Antonino Mercuri est mis en examen pour escroquerie, abus de faiblesse et blanchiment, et exercice illégal de la médecine. DR

Antonino Mercuri, ostéopathe et guérisseur poursuivi par la justice, récuse toutes dérives et compte sur les attestations de patients parfois célèbres pour démontrer la réalité de son pouvoir curatif.

On y croit… ou pas. La justice, elle, émet de sérieux doutes sur le don d’Antonino Mercuri, un guérisseur et ostéopathe mis en examen le 21 juin pour escroquerie, abus de faiblesse et blanchiment, et exercice illégal de la médecine. Ses ennuis ont commencé en 2016 quand la compagne de l’un de ses patients a alerté la Miviludes, organisme chargé de prévenir les dérives sectaires. Selon elle, son compagnon était sous « l’emprise mentale » d’Antonino Mercuri et obligé de s’endetter pour payer ses consultations de méditation. Pour l’heure, quatre ex-patientes affirmant avoir été victimes de ses pratiques et de ses complices se sont constituées parties civiles. Pour ce Parisien de 57 ans, dont « la vie est tombée le jour où on lui a passé les menottes », l’heure est à la contre-attaque après sa remise en liberté, le 18 octobre.

Antonino Mercuri revendique avoir un « don qui soigne » et clame « n’avoir jamais trompé personne ». Ses avocats ont remis à la juge une soixantaine d’attestations de patients, dont plusieurs personnalités, convaincus des bienfaits de ses soins. Mes Olivier Pardo et Baptiste de Monval demandent par ailleurs la mainlevée partielle de son contrôle judiciaire lui interdisant de voir son compagnon – mis en examen pour blanchiment – avec qui il est en couple depuis seize ans.

Ce don présumé, le quinquagénaire confie l’avoir depuis ses 12 ans. « Des personnes âgées qui avaient des rhumatismes disaient qu’à mon contact elles ressentaient une chaleur et que ça les soulageait », évoque cet homme à la silhouette de marathonien et au crâne glabre. Cette étrange faculté fut, à l’écouter, d’abord un poids plutôt qu’un privilège. « J’avais du mal à l’admettre, ça vous donne quelque chose que les autres n’ont pas, j’en avais même peur, raconte-t-il. C’est compliqué à expliquer, à assumer, ce n’est pas normé. Ce don m’a marginalisé alors que je désirais m’intégrer socialement… »

« Je suis un soignant qui a un don »

Fils d’un menuisier et d’une mère au foyer, le natif d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) rêvait de devenir architecte. Ses origines modestes ne le lui permettront pas. Alors, « habité par ce don », il étudie les médecines alternatives et va exercer comme guérisseur et magnétiseur, même si ces termes lui déplaisent. En 1991, il adhère au Groupement national pour l’organisation de la médecine auxiliaire (Gnoma). Avec fierté, Antonino Mercuri nous montre aussi son certificat de capacité de praticien de thérapeutiques naturelles, décroché le 3 octobre 1996.

Puis il se forme à l’ostéopathie (NDLR : profession reconnue par une loi votée en 2002) pour « apprendre l’anatomie et la physiologie et mieux comprendre l’effet de son don ». Il obtient le titre d’ostéopathe et cumule les activités, telle la méditation, et les diplômes, notamment en gestion des risques psychosociaux en entreprise. Il a même été chargé du programme de médiation à l’École nationale de la magistrature.

Au fil des ans, la patientèle du guérisseur vient voir l’ostéopathe. « Mon métier, c’est de remonter les grandes fonctions vitales du corps, de réorganiser sa vie. Je ne traite pas la pathologie, je n’ai jamais prétendu être médecin », résume-t-il. Qualifié de « gourou » par certains, l’homme s’offusque : « Je ne suis pas un dieu, c’est clair dans ma tête. Je suis un soignant qui a un don. » Justement, comment ça marche ? « C’est le patient qui guide le don », tente d’expliquer Antonino Mercuri qui précise lire les troubles puis agir à la fois par le contact et par la pensée. Il est aussi question de « transmission d’énergie ».

Des coffres-forts remplis de liquide

Sans publicité, mais grâce au bouche-à-oreille, l’homme reçoit des « milliers de patients » et devient « l’ostéopathe du Tout-Paris », selon ses avocats. Antonino Mercuri, qui affirme avoir soigné une proche de François Mitterrand et même l’ancien Président, s’est pourtant retrouvé dans le viseur de la Miviludes, organisme chargé de prévenir les dérives sectaires, puis de la justice. L’enquête, menée par l’Office central pour la répression des violences aux personnes et celui pour la répression de la grande délinquance financière, et forte d’un an d’écoutes, a conduit à son placement en détention provisoire pendant quatre mois. « Une horreur », témoigne l’intéressé au bord des larmes.

« Les enquêteurs ont été surpris par son patrimoine immobilier et mobilier », nous confiait, en juin, une source proche de l’affaire en évoquant des coffres-forts remplis de liquide, des paiements en espèces et des gains échappant au fisc. De fait, l’homme a gagné beaucoup d’argent. À ce sujet, il n’occulte pas le prix de ses consultations. « Elles ont longtemps coûté entre 120 et 240 euros, mais je n’ai jamais hésité à pratiquer la gratuité », déclare l’ostéopathe. Pour son « don », cela peut grimper à 400 euros l’heure. « Mais je n’ai jamais abusé de qui que ce soit et surtout pas pour l’argent », insiste celui qui nie les faits reprochés, « une profonde blessure », et envisage de reprendre son activité.

DES PERSONNALITÉS EN SOUTIEN . Eux y croient. Ces patients ou ex-patients d’Antonino Mercuri, convaincus de son don, ont décidé de rédiger des attestations. Parmi elles, une célèbre animatrice productrice de la télé qui souffrait d’une blessure à la cuisse. « Son talent, son professionnalisme, sa connaissance approfondie de l’anatomie et de la psychologie sont incroyables, et les bienfaits de ses soins sont exceptionnels », écrit-elle, en espérant « contribuer à rétablir la réputation de M. Mercuri ». Un témoignage loin d’être isolé.

« Exemplaire et d’une efficacité totale. M. Mercuri est un praticien talentueux et hors normes », écrit un autre patient. « Il a un véritable don de guérisseur et m’a beaucoup aidée à supporter les traitements lourds et difficiles à vivre grâce à l’énergie qu’il me transmettait, parallèlement aux soins médicaux », certifie une femme atteinte d’un cancer en 1996. « Une attitude respectueuse du patient », relève un autre signataire.

Ces personnes, qui ont consulté en étant atteintes de maladies ou de maux très divers, appartiennent à tous les milieux : du boulanger au pilote de chasse en passant par une infirmière, des inspecteurs des Impôts, des Douanes, des ingénieurs, une gynécologue, un docteur en pharmacie… Sans compter des gens de renom : un auteur, un économiste, un chef d’orchestre, un général… « Des politiques et des officiers de police judiciaire sont prêts à être entendus comme témoins », assurent Mes Pardo et Monval, conseils d’Antonino Mercuri.

L’avenir dira ce que pèsent ces attestations face aux éléments à charge réunis par les enquêteurs et la juge.

source :

http://www.leparisien.fr/faits-divers/accuse-d-escroquerie-l-osteopathe-du-tout-paris-se-defend-29-12-2018-7978131.php

Geoffroy Tomasovitch|29 décembre 2018, 16h32|MAJ : 30 décembre 2018, 14h09|19