La cour d’appel de Dijon a renvoyé à l’instruction l’affaire du groupe de prières Amour et miséricorde qui fait l’objet de plaintes de certaines familles.
Le père et mari de deux membres du groupe de prières Amour et miséricorde avait demandé à la mi-décembre à la Cour d’appel de Dijon, la réouverture de l’instruction judiciaire, à l’encontre de cette association, soupçonnée de « dérives sectaires ». Ces dérives étaient dénoncées par une ancienne adhérente et par le président de la Miviludes, Georges Fenech (notre édition du 22 décembre 2008).
Pierre Boucher-Doigneau, colonel en retraite, faisait ainsi appel du non-lieu prononcé en juillet dernier par un juge d’instruction dijonnais, dans l’enquête sur la communauté, installée depuis 2001 à Chaussin, dans le Jura.
La chambre d’instruction de la Cour d’appel a manifestement pris en compte ses arguments, ainsi que le souhaitait le parquet général.
« Que l’instruction aille au fond »
Joint hier par téléphone, Pierre Boucher-Doigneau était évidemment satisfait par cette décision et souhaitait que « l’instruction aille au fond des choses et fasse son travail. Faisons confiance à la justice. Nos avocats vont s’appuyer sur la loi About-Picard (voir encadré) et des institutions comme la Miviludes, l’office de répression anti-secte, vont aussi donner leur avis. Le juge instructeur a maintenant plus d’éléments pour pousser l’affaire un peu plus loin. »
L’avocat dijonnais, Loïc Duchanoy, de Pierre Boucher-Doigneau déclarait hier qu’il n’était « pas surpris par cette décision », tout en reconnaissant qu’il s’agit d’un « dossier délicat et compliqué. Il va demander beaucoup de travail, car il y a des pistes qui n’ont pas encore été suivies. On avait demandé des actes d’instruction financière au premier juge qui nous avaient été refusés. On va donc tout reprendre. »
A côté des moyens juridiques traditionnels, Me Duchanoy ne cachait pas son intention de s’appuyer également sur les facilités étendues, offertes par la nouvelle loi About-Picard.

{{Un contexte particulier}}

Un long travail d’instruction va donc débuter, dans une affaire qui ne concerne que des adultes, il faut le préciser. On doit rappeler que l’archevêque de Dijon, Mgr Minnerath, a toujours adopté une attitude très ambiguë à l’égard de ce groupe de prières, qu’il a d’abord soutenu, avant de prendre ses distances, sans le désavouer explicitement.
Pour avoir rencontré à plusieurs reprises les membres de ce groupe de prières, deux choses sautaient aux yeux. D’une part, il y avait manifestement un lourd pathos partagé par certains de ces membres. D’autre part, ils étaient en froid ou en rupture ouverte avec leur milieu familial qui réagit aujourd’hui, à tort ou à raison, en portant plainte contre le groupe de prières. Un groupe qui ne donnait pas dans le folklore extravagant, mais qui se retrouvait régulièrement pour vivre des instants en commun, croyant aux pouvoirs charismatiques d’une femme, figure centrale de l’association. Pour autant, ce ne sont pas leurs croyances que la justice examinera, mais les dérives supposées d’un groupe qui a refusé, hier, de répondre à nos questions.

Franck BASSOLEIL

{{Amour et miséricorde : l’instruction est rouverte}}

Cette loi About-Picard est une arme juridique redoutable. Elle renforce en effet la prévention et la répression des mouvements sectaires qui portent atteinte aux Droits de l’homme et aux libertés fondamentales.
Elle renforce la répression dans le cas d’un abus de faiblesse à l’encontre d’un mineur ou d’un majeur (trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros). Ces peines peuvent même être portées à cinq ans et 750 000 € d’amende, lorsque l’infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, ou maintenir ou exploiter la sujétion psychologique ou physique.
Interviewé en décembre dernier, Georges Fenech, président de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), ne cachait pas son intention de faire de ce dossier, un exemple, en appliquant cette loi qui a rarement été utilisée depuis sa création, le 12 juin 2001.