Croire et faire croire. Usages politiques de la croyance (Presses de Science Po, 2017), publié sous la direction d’Anne Muxel, est le deuxième ouvrage collectif d’une série dont le premier s’intitulait Temps et politique. Les recompositions de l’identité (sous la direction d’Anne Muxel, Presses de Science Po, 2016). Pluridisciplinaire, il comprend les interventions de politistes, de philosophes, de sociologues, d’historiens, d’historiens de l’art et de spécialistes des médias : Myriam Revault d’Allonnes, Gil Delannoi, Carole Widmaier, Marie Gautheron, Bertrand Delais, Jamie Pélabay, Pascal Perrineau, Anne Muxel, Annette Wieviorka, Janine Mossuz-Lavau et Vincent de Gaulejac.

L’objectif atteint de ce livre est de montrer que la croyance n’a pas disparu avec la sécularisation de la société française. En effet, initialement la croyance est liée à la notion de foi : le « je crois » du credo. Si la pratique religieuse est en déclin, la croyance reste. Comme l’écrit Anne Muxel dans son introduction, toute société a besoin de croyance pour fonctionner et se représenter. De ce fait, la croyance se manifeste aujourd’hui de différentes façons : la foi évidemment, mais aussi au travers des idéologies, y compris finissantes, et des mises en scène de la vie politique française.

Les différents participants y interrogent les usages politiques de cette croyance, au travers de champs comme la science, la prière, les droits de l’homme, le populisme, le djihadisme, les valeurs de la République, la communication politique, la filiation, la mémoire, le refoulement, les répertoires d’engagement des jeunes, etc. L’individu est aujourd’hui prisonnier d’existences hétérogènes, d’appartenance multiples et de valeurs conflictuelles. Il est privé des repères de la religion et il est contraint de créer du sens pour se positionner dans le monde et pour l’interpréter. Cette crise de sens est caractéristique de notre époque saturée d’informations, souvent anxiogènes dans laquelle l’individu cherche à conforter ses convictions. Pour cela, il se rabat sur ce qui confirme ou renforce ses croyances, comme les discours populistes ou religieux (le catholicisme conservateur de la « Manif pour tous » ou le djihadisme).

Cet ouvrage, par son approche pluridisciplinaire, est très intéressant : il offre une vision complète des soubresauts des sociétés occidentales, en particulier de la société française, devenue frileuse et fracturée depuis le début des années 2000. Ce livre est donc très utile pour comprendre les enjeux contemporains de la sécularisation de notre pays, ainsi que sa recomposition politique, marquée par les populismes, de gauche et de droite. Il permet enfin de voir les évolutions de notre société, ainsi que les doutes et les angoisses qui la travaillent. Il montre également que le vivre-ensemble se construit sans cesse, comme le met en évidence le chapitre d’Annette Wieviorka sur l’éducation aux droits de l’Homme.

source :

http://criticamasonica.over-blog.com/2018/01/croire-et-faire-croire.html?utm_source=_ob_email&utm_medium=_ob_notification&utm_campaign=_ob_pushmail