Pour François Devaux, ancienne victime d’un prêtre à Lyon, la naissance officielle de l’ONG Ending Clerical Abuse (ECA, «pour en finir avec les abus du clergé»), destinée à lutter contre la pédophilie et les dérives sectaires dans l’Eglise catholique, est un «moment historique». Lors d’une conférence de presse, jeudi à Génève, ses représentants ont rendu publique une liste de responsables catholiques ayant couvert, selon eux, des affaires d’abus sexuels.

Chaque représentant de la quinzaine de pays réunis au sein de l’ONG affichait la photo d’un prélat. La Parole libérée arborait celle du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon qu’elle accuse d’avoir protégé le père Bernard P., accusé d’abus sexuels dans les années 80, sur plusieurs dizaines de jeunes scouts. Parmi les évêques incriminés figurent aussi le Chilien Juan Barros, au centre d’une violente polémique dans son pays et l’Espagnol Luis Ladaria Ferrer, haut responsable au Vatican et préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi.

Pionnière

Depuis lundi, une vingtaine de personnes, des représentants d’associations et des personnalités tel que Peter Saunders, une figure historique de la lutte contre la pédophilie dans l’Eglise, participent, à la frontière franco-suisse, aux travaux destinés à structurer l’ONG. «Nous avons déjà rencontré des responsables des Nations unies», explique à Libération François Devaux, dont l’association, la Parole libérée, est cofondatrice d’ECA.

Ce projet de réseau international avait été déjà imaginé par Barbara Blaine, la pionnière américaine, fondatrice de SNAP, la première association de victimes de prêtres pédophiles, dans les années 80 aux Etats-Unis. Décédée à l’automne 2017, elle n’avait pas pu mener à bien ce projet, repris depuis par d’autres associations. Les bases d’ECA ont été posées en janvier dernier, lors du voyage du pape François au Chili.

Levée de la prescription

«Dans ces affaires, l’Eglise catholique n’agit que sous la contrainte, plaide François Devaux. Nous voulons d’abord l’obliger à sanctionner les évêques qui ont couvert les prêtres pédophiles.» ECA demande également à l’Eglise la levée de la prescription dans les cas de crimes sexuels. «Pour le moment, les décisions se font au cas par cas», explique François Devaux. Outre les procédures devant les tribunaux civils, le droit canonique (interne à l’Eglise) prévoit également des sanctions, la peine la plus lourde étant le renvoi de l’état de prêtre.

ECA considère que la pédophilie est un problème à l’échelle mondiale, encore largement sous-estimé notamment au sein de l’Eglise catholique. L’intention de l’ONG est de mener des campagnes de sensibilisation auprès de l’opinion publique et d’aider à la création d’associations locales de victimes. Projet ambitieux, ECA, qui devrait se financer par des dons privés et du crowdfunding, souhaite nouer des relations avec les grands organismes internationaux et les associations de protection de l’enfance.

L’ONG ne sollicitera pas de rendez-vous auprès du pape François. «Les uns et les autres, nous l’avons déjà fait, sans résultat, explique le président de la Parole libérée. Ce que nous voulons, c’est qu’il applique réellement la politique de la tolérance zéro qu’il a prônée.»

source : Bernadette Sauvaget  liberation.fr