Dans l’entretien qu’il nous a accordé à l’occasion de la sortie de son livre « la Fracture », Gilles Kepel accuse une partie des intellectuels de gauche, idéologues utiles des islamistes, de minimiser le phénomène djihadiste. Une cécité criminelle, dénonce le spécialiste de l’islam.
Directeur de la chaire Moyen-Orient-Méditerranée à l’Ecole normale supérieure et professeur à Sciences-Po, Gilles Kepel publie cette semaine chez Gallimard « la Fracture », un livre conçu autour des chroniques radiophoniques qu’il a tenues chaque semaine sur France-Culture. Entretien.
Dans votre livre, vous dénoncez violemment « les autruches de la pensée dénégationniste », qui situent la cause du mal absolu dans l’islamophobie, notion que les islamistes et leurs compagnons de route ont fini par imposer pour interdire, dites-vous, tout débat sur la deuxième religion de France. A l’heure où le débat politique sur l’islam n’en finit pas de se crisper, y avait-il urgence à dénoncer le fonctionnement de ceux que vous qualifiez d' »islamo-gauchistes » ?
Oui, car ces intellectuels tétanisés par la culpabilité postcoloniale battent la campagne médiatique. Ils font de l’islamophobie le ressort exclusif des grandes manifestations antiterroristes du 11 janvier… Proclamer « Je suis Charlie », c’est pour eux faire acte d’islamophobie ! Cette cécité les conduit à minimiser le péril djihadiste de peur de désespérer Molenbeek comme les compagnons de route du Parti communiste s’interdisaient de dénoncer les exactions du stalinisme de peur de « désespérer Billancourt ».
Par-delà l’organisation terroriste Daech, qui a fracturé la cohésion rêvée de la patrie, je crois que deux forces de désintégration sont à l’œuvre dans la société française. D’une part, les mouvements communautaristes, qui font prévaloir l’appartenance religieuse et ses marqueurs dans l’espace public. De l’autre, une conception identitaire et étroite de la France, dont le fond est ethno-racial et xénophobe.
Mon livre est destiné à nourrir le grand débat de société qui doit absolument précéder les élections présidentielle et législatives de 2017. En tant qu’universitaire travaillant sur ces enjeux depuis trois décennies, je me livre à une analyse sans dramatisation mais sans complaisance du défi mortel que pose le djihadisme à notre pays et que cherchent à occulter une partie de nos intellectuels de gauche.
source : Lire l’intégralité de notre entretien avec Gilles Kepel dans « l’Obs » en kiosque jeudi 3 novembre et dans notre Espace Abonnés.