Mardi, il comparaissait détenu (depuis septembre) devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, poursuivi pour apologie et provocation au terrorisme. Al-Normandy a grandi à la campagne, dans une famille athée et communiste. Après un bac marketing, il a travaillé dans le bâtiment, puis a animé un site jihadiste sur lequel il a diffusé les écrits d’une revue de propagande liée à Al-Qaeda.
«Drones». Comment est-il arrivé à la religion musulmane ? «C’est un cheminement personnel, c’est la seule vraie religion monothéiste», dit-il. Il s’est converti à l’islam à 20 ans. A épousé une Tchétchène à 25, a divorcé puis s’est remarié à une Franco-Marocaine. Puis il est allé, «par un concours de circonstances», s’inscrire comme modérateur sur le site Ansar al-Haqq. L’administrateur du site parti, il en a assuré l’intérim. C’est à ce moment-là qu’il tombe sur deux articles de la revue Inspire, émanation d’Al-Qaeda. «Ça s’est présenté comme ça, il y avait des choses intéressantes à traduire», explique-t-il. «Intéressantes», comme ce chapitre intitulé «nous sommes tous des Oussama». Le magazine prône le jihad, la résistance ou fait la biographie des martyrs, «ceux qui ont été tués par des drones américains», dit Al-Normandy. Il commence un travail de traduction et de diffusion via Ansar al-Haqq. Il publie aussi une photo de la tour Eiffel avec cette légende : «Malheur à la France, malheur à son peuple.» A ce moment-là, explique le jeune homme, «je n’étais pas fier d’être français».
Mais il enlève «délibérément» quelques passages pour «notre sécurité et celle de nos collaborateurs». Ces passages sont des «incitations au sabotage» ou des indications pour fabriquer des «bombes artisanales». «Je ne voulais pas être responsable de cela», dit Al-Normandy. Mais, nuance le jeune homme, «il y avait des choses qui passaient que je n’avais même pas lues dans cette revue».
«Ennemi». Vient le début d’un mea culpa : «Avec le recul, c’était bête et très bête, je n’ai pas fait d’études, jamais travaillé dans la presse. Si c’était à refaire, je ne le referais pas.» Selon lui, l’important, c’était d’«informer les gens, réveiller les consciences», mais certainement pas d’«inciter les gens à commettre des attentats», Pourtant, certains passages antiaméricains sont très provocateurs : «Tout le monde devrait lutter vers un but, expulser les ambassades US, les incendier, tuer les ambassadeurs, frapper l’ennemi au cœur», est-il écrit… Le président demande : «Est-ce une incitation ou une information ?» Puis : «Pourquoi publiez-vous des propos que vous ne faites pas vôtres ?» «C’est pas parce que j’ai publié que je voulais inciter», répond Al-Normandy, qui encourt cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Il a été condamné mardi soir à un an de prison ferme.
Source : LIBERATION par Didier ARNAUD le 4 mars 2014