Natascha Kampusch aime la menthe à l’eau et le vent frais. De passage en France pour parler de son nouveau livre «10 ans de liberté» elle s’est dégotée, un hôtel familial à Paris, doté d’un petit jardin caché. Elle aime discuter à l’extérieur, même s’il y fait un peu frisquet. Natascha semble vouloir respirer chaque goutte d’air qu’il lui est possible d’inhaler. Il y a 10 ans, le 23 août 2006 exactement, elle réussissait à s’échapper de la maison dans laquelle son ravisseur Wolfgang Priklopill la détenait depuis 8 ans et demi. Natascha a découvert le monde à l’âge de 18 ans. Les mois qui ont suivi lui ont donné envie de raconter son calvaire dans un premier livre intitulé «3096 jours». Pour répondre aux questions et sans doute faire en sorte qu’on arrête de lui en poser. De cette époque, elle garde le souvenir d’une multitude de psychiatres, d’avocats, d’experts en tous genres, de critiques et d’un emballement médiatique qu’elle n’était pas prête à affronter.
{{Dix ans plus tard, Natascha signe avec «10 ans de liberté», son second livre.}}
Parce qu’elle en avait besoin. Besoin de raconter ces années où après s’être échappée, elle a ensuite eu le sentiment de n’être qu’un poisson dans un bocal pour la société. Natascha venait de passer 8 ans de ces précieuses années de vie hors du monde, en proie aux pires sévices et à l’emprise mentale qui ne laisse aucun répit. «Ca intéressait un tas de gens» raconte-t-elle. Aujourd’hui, Natascha Kampusch est une survivante, mais surtout une femme libre. Paris Match l’a rencontrée.
Paris Match. Vous démarrez votre livre avec des mots que vous avez écrit alors que vous n’aviez que 10 ou 11 ans. Des mots écrits au début de votre captivité. Vous aviez déjà une maturité et une force incroyable ?
Natasha Kampusch. J’avais 11 ans précisément quand j’ai écrit ça. J’ai effectivement démarré ce livre avec ces mots «Crois en toi tu as de la valeur. Console-toi tout s’arrangera. Sois forte. Tout va s’arranger. (…) Quand tu veux quelque chose, et que tu y travailles tu atteindras ton but (…) Ces mots son importants pour moi. J’ai une force, oui, c’est vrai. Mais je ne peux pas vraiment expliquer d’où cette force m’est venue. Pour ça, il faut demander à mes parents !»
Lorsque vous avez réussi à vous échapper, vous pensiez que le monde extérieur était le «monde des bons». Vous avez vite déchanté. Comment ça s’est passé ?
Au départ, j’avais l’impression que les gens extérieurs faisaient partie «du mondes des bons» De toute manière, au début quand j’ai découvert ce monde, n’importe qui était bien meilleur que mon ravisseur, qui m’avait tenu captive depuis si longtemps. C’était facile de penser que tout le monde était bien mieux que celui qui m’avait fait ça. Ensuite, je me suis rendue compte que dans ce monde des soit disant «bons», il y a surtout des êtres humains qui pensent d’abord à leurs propres intérêts. Vous savez, l’espèce humaine est parfois la pire des espèces.
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« Je ne voulais pas garder cette haine »}}
Vous étiez le centre d’intérêt, comment l’avez vous vécu ?
Certains m’observaient comme si j’étais un animal de zoo. Je ne mets pas tout le monde dans le même sac bien sûr. Mais certaines personnes étaient touchées par ce qui m’était arrivée, pour servir surtout leurs propres intérêts. Ca a aussi réveillé des pulsions sadiques chez certains, et beaucoup de vanité. Ils se battaient pour savoir qui avait le secret, la primeur de l’information. Du côté des experts, c’était aussi la course à celui qui allait pouvoir faire carrière avec mon cas.
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Dans votre livre, vous parlez aussi des soupçons. Certains vous ont même reproché de ne pas vous être échappée plus tôt.
Oui, on me l’a reproché ! Mais c’est plutôt très difficile de traverser un mur en béton non ? Et puis certes il y a eu ce moment au ski avec mon ravisseur. Au départ je n’en ai pas parlé par ce que je pensais que ça n’intéresserait que la police et pas l’opinion publique. Ensuite, j’en ai parlé. C’est vrai ce jour-là lors d’une sortie, j’ai croisé une femme, à qui j’ai essayé de parler, j’ai tenté de l’avertir. Mais elle parlait une autre langue, le néerlandais je crois. Elle ne comprenait pas ce que je disais.
Vous dites que vous avez pardonné à votre ravisseur ?
Oui, car l’enjeu c’était également l’oubli. Lorsqu’on ressent de la haine pour quelqu’un, on ne peut pas s’en libérer. Je ne voulais pas garder cette haine.
{{« C’est aussi ça la vie »
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Vous expliquez aussi les débuts de votre socialisation. Tout le monde y allait de son «petit conseil» pour vous aider ?
On me disait «va en boite, va danser !». Au début, je pensais que c’était ça la liberté. Donc je me suis prêtée au jeu. Maintenant, je sais que je ne suis pas obligée d’aller en discothèque pour vivre. A l’époque je ne savais pas ce qui se faisait. Je me disais «c’est comme ça que je dois faire pour aller mieux». Ensuite j’ai pu constater assez vite qu’il y avait quand même un certain nombre de personnes, qui après le travail, rentraient tranquillement chez elles pour passer une soirée tranquille.
10 ans après, vous avez pu tisser un groupe de confiance avec des amis ?
Oui, j’ai des amis. Ensuite, au départ ce qui a pu arriver c’est que je ne comprenais pas toujours leurs problèmes. Et à cause de ce que j’avais vécu, je relativisais leurs soucis. J’ai dû apprendre à prêter attention aux choses qu’ils considéraient eux, comme importantes : les discussions tournaient autour des livres, des soirées dans lesquelles on va, ce qu’on s’achète, ce que l’on porte, la couleur du rouge à lèvres ! Je savais que ça existait bien sûr. Petit à petit, j’ai compris aussi pourquoi les gens avaient besoin de parler de ce genre de choses. Je me suis intéressée à leur façon de voir le monde. Je me suis rendue compte que ça faisait partie de la vie. Car c’est aussi la vie.
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« Mon large ? C’est la liberté ! »}}
Dans votre livre, vous citez Don Bosco, Nelson Mandela, ce sont des personnages importants pour vous ?
Oui, mais je dédicace aussi mon livre aux femmes. A toutes les femmes courageuses de ce monde. Je n’en ai pas cité car il y en a tellement… Mais je me suis aussi faite une liste de noms de femmes que j’admire. Il y a Marie Curie, Frida Kahlo par exemple. Ca englobe aussi toutes les héroïnes du quotidien.
Vous dites aussi «à présent que j’ai commencé à nager vers le large, je souhaite qu’on cesse à l’avenir de me rappeler toujours les limites du bassin». Quel est ce large, que vous évoquez ?
A présent, mon large, c’est la liberté ! Les frontières seront peut-être toujours là, mais vous savez à partir du moment où on est libre dans sa tête, on se sent libre partout. On peut aussi se sentir libre dans sa baignoire et s’imaginer qu’on vogue dans le grand large !
source :
http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Natascha-Kampusch-10-ans-de-liberte-1080682