Pour essayer de trouver une réponse, Ted Anspach est remonté jusqu’aux racines du mal, au Pakistan, pays gangréné par l’intégrisme islamique.

Avant l’accident, Samir était un jeune comme tant d’autres, qui aimait sortir, s’amuser et ne s’intéressait pas à la religion. Puis il y eut ce camion qui percute la moto qu’il conduit, et son frère jumeau, assis à l’arrière, qui meurt sur le coup. Alors il bascule. Samir passe ses journées sur Internet, où il est accroché par le message de propagande d’un de ces sites extrémistes qui prolifèrent sur le Web. En quelques mois, il se métamorphose, au point que ses proches ne le reconnaissent plus. Samir purge aujourd’hui une peine de prison pour avoir voulu commettre des actes terroristes. Depuis, sa mère cherche à combattre ces organisations qui enrôlent de jeunes proies fragiles via le Net. « C’est une secte, explique son avocate. Les mécanismes et l’embrigadement sont identiques. Et la justice n’est pas encadrée par des experts qui maîtriseraient ce phénomène. » A l’image d’un Merah à Toulouse ou d’un Adebolajo à Londres, les actes isolés ont pris le pas sur les actions de groupe et rendent beaucoup plus compliquée la lutte contre le terrorisme. Selon le juge antiterroriste Marc Trévidic, le Web favorise « une radicalisation à outrance avec des idées simples qu’on peut facilement mémoriser et, surtout, des images fortes. » Pour Anif Khadir, « ce sont les personnes les plus sensibles qui sont vulnérables… Moi, c’est comme ça que j’ai été radicalisé. » A Londres, ce djihadiste repenti a fondé une association qui tente de détourner les jeunes en perdition de la radicalisation. Mais les vrais extrémistes ne se rapprochent pas de ce genre d’organismes.
Vers la déradicalisation de terroristes
Le Pakistan, miné par la violence intégriste qui a fait 50 000 morts au cours des dix dernières années, et centre de formation des candidats au djihad.
© Frank Vrignon
Alors, pour comprendre et identifier l’élément déclencheur vers le passage à l’acte, le réalisateur Ted Anspach est parti au Pakistan, pays à la fois miné par la violence intégriste qui a fait 50 000 morts au cours des dix dernières années, et centre de formation des candidats au djihad.
Voyage sous haute surveillance qui a exigé des mois de tractations pour permettre au journaliste et à son équipe de pouvoir filmer dans les endroits les plus dangereux. A Karachi, dans la seule madrasa qui leur a ouvert ses portes, le discours rassurant du mufti contraste avec les témoignages recueillis, à l’insu de leurs surveillants, d’enfants de huit ans. Abrutis par la privation de sommeil, ils ânonnent toute la journée le Coran sans comprendre un seul mot d’arabe et déclarent n’avoir pour seul rêve que d’aller à La Mecque et de mourir en martyr. Ils sont ainsi des centaines de milliers dans tout le pays, souvent issus de milieux défavorisés, conditionnés pour le djihad. Plus tard, un jeune fondamentaliste, étudiant en journalisme, qui milite pour une organisation extrémiste, explique qu’il a trouvé auprès d’elle un soutien éducatif et des liens presque familiaux. Après un passage par Lahore, où la communauté chrétienne subit la violence répétée des islamistes, et à Quetta, au Baloutchistan, zone aux mains d’Al-Qaida, le journaliste pénètre dans la vallée de Swat, il y a peu de temps encore dominée par les talibans. Il y découvre un centre de mineurs détenus sous haute sécurité, où a été mis en place un programme de déradicalisation de terroristes. Ici, on tente individuellement de les scolariser de nouveau tout en développant leur esprit critique et rationnel. A leur sortie, le taux de récidive pour ces anciens extrémistes est estimé à 10 %. « La clé, c’est la notion de groupe, explique la psychiatre à l’origine de cette expérience. Un individu qui se sent exclu de la société devient la proie idéale. Vous devez être vigilants en Europe et aux Etats-Unis à l’égard de tous vos jeunes qui restent sur le bas-côté ! »

source : le Mag de France 5 et Vous par Anne-Laure Fournier

Documentaire d’une de Durée 52’
Auteurs Sophie Jeaneau et Ted Anspach
Réalisation Ted Anspach
Production Effervescence Doc, avec la participation de France Télévision