Saint-Chéron, le 8 juin. « Des Noémie comme moi il y en a 2 par jour qui meurent sous les coups », appuie Nath Apolline, victime de maltraitance durant sa jeunesse, qu’elle raconte sous les traits de la petite Noémie dans
« L’enfance en enfer »

« Mon 1er psy m’a dit : Avec ce que vous me racontez, on va à la Cour d’assises demain. J’ai refusé et aujourd’hui il y a prescription, mais il m’a fait promettre d’écrire ce livre : Vous le devez à tous les enfants qui sont morts de maltraitance », se souvient Nath Apolline, 41 ans, installée depuis 5 ans à Saint-Chéron où est basée Ensemble pour Défendre et Développer les Droits de l’Enfant, l’association qu’elle va lancer avec un ingénieur, une infirmière et une psychologue lors du salon du livre de Mons (Belgique) ce week-end.

L’objectif est d’intervenir dans les écoles élémentaires pour expliquer leurs droits aux enfants, comment réagir face à la maltraitance. Un livret de prévention est en cours de rédaction. Et que « les gens comprennent les mécanismes du bourreau et de sa victime ». Dans son livre se dévoile l’impensable, insoutenable, « L’enfance en enfer »*, autobiographie de sa jeunesse, marquée par les coups incessants de « La Mère », « sa génitrice », et l’inaction coupable de ses proches, son père, sa grand-mère, son frère et sa sœur, ses enseignants, les religieuses du lycée, face aux violences physiques, mentales et sexuelles qu’elle a subies chez elle, dans le milieu feutré d’une maison bourgeoise de Bourg-la-Reine (92) d’où rien ne filtre.

Aujourd’hui mariée et heureuse maman de deux enfants (qui n’ont pas le droit de lire ce livre avant leur majorité), et après 15 ans de travail avec des professionnels de la psychologie, Nath Apolline a réussi à se raconter dans un livre aussi saisissant qu’effroyable mais jamais « pathos », où elle se révèle crûment, de ses premiers souvenirs de violence et d’inceste à 3 ans jusqu’à l’adolescence, dans la peau de « Noémie », ultime distanciation protectrice contre ses blessures maternelles qui resteront à jamais saillantes.
« 97 000 enfants par an sont en danger, et les ¾ d’entre eux ne parlent jamais »

« C’est ma vérité, qui s’approche le plus de la réalité. Des scènes que j’écris une fois se sont en fait passées 500 fois. Tous les psys m’ont dit : Vous racontez avec des détails qui ne s’inventent pas. Tout est vrai… sauf la chute. Des Noémie comme moi il y en a 2 par jour qui meurent sous les coups, rappelle-t-elle. En France, 97 000 enfants par an sont en danger, et les ¾ d’entre eux ne parlent jamais. Un sur 5 subit des violences sexuelles avant 16 ans, et un sur 3, de la violence. Avec ce livre, je mène un combat auprès des adultes, pour qu’ils ouvrent les yeux. Certains m’écrivent qu’ils se remettent en question sur l’éducation de leurs enfants, d’autres se libèrent car ils ont vécu ça aussi. »

Surnommée « sale petite garce » par celle qui lui répétait à l’envi : « J’ai droit de vie et de mort sur toi, je suis ta mère », Nath Apolline s’est malgré tout bâti une vie, en s’échappant dans la littérature, les voyages et avec le soutien de son mari. D’abord bénévole humanitaire dans des orphelinats indiens, elle a été professeure de français et d’histoire-géo, correctrice et rédactrice. Désormais institutrice, elle veut écrire une collection de livres pour enfants. Elle a totalement coupé les ponts avec sa famille, qui n’a d’ailleurs pas réagi à la publication du livre… contrairement à ses proches. « Les ¾ de mes amis sont tombés de l’armoire quand ils ont su, quand ils ont lu. J’en ai perdu beaucoup aussi, qui n’avaient pas les épaules pour écouter. » Ne rien dire, ne rien voir, ne rien écouter : tel est le puissant bâillon de l’enfance maltraitée que Nath Apolline contribue à déchirer.« L’Enfance en enfer », de Nath Apolline, Airvey éditions, 10/2014, 19 €.Rens. sur www.airvez-editions.com et le blog : http://l-enfance-en-enfer.blog4ever.com. Contact : nathapolline@yahoo.fr.

Tabassage quotidien, insultes, inceste et humiliation continue
Ames sensibles, s’abstenir : « L’Enfance en enfer » n’est définitivement pas à mettre entre toutes les mains. On y découvre la vie insupportable de Noémie, fille aînée d’un couple bourgeois favorisé de la banlieue sud, où Jean-Pierre, le père absorbé par son poste élevé confie l’éducation de ses enfants à Astrid, sa femme, au foyer. Une mère qui coupe les cheveux avec une paire de ciseaux qui vient se ficher profondément dans la nuque de l’enfant, ensanglantée.

Tous les jours depuis ses 3 ans, la petite « se fait tabasser » et doit venir en demander pardon à genoux à sa mère pour l’avoir énervée. Les coups sont maquillés par de l’arnica et des glaçons dans un chiffon. Selon l’auteure, c’est sa ressemblance physique avec sa mère, reflet de ses propres démons, qui condamnent l’enfant, contrairement à son frère et à sa sœur, qui assistent aux scènes.

La violence est autant verbale que physique et s’accompagne d’une humiliation continue : « Aux pieds j’ai dit », « ramasse ce que tu as vomi, je te certifie que tu vas l’avaler », « à poil et à quatre pattes sale monstre », « je vais t’étriper sale garce » ou encore « on est vraiment un sale monstre dégueulasse, on le sait ça ? » sont récurrents au fil du récit de 270 pages, qui évoque aussi l’inceste. Surtout, on y comprend le mécanisme du régime de terreur que « la mère » a réussi à imposer à Noémie : « si jamais tu parles, je te tue », « j’ai droit de vie et de mort sur toi, tu comprends ça ? » et « ne l’oublie jamais, c’est grâce à moi qu’on vit et parce que je le veux bien ». Si bien que dès ses 7 ans, Noémie, qui a tenté une fugue râtée, pensera à se suicider.

I.F.

source :
le parisienfr
par Isoline Fontaine | 19 Nov. 2015, 18h52 | MAJ : 19 Nov. 2015, 18h52