Henri-Pierre Debord, conseiller économique et financier à la Miviludes ne cache pas son inquiétude : « nous recevons de plus en plus de demandes d’interventions des entreprises sur le risque sectaire », assure-t-il. L’explosion du nombre de formations en développement personnel et des approches thérapeutiques, l’essor du droit individuel à la formation (DIF), le stress des salariés, fragilisés par les problématiques du changement… Tous les ingrédients semblent réunis pour inciter formateurs « bidon » et autres gourous du coaching à frapper à la porte des entreprises. « Dans les grands groupes, on est aujourd’hui sensibilisé au risque sectaire qui apparaît de façon épisodique », assure Hervé Pierre, vice-président du Club des directeurs de sécurité des entreprises (CDSE). Pour les employeurs, les risques sectaires ne doivent pas, en effet, être banalisés : distorsion des processus de décision, abus de biens sociaux, non respect du droit des affaires, manipulation des salariés et atteinte à leurs droits … « L’entreprise peut ainsi voir sa responsabilité morale engagée en toute ignorance », met en garde Henri-Pierre Debord à la Miviludes.

{{Coachs accrédités}}

Pour préserver leur image, les coachs s’organisent. « Leur accréditation représente un critère de professionnalisme, même si ce n’est pas une garantie absolue contre le risque sectaire », assure Jean-Yves Arrivé, administrateur de la SFCoach. Mais il reste difficile de contrôler la profession : en France, 1800 nouveaux coachs sont formés chaque année. Mais sur les 3000 prestataires en activité, seuls 300 sont accrédités par deux organismes phare : la SFCoach et l’ICF. Autres initiative plus récente : celle de l’European mentoring & coaching council (EMCC) à l’origine du label EQA (European quality award ), validant la qualité des cursus de formation au coaching. Des mesures que la Miviludes juge louables mais qui relèventn selon elle, de l’auto-évaluation.
Pour aider les entreprises à détecter les dérives sectaires chez leurs prestataires, la Miviludes a été jusqu’à publié le guide « L’entreprise face au risque sectaire » : un outil méthodologique pour accompagner les employeurs, de la définition des fonctions et processus sensibles au repérage des pratiques douteuses (déstabilisation mentale des participants, exigences financières exorbitantes etc.). Un réflexe de vigilance que beaucoup de grands groupes ont cependant déjà adopté. Ainsi, EDF, ébranlée il y a quelques années par l’affaire « Avatar » – une formation aux relents sectaires, infiltrée dans une centrale du groupe – a, depuis, durci son dispositif de sélection de ses sous-traitants. Aujourd’hui, à l’égard des prestations de coaching, c’est la vigilance maximale. « Nous avons construit un système de référencement sophistiqué, avec une série de critères : la formation du coach, son expérience, ses références, sa supervision, son appartenance à une association professionnelle etc », explique Christian Bomble, chef de projet RH à EDF.

Par ailleurs, les coachs adeptes d’une seule technique sont écartés, de même que le coaching psychologisant ou ceux qui s’éterniseraient au-delà d’une quinzaine de séances, afin d’éviter les risques de dépendance. A IBM, les formateurs sont triés sur le volet avec la même obsession. Pour le coaching, peu de risque : le groupe informatique l’a confié à une équipe interne. Une intrusion sectaire dans les murs de la maison, dans les années 90, aurait-il servi d’enseignement ? « Nos sous-traitants sont choisis en fonction de leurs références, de leur agrément Formation et Qualification Qualité . Ils sont évalués à chaque session par des participants par une note et des commentaires écrits”, explique aujourd’hui Paul Forrest-Dodelin, manager de la formation IBM. A la SNCF, qui s’apprête à lancer un programme de coaching sur trois ans, pour plus de 200 agents, la vigilance est tout aussi présente. Sur une centaine de candidats, seuls vingt coachs viennent d’être retenus, au terme d’une sélection drastique. « Ils seront aussi évalués par les coachés à la fin de chaque séance et au terme de leur intervention, elle-même encadrée par un contrat tripartite », insiste Evelyne Podeur, consultante au pôle recherche et développement de l’université des services de la SNCF. Visiblement, chez les acheteurs de formations et de coaching, la crédulité à l’égard des sous-traitants n’est plus d’actualité. Mais dans les PME, pas si sûr… Reste une autre façon de prévenir les dérives sectaires, peu développée, que le coach Nicolas de Beer, fondateur de Mediat-coaching, (labellisé EQA) conseille aux responsables de formation et aux RH : tester eux-mêmes les stages, avant d’y envoyer leurs salariés…

Marie-José Gava
Mis en ligne le : 01/07/2008

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