«Je veux bien t’aider, mais il faut m’aider aussi.» «Il vaut mieux que tu parles maintenant… tu rends la situation beaucoup plus grave.» «Soit tu nous dis la vérité, soit on te dénonce à la police.» «Allez Sophie, libère-toi…» Au deuxième jour ce mardi de leur procès pour meurtre au tribunal criminel de l’Old Bailey, à Londres, jurés et public ont découvert avec effarement les interminables séances d’interrogatoires infligées par Ouissem Medouni et Sabrina Kouider à Sophie Lionnet dans les six semaines qui ont précédé sa mort. Le corps de leur jeune fille au pair de 21 ans avait été découvert calciné dans leur jardin londonien le 20 septembre dernier, alors qu’elle exprimait depuis des mois son souhait de rentrer en France.
À partir du 8 août 2017, persuadé que Sophie est une espionne à la solde de Walton, le couple va ainsi tenter d’obtenir ses confessions sur de prétendues agressions sexuelles auxquelles elle et le musicien auraient participé – «des faits totalement imaginaires» a martelé l’accusation. Durant ces 8 heures d’enregistrements, Sophie semble perdue, sa petite voix à peine audible au milieu des cris de Kouider. «Je ne me souviens plus…», ânonne-t-elle un jour. «Tu te fous de ma gueule, tu mens, tu es un monstre !», hurle sa patronne. Les yeux rougis, un mouchoir dans son poing serré, Catherine Devalloné, la maman de Sophie, ne peut plus contenir sa douleur. Elle quitte la salle, en pleurs. À côté, Patrick, le père de Sophie, affiche une détresse palpable, visiblement sonné par tant d’horreur.
«Tu as fait entrer le démon dans cette maison»
Le pire est pourtant à venir. On entend distinctement des claques, des menaces. «Tu ne rentreras pas en France tant que tu ne diras pas la vérité. Je vais te gâcher la vie comme tu as gâché la mienne !» Survoltée, Kouider va crescendo, dans un mélange de français et de (mauvais) anglais : «Where is the house ?», questionne-t-elle dix fois, quinze fois, au sujet d’une supposée rencontre dans une maison. Sophie reste interdite.
Ouissem Medouni et Sabrina Kouider sont accusés d’avoir torturé puis tué Sophie Lionnet avant de brûler son corps. DR «J’ai des preuves sur toi», assure aussi celle qui, dans une forme d’emprise mentale digne d’un gourou, a réussi à convaincre toute la maisonnée que Sophie et Walton – qui vit en réalité à Los Angeles – les ont tous drogués et violés pendant leur sommeil. «Tu as fait entrer le démon dans cette maison, tu as aidé un pédophile, un violeur !», lâche ainsi Medouni, qui va jusqu’à croire qu’on lui a alors prélevé son sperme, à son insu, pour le faire accuser…
Jusqu’à être torturée dans la baignoire
Soumise à la question, Sophie n’a en réalité plus le choix. Affaiblie, pilonnée de demandes de plus en plus surréalistes et battue – elle a eu quatre côtes et la mâchoire brisées de son vivant – la jeune nounou cède peu à peu, l’espoir de rentrer chez elle chevillé au corps. La mise en condition psychologique atteint son paroxysme le 18 septembre. Après 12 heures d’interrogatoire, Medouni et Kouider la filment : sur l’écran de télévision, le visage émacié de Sophie, méconnaissable, apparaît. Comme récitant une leçon apprise par coeur, elle «avoue» enfin ce que Medouni et Kouider lui suggèrent depuis des jours, ajoutant même le nom d’un complice.
Pas assez, semble-t-il, pour contenter ses bourreaux présumés, qui lui infligeront une ultime séance de torture dans la baignoire. Une séance fatale, d’après leurs propres aveux.
source : le parisien.fr
http://www.leparisien.fr/faits-divers/affaire-lionnet-la-paranoia-qui-a-conduit-la-jeune-fille-au-pair-a-la-mort-20-03-2018-7619865.php