http://www.la-croix.com/Georges-Fenech—Ameliorer-le-dispositif-d-assistance-/article/2409452/55350
{Pour, Georges Fenech, président de la Miviludes, les gens qui quittent une secte ne sont pas assez aidés et il faut se demander comment prendre en compte les spécificités de ces individus, qui ont un fort passé psychologique.}
10/01/2010 – La Croix
ENTRETIEN
{{ {Georges Fenech
Président de la Miviludes} }}
{{La Croix : Comment protéger davantage des sectes les personnes, et accentuer la prévention dans le contexte actuel?}}
{{Georges Fenech}} : L’action de la Miviludes porte essentiellement sur la prévention, qui est d’abord l’observation du phénomène sectaire. Car il est essentiel déjà d’en observer les évolutions, de voir en quoi ce phénomène pose des difficultés au regard des droits fondamentaux. Comme nous sommes dans une société de liberté et de droits, nous ne pouvons qu’informer pour protéger. Après, les personnes majeures sont libres d’adhérer à des mouvements. Nous disons simplement : «Attention ! Il y a un danger. »
Nous informons sur les risques pour la santé notamment. On ne peut pas aller au-delà, dans la mesure où il n’y a pas d’interdiction d’appartenir à ces mouvements, de s’orienter vers des charlatans. Le procès de l’Église de scientologie a montré d’ailleurs qu’on ne pouvait pas interdire.
{{Quels publics sont plus vulnérables, et comment agir pour les protéger en particulier}}
Tous les publics sont des cibles potentielles, il n’y a pas de catégories socioprofessionnelles qui puissent échapper à cette tendance… Une tendance à trouver des explications, un refuge, face à des crises existentielles que traverse notre société. Ces mouvements prospèrent sur des crises, crise des grandes religions, crise économique, crise pandémique, crise climatique, et ces menaces d’apocalypse qu’on brandit sur des fonds de vérité.
Par exemple, la crise climatique existe, H1N1 existe, mais c’est là où s’engouffrent ces mouvements, en proposant des réponses sur mesure. Il y a aussi des populations plus vulnérables, et on pense tout de suite aux mineurs, exposés par l’appartenance de leurs parents à certains mouvements. Mais depuis la commission d’enquête sur les sectes et les mineurs, il y a eu une plus grande sensibilisation ; les nouveaux textes permettent d’agir plus directement.
{{Les dévoiements des pratiques psychothérapeutiques à des fins sectaires prennent aujourd’hui de l’ampleur. Comment en protéger les victimes potentielles ?}}
C’est là notre principale préoccupation aujourd’hui. Mais il y a eu sur ce sujet une avancée notable : c’est la création du groupe d’appui technique en février 2009, qui commence à travailler concrètement. Ce groupe a pour rôle de recenser sur l’ensemble du territoire national toutes les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique. Toutes ces méthodes de soins dites alternatives, voire de substitution, font tomber sous une emprise mentale. Le gourou guérisseur, en exerçant les soins, va exercer une emprise sur tout un groupe. Mais il y a toute une population mal informée. Nous avons donc un rôle crucial, notamment via Internet, pour dire attention.
{{La sortie de secte est-elle suffisamment accompagnée ?}}
Il s’agit pour nous d’un chantier prioritaire cette année. Aujourd’hui, les gens qui quittent une secte ne sont pas assez aidés. Ils ne savent pas vraiment vers qui s’orienter. Il y a matière à améliorer le dispositif d’assistance.
J’envisage donc de demander aux préfets, qui sont aidés dans chaque préfecture par un correspondant des dérives sectaires, comment mieux répondre à des demandes de sortants de sectes qui se retrouvent totalement désocialisés, sans couverture médicale, sans travail. L’accompagnement passe à travers les aides sociales, l’hébergement d’urgence…
Mais il faut aussi se demander comment prendre en compte les spécificités de ces individus, qui ont un fort passé psychologique. Cette sortie ne peut être laissée à la seule responsabilité des associations.
Recueilli par Marilyne CHAUMONT