes de la « génération » précédente. Le jour où l’argent ne rentre plus, c’est la catastrophe. Bernard Madoff, le financier des stars, condamné à cent cinquante ans de prison en 2009, s’en était largement inspiré pour construire son empire.
Recrutés sur les salons bio
Ponzi proposait des coupons postaux, Madoff des produits bancaires dérivés, les frères Girardot du bien-être, de la liberté financière et de l’économie durable… « La crise de 2008 nous a pris de plein fouet et le coût de la construction a explosé », se défend Éric Girardot. « Mes clients ont, en contrepartie de prêts ou d’investissments, acquis les nombreux actifs annoncés, tels que des terrains en Indonésie, et certaines entreprises rentables ont été créées et exploitées, plaide Me Julien Andrez, l’avocat des Girardot. On est loin d’un projet fictif et aucune manœuvre frauduleuse ne peut leur être reprochée. » Les investisseurs floués ne l’entendent pas de la même oreille. « L’argent de mes clients a été détourné de son objet, contredit Me François Honnorat, qui défend une dizaine de personnes, il a servi à payer des salaires, un train de vie considérable, des activités commerciales, alors qu’il aurait dû n’être utilisé qu’à la construction des appartements et des villas achetés. »
La plupart des clients de Vivalavi, souvent des femmes, ont été recrutés sur des salons zen ou bio, type Marjolaine à Paris. Selon un marketing bien rodé, les investisseurs étaient « invités » à un stage de coaching personnel et financier animé par les frères Girardot et leur associé. Franck Girardot s’occupait du corps et de la recherche des énergies, André Pitra de l’esprit, Éric Girardot des finances. En prime, les stagiaires recevaient « gratuitement » un bilan patrimonial dans lequel ils étaient incités à se délester de leurs biens en France pour investir en Indonésie. Dès le contrat signé, ils recevaient de premiers dividendes, en réalité des primes fictives. Pour finir de séduire, Vivalavi organisait des séjours, stages payants ou voyages offerts dans son complexe hôtelier zen de Kerobokan, en Indonésie… Les visiteurs rentraient en France enchantés, une publicité efficace pour attirer de nouveaux acheteurs.
Aujourd’hui, Vivalavi propose à ses clients un plan de restructuration. L’hôtel de Kerobokan aurait été vendu pour éponger les dettes, et le terrain de Rening Bay serait divisé en 191 parcelles vierges cédées aux investisseurs. « Les prix des terrains triplent chaque année, affirme André Pitra. Dans quatre à cinq ans, ils auront tous récupéré leur mise. » Un nouveau deal qui ne convainc pas tout le monde.
source : http://www.lejdd.fr/Societe/A-Bali-191-epargnants-sur-le-sable-675934
Marie-Christine Tabet – Le Journal du Dimanche