Pour la première fois, une pandémie entraîne des mesures qui touchent une grande partie de l’humanité, presque simultanément sur plusieurs continents, avec des conséquences concrètes pour les pratiques des grandes traditions religieuses. Cette analyse d’une situation encore en évolution propose un état de la situation et esquisse les conséquences possibles dans le champ religieux, en prenant le christianisme comme champ d’observation.

La pandémie a entraîné des changements très rapides, avec un impact dans tous les domaines de l’existence à l’échelle planétaire. Dans les pays occidentaux, à partir de la première quinzaine de janvier, des articles de presse commencèrent à parler d’une mystérieuse épidémie en Chine, avec quelques cas identifiés en dehors du territoire chinois (par suite de voyages depuis la Chine), mais en indiquant des nombres encore assez modestes de personnes contaminées et sans laisser supposer que le reste du monde serait affecté quelques semaines plus tard.

À partir de la fin du mois de février, il devint clair que la diffusion de plus en plus large de la maladie à coronavirus 19 (COVID-19)[1] entraînerait des conséquences pour les religions aussi. La situation italienne — où des villes furent placées en quarantaine dès la seconde quinzaine du mois et où des dizaines de prêtres furent du nombre des victimes de l’épidémie — rendit particulièrement manifeste cet impact, vu la présence du centre mondial du catholicisme dans la péninsule. Dès cette période, des questions sur le bien-fondé de certaines pratiques ou réunions commencèrent à se faire jour dans d’autres pays et d’autres traditions religieuses également.

Notre propos initial était de couvrir l’ensemble des traditions religieuses, d’autant plus que, cette année, le ramadan musulman commence peu après la fête chrétienne de Pâques. Notamment pour des raisons de ressources documentaires, il a semblé préférable de nous concentrer sur les différentes expressions du christianisme (en Europe et en Amérique du Nord), en introduisant ici et là quelques allusions à d’autres courants religieux et à d’autres zones du globe. Nul doute que de nombreuses autres analyses aux angles variés vont nous être proposées par différents chercheurs et enrichir ce dossier au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

Même en nous limitant au christianisme, il ne saurait être question d’entreprendre une étude exhaustive des réponses au sein de chaque courant du christianisme : la simple analyse des déclarations publiées par les Églises, diocèses, fédérations, associations, figures théologiques et pastorales ou commentateurs qualifiés de l’actualité religieuse demanderait un temps bien plus considérable que ne le permettaient les délais de rédaction de ce point de situation — sans même parler de l’observation des pratiques et réactions à travers les communautés chrétiennes. Tout cela devra être fait, mais représentera un travail de longue haleine, d’autant plus que le corpus documentaire s’accroît chaque jour.

Des rassemblements religieux comme foyers d’épidémie

À partir des données publiquement disponibles, Jonathan Kay a tenté de dresser une liste des situations qui ont joué un rôle « super-propagateur » du virus (superspreader events)[2]. Sur 54 cas correspondant à une activité clairement identifiable, neuf étaient liés à des activités religieuses et cinq à des funérailles (parmi les autres cas, 19 étaient des soirées de fête, festivals, mariages ou anniversaires).

Tout indique qu’un grand match de football à Milan le 19 février 2020 opposant une équipe de football de Bergame (Italie) à un club de Valence (Espagne) a joué un rôle important de propagation du virus dans les deux pays. En Autriche, un expert estime que les deux principales sources de contamination ont été les soirées après-ski dans des stations de sports d’hiver (les soirées de la station de Ischgl, dans le Tyrol, ont été l’un des principaux foyers de propagation du coronavirus en Europe) et les chorales. En Allemagne, outre ces sources, des rassemblements pour fêter carnaval auraient aussi joué un rôle important. Quand un virus circule, tout rassemblement humain important et entraînant des interactions intenses et de proximité augmente considérablement les risques, qu’il s’agisse d’une réunion de nature séculière ou religieuse.

Certains groupes religieux ont donc été des vecteurs de contamination, initialement de façon involontaire. Dans plusieurs cas, il s’est agi de groupes dynamiques indépendants des institutions religieuses dominantes dans les pays concernés, ce qui a renforcé les réactions de méfiance du public.

En Corée, l’Église Shincheonji de Jésus, le Temple du Tabernacle du Témoignage, fondée par Lee Man-hee (né en 1931), le « pasteur promis » qui va conduire les fidèles vers le règne de paix, a été un foyer de propagation du coronavirus. Le groupe ayant fait l’objet de controverses et de critiques de la part d’associations chrétiennes en Corée, il cultive une certaine discrétion et a été accusé — à tort ou à raison — de ne pas avoir assez promptement communiqué la situation aux autorités[3]. Le 2 mars 2020, lors d’une conférence de presse[4], Lee Man-hee et d’autres responsables du mouvement ont répondu aux questions des journalistes et ont assuré que non seulement ils faisaient tout pour coopérer avec les autorités, mais qu’ils leur avaient aussi fourni une liste des 212.324 membres en Corée, initiative sans précédent. Le site du mouvement affirme en outre que les réunions ont été immédiatement annulées à travers le pays dès que la situation a été connue et que ses locaux ont été fermés et désinfectés à partir du 18 février[5]. Au cours de la conférence de presse du 2 mars, Lee Man-hee s’est incliné face contre terre devant les caméras pour demander pardon.

En Europe, un important cas de propagation liée à un groupe religieux s’est produit à Mulhouse : la source en a été une semaine de prière et de jeûne organisée chaque année par la megachurch charismatique La Porte Ouverte. Du 17 au 21 février 2020, 2.500 personnes s’étaient réunies dans les locaux de La Porte Ouverte. À ce moment, il n’y avait encore aucune interdiction des grands rassemblements : au moment où se terminait la réunion évangélique de Mulhouse s’ouvrait à Paris l’important Salon de l’agriculture. Mais la réunion mulhousienne a diffusé le virus à travers la France et dans des pays voisins, où rentraient les participants. Une trentaine de personnes dans la mouvance du groupe sont décédées[6]. Le virus était certainement déjà présent dans la région depuis quelque temps avant le rassemblement de Mulhouse, mais pas identifié, faute de veille épidémiologique, explique à la chaîne de télévision France 3 le Dr Jean Vogt, médecin généraliste et médecin régulateur au SAMU de Mulhouse. Sinon, on aurait pu repérer beaucoup plus tôt la contagion lors de la réunion de La Porte Ouverte, alors que cela n’a été le cas qu’au début du mois de mars. Le Dr Vogt résume :

« On a mis 15 jours à se rendre compte qu’il y avait un foyer à cet endroit-là, la faute elle est là (…). Faire la chasse aux évangélistes, c’est du n’importe quoi. Ceci étant, ils doivent accepter qu’ils ont été un facteur important de propagation du virus qui a créé des centaines de morts chez des personnes âgées à Mulhouse. En quelques jours, on est passés de quelques cas à 2.500 cas qui se sont rapidement propagés dans la nature. Ils sont responsables, pas coupables. Cela aurait pu se produire dans un cinéma, une foire expo…. Mais il est évident que là, ce regroupement a fait flamber l’épidémie. C’est une réalité, mais est-ce que c’est une faute ? »[7]

Ce ne sont pas les seuls cas : d’autres sont signalés à travers le monde — par exemple un temple bouddhiste à Hong Kong, un gourou sikh de retour en Inde après un voyage au Canada, deux assemblées chrétiennes à Singapour, et des rassemblements du mouvement de réveil islamique Tablighi Jamaat à Kuala Lumpur à la fin du mois de février et à la Nouvelle Delhi en mars. Parmi les 16.000 fidèles réunis en Malaisie, 1.500 étaient venus de l’étranger : on a ainsi assisté à une diffusion en cascade au sein d’un mouvement à forte mobilité.

Rassemblements religieux et megachurches sont difficilement compatibles avec une situation de pandémie. Les grands rassemblements à venir, séculiers ou religieux, se trouvent maintenant annulés les uns après les autres : les Jeux olympiques ont été repoussés à l’été 2021, tandis que le Saint-Siège s’est même montré plus prudent, et a décidé « de reporter d’une année les deux événements majeurs prévus en 2021 et en 2022. La Rencontre mondiale des familles aura ainsi lieu en juin 2022 à Rome et les Journées mondiales de la jeunesse en août 2023. » Quant aux autorités saoudiennes, elles ont recommandé de ne faire aucune réservation de voyage pour le grand pèlerinage à La Mecque cette année : tout laisse penser qu’il sera annulé. Les conséquences immédiates de la pandémie accompagneront le monde entier et les religions pendant de longs mois encore, sans parler de conséquences (notamment économiques) dont les effets pourraient se faire sentir dans une plus longue durée.

Situation paradoxale : dans des temps de crise, le besoin d’être ensemble, de confesser sa foi, est ressenti d’autant plus fortement — mais la chaleur du groupe réuni pour partager ses convictions et ses émotions est incompatible avec les directives sanitaires strictes entrées en vigueur dans de nombreux pays.

Au début de la crise : jusqu’où aller dans la prévention ?

« En espérant que cela ne présente pas pour vous un cas de conscience, je vous prie de communier dans la main ou d’avoir une communion spirituelle », annonçait Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, lors de la messe du dimanche soir le 8 mars 2020 dans la cathédrale de Fribourg. Le bénitier à l’entrée de la cathédrale avait été vidé et des affichettes prévenaient les fidèles que les soupes de carême de la paroisse avaient été annulées, comme dans les autres paroisses d’ailleurs. Mais peu de fidèles imaginaient que c’était l’une des dernières messes à laquelle ils assisteront en y étant présents physiquement avant des mois.

Des groupes évangéliques avaient déjà annulé leurs cultes de ce week-end : plusieurs venaient de découvrir des malades en leur sein, à la suite de la diffusion du virus par le rassemblement de Mulhouse. De même, en France, la célébration publique de la messe avait déjà été suspendue dans les départements de l’Oise et du Morbihan, non sans susciter la réaction assez vive de Mgr Pascal Roland, évêque de Belley-Ars, dont les prises de position firent débat au début du mois de mars 2020. Son texte, « Épidémie du coronavirus ou épidémie de peur ? », n’est plus accessible sur le site diocésain, mais circule encore sur quelques autres sites. Certains des thèmes qu’il y abordait continuent d’accompagner la discussion. Extraits :

« (…) je me refuse de céder à la panique collective et de m’assujettir au principe de précaution qui semble mouvoir les institutions civiles.

« Je n’entends donc pas édicter de consignes particulières pour mon diocèse : les chrétiens vont-ils cesser de se rassembler pour prier ? Vont-ils renoncer à fréquenter et à secourir leurs semblables ? Hormis les mesures de prudence élémentaire que chacun prend spontanément pour ne pas contaminer les autres lorsqu’il est malade, il n’est pas opportun d’en rajouter. »

« Loin de moi donc, l’idée de prescrire la fermeture des églises, la suppression de messes, l’abandon du geste de paix lors de l’Eucharistie, l’imposition de tel ou tel mode de communion réputé plus hygiénique (ceci dit, chacun pourra toujours faire comme il voudra !), car une église n’est pas un lieu à risque, mais un lieu de salut. »

« Faut-il se calfeutrer chez soi ? Les chrétiens vont-ils cesser de se rassembler pour prier ? Faut-il dévaliser le supermarché du quartier et constituer des réserves afin de se préparer à tenir un siège ? Non ! Car un chrétien ne craint pas la mort. »

Ces prises de position n’empêchèrent pas Mgr Roland de s’aligner peu de temps après sur la pratique vite devenue générale. Mais les questions soulevées réapparaissent au moment où certaines restrictions sont assouplies, mais sans permettre la reprise des cultes publics, comme nous le verrons plus loin.

On note, tant dans les propos d’une messe du 8 mars cités au début de cette section que dans le texte ci-dessus, des allusions au mode de distribution de la communion. À côté de la question de la fermeture des églises dans certaines régions, cela semblait être un aspect crucial du débat, réactivant les lignes de faille entre courants réformistes et traditionalistes dans le catholicisme romain. Les milieux traditionalistes n’étaient pas loin de voir dans les décisions de plusieurs évêques d’exiger que la communion soit seulement donnée dans la main, et plus sur la langue pour ceux qui le demanderaient, un prétexte sanitaire pour imposer le modèle associé aux réformes du concile Vatican II. Dans ces milieux, on rapportait cependant que certains prêtres se montraient plus accommodants face aux fidèles souhaitant recevoir la communion sur la langue malgré les directives épiscopales.

Dans plusieurs diocèses, à la réception des directives sur le mode de communion, les prêtres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (catholiques traditionalistes en union avec les évêques diocésains) publièrent des déclarations conciliant fidélité à leurs principes et respect des nouvelles règles. Voici par exemple le début de la déclaration publiée à Bordeaux, identique à celle d’autres diocèses :

« Par mandement en date du samedi 29 février 2020, l’archevêque de Bordeaux interdit la distribution de la Très Sainte Eucharistie directement sur la langue, afin de contribuer à la lutte contre l’épidémie de coronavirus.

« En raison de l’attachement de la Fraternité Saint-Pierre à la forme extraordinaire du rit romain qui ne prévoit aucun autre mode de distribution de la Sainte Eucharistie, et dans l’obéissance à leurs supérieurs, les prêtres de Fraternité Saint-Pierre à Bordeaux ne distribueront donc plus la Très Sainte Eucharistie et ce jusqu’à nouvel ordre.

« En conséquence, tous les fidèles sont invités à la pratique dite de “la communion spirituelle” (…). »

En contexte orthodoxe, la question de la distribution de la communion (pain et vin mêlés dans le calice et distribués à l’aide d’une cuillère unique, la même pour tous les fidèles) suscita très vite aussi des débats, à commencer — dès la seconde quinzaine de février — par la Roumanie, où l’on autorisa les fidèles à amener leurs propres cuillères. En outre, il leur était permis de cesser de vénérer les icônes en les embrassant dans les églises (comme le font d’habitude les fidèles orthodoxes), tout en continuant à le faire avec leurs icônes domestiques.

En Grèce, dès le mois de mars, des controverses firent rage sur la question de la communion et de la possible infection des fidèles à travers celle-ci, sur fond de divisions politiques. Le 18 mars, le Patriarcat de Constantinople annonça la suspension des services religieux publics. Quant à l’Église de Grèce, après avoir tenté de préserver les liturgies dominicales tout en supprimant la célébration publique des services de semaine, elle dut se ranger à la décision gouvernementale de suspendre tous les services religieux publics.

Dans un premier temps, certains avaient pensé que l’Église orthodoxe russe n’allait pas suivre la même voie (il est vrai que la Russie paraissait moins touchée à ce moment), creusant peut-être un fossé entre tendances au sein de l’Orthodoxie, particulièrement à un moment où le Patriarcat de Moscou a suspendu la communion avec celui de Constantinople autour de la question ukrainienne, et aussi entre positions traditionalistes et moins strictes autour de l’usage de la cuillère unique pour la communion. Pour des fidèles orthodoxes pieux, il est inconcevable que le pain et le vin, devenus Corps et Sang du Christ, puissent être les vecteurs d’une maladie ou source de mort[8]. Cependant, la progression de la pandémie conduisit rapidement l’Église orthodoxe russe à adapter ses positions : le 17 mars 2020, le Saint Synode adopta des consignes prescrivant que la cuillère utilisée pour donner la communion soit nettoyée avec un chiffon imprégné de produit désinfectant après la communion de chaque fidèle. La zapivka, c’est-à-dire le vin coupé d’eau chaude que boivent les fidèles après avoir communié devait être dès maintenant distribuée dans des coupes individuelles jetables et non plus collectives ; de même, le pain bénit (antidoron) donné après la communion et à la fin de la Liturgie devait être remis à l’aide de gants ; plusieurs autres prescriptions étaient édictées dans le même document.

Ces mesures n’allèrent pas sans entraîner des réactions, comme le releva le métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, dans un entretien accordé à l’agence RIA-Novosti :

« Mais il y en a qui cherchent à profiter de la situation pour, comme on dit, faire chavirer la barque, rendre les gens méfiants envers la hiérarchie. Un diacre a écrit récemment : « On a envie de demander à nos hiérarques : pour combien vendez-vous la liberté de l’Église aussi rapidement, sans livrer combat, sous la sauce humaniste de ‘la sollicitude envers le prochain’. Pour les orthodoxes, il est évident qu’aucune infection ne peut être transmise par la communion. Penser autrement est sacrilège.,”

« J’aimerais répéter ce que l’Église a déjà beaucoup dit ces derniers jours : nous croyons fermement qu’aucune infection ne peut passer par les Saints Dons. Le Corps et le Sang du Christ sont reçus par les fidèles “pour la guérison de l’âme et du corps”, ils sont eux-mêmes une source de guérison. Mais le calice et la cuiller de la communion sont des objets qui ne sont pas protégés des bactéries et des virus. C’est pour cette raison que nous prenons des mesures de désinfection. Il faut le prendre avec humilité et avec calme.

« Ceux qui brandissent leur Orthodoxie, disent fièrement que “les confesseurs de la foi n’iront pas en quarantaine” ne se conduisent pas de façon évangélique, mais comme des pharisiens. Ils utilisent la crise pour se mettre en avant : regardez, je ne suis pas comme les autres gens, je suis un confesseur de la foi, pas comme le patriarche et tous ces hiérarques. C’est une conduite irresponsable et égoïste. Si vous n’avez pas peur d’être contaminés, pensez aux autres. »[9]

À ce stade, il semblait encore possible d’éviter la fermeture des églises. Mais dans son homélie prononcée le 4e Dimanche de Carême, placé sous la mémoire de sainte Marie l’Égyptienne, le Patriarche Cyrille de Moscou appela les fidèles à ne plus venir assister aux célébrations liturgiques :

« (…) l’Église aujourd’hui nous appelle à nous engager à suivre scrupuleusement les recommandations émanant des organismes de santé de Russie. L’exemple de Marie l’Égyptienne témoigne de ce que l’on peut sauver son âme sans fréquenter les églises. Je ne cite pas un exemple quelconque, mais celui d’une sainte dont, cette semaine, nous honorons la mémoire. Une sainte qui a fui les églises et les monastères pour s’isoler dans le désert.

« Certes, aujourd’hui, le désert n’est ni à Moscou, ni à Saint-Pétersbourg, ni dans aucune autre ville. Mais il y a un endroit qui peut devenir un désert, c’est notre propre maison. Faisons de nos maisons un désert et élevons-y une ardente prière. Réalisons l’ascèse de ne pas quitter notre maison, comme Marie l’Égyptienne a réalisé l’ascèse de ne pas quitter le désert. Bien qu’elle ait certainement dû connaître et la faim et la soif. Dans nos villes aujourd’hui on peut se procurer à boire et à manger sans quitter son désert.

« C’est ainsi que nous devons vivre aujourd’hui. N’écoutez pas les prédications de prêtres insensés, écoutez ce que vous dit aujourd’hui votre Patriarche, non de son propre chef, mais parce qu’il suit l’exemple édifiant de sainte Marie l’Égyptienne qui a sauvé et son corps et son âme en se retirant dans le désert, dans l’isolement de tout entourage humain. »

« C’est pourquoi, mes très chers, je vous exhorte à ne pas fréquenter les églises tant que vous n’avez pas reçu une bénédiction patriarcale spéciale et, si quelqu’un vous dit quelque chose, rappelez-lui l’exemple de sainte Marie l’Égyptienne. Nous n’avons pas d’autre réponse, parce que nous aimons nos églises. Cela fait cinquante et un ans que j’y prononce des homélies où j’exhorte les gens à fréquenter les églises, à surmonter les mauvaises volontés personnelles et les circonstances extérieures. J’ai consacré toute ma vie à cet appel !

« Et vous comprenez, j’espère, comme il m’est difficile aujourd’hui de vous dire : abstenez-vous de venir à l’église et que je n’aurais certainement jamais dit cela s’il n’y avait l’étonnant et salvateur exemple de sainte Marie l’Égyptienne, cette grande ascète que l’Église orthodoxe honore justement cette semaine et qui a su durant sa vie terrestre acquérir la nature d’un ange. »[10]

En l’espace de quelques semaines, la vie des Églises chrétiennes dans une grande partie du monde s’est trouvée complètement bouleversée. Elles n’avaient, pour la plupart, aucune mémoire vivante de la conduite à tenir en temps de pandémie[11]. Elles se sont rapidement adaptées : elles n’avaient de toute façon pas le choix. Elles ont suivi un mouvement, tout en essayant ensuite de trouver dans les événements des occasions de développer des approches créatives.

Qui donne la réponse à la pandémie ?

Deux sources d’autorité se profilent dans cette situation exceptionnelle : les avis de la science et les décisions des pouvoirs publics. Ces derniers doivent s’appuyer sur les données et projections fournies par les épidémiologues ; de nombreux pays disposent de services chargés du repérage permanent et du suivi des épidémies. Même si les hommes politiques font souvent confiance à leur instinct autant qu’à l’analyse dans la prise de décision, une pandémie les place face à des réalités qui les obligent à donner un poids important à l’expertise scientifique.

Ces deux sources d’autorité subissent des brouillages. Les experts ne sont pas tous d’accord entre eux sur l’analyse ou sur les mesures à prendre ou sur les traitements à mettre en œuvre, comme l’actualité des dernières semaines nous en a donné nombre d’exemples. Les gouvernements bénéficient souvent d’un moment d’union sacrée face au péril, mais se trouvent vite soumis aux pressions et attentes contradictoires des différents camps politiques ou groupes d’intérêt. Et il existe aussi, au moins autant qu’en dehors des périodes de crise, les autres voix qui remettent en cause les modèles dominants et les explications officielles : au temps du coronavirus, les théories du complot prospèrent.

Néanmoins, ces deux sources d’autorité (experts et pouvoirs publics) sont bien celles qui donnent le ton. Face à elles, les religions ne trouvent guère l’espace dans lequel elles pourraient s’affirmer comme troisième voix pour fournir une explication résonnant dans une large partie de la population ou pour proposer des réponses concrètes à la crise. Avec des exceptions (nous aborderons cela plus loin), elles mettent l’accent sur un comportement responsable envers la société et se plient aux décisions prises, bien que celles-ci les affectent fortement dans leur vie communautaire[12]. Elles s’efforcent aussi de maintenir l’accès des aumôniers aux hôpitaux ou maisons accueillant des personnes âgées.

Mais comment apparaître en tant qu’acteur pertinent dans la société (pas simplement aux yeux des fidèles déjà convaincus), et ne pas être simplement l’un des domaines attendant de façon plus ou moins obéissante les prochaines mesures du gouvernement ou revendiquant « pour sa paroisse » (c’est le cas de le dire !) des assouplissements ou aménagements ? (Certains gouvernements veillent cependant à intégrer les dirigeants religieux dans le processus de sortie de crise, dans le cadre de la consultation de différents segments de la société, comme l’a fait le président Emmanuel Macron, en France, dès le mois de mars.)

Les Églises ne peuvent répondre que dans les registres qui leur sont propres — outre l’aide sociale ou sanitaire à laquelle elles contribuent dans certains contextes. Elles n’ont pas manqué de reprendre des prières demandant à Dieu de protéger la population contre les épidémies ou d’en composer pour l’occasion. De même, des appels ont été lancés — par exemple par le pape François dès le mois de mars — pour que les chrétiens s’unissent dans la prière contre l’épidémie.

Certains fidèles ont regretté de ne pas voir des processions contre l’épidémie ou autres initiatives semblables, suggérant que la réponse était bien faible par rapport à ce qui se serait passé à d’autres époques : mais la nature du danger ne pouvait guère inciter à des rassemblements de ce type, qui d’ailleurs auraient très vite contrevenu aux interdictions. Il y a bien eu quelques processions symboliques ici et là, en petits groupes respectant les distances imposées, par exemple en Russie ou en Roumanie. On note aussi des initiatives individuelles — à vrai dire fréquentes —de présence dans l’espace public, à l’instar de ce prêtre polonais qui, au mois de mars, parcourait les rues de Lublin en portant des reliques de saint Antoine et en appelant les fidèles à venir à leurs fenêtres pour prier avec lui ; son initiative, expliquait-il, n’avait pas pour seul but de demander à Dieu d’éloigner le virus, mais aussi de prévenir « le danger de voir les gens perdre leur foi », ce qui révèle une partie du sens de cette affirmation religieuse dans l’espace public.

D’autres actes symboliques dans la lignée d’anciennes dévotions ont eu lieu : par exemple, à Limoges, Mgr Pierre-Antoine Bozo, évêque de cette ville, a procédé à des ostensions exceptionnelles du crâne de saint Martial, patron de cette ville, et le priera quotidiennement jusqu’à la fin de la pandémie. On peut aussi citer la décision de la Conférence épiscopale italienne de consacrer à la Vierge Marie le 1er mai la nation italienne, «afin qu’elle la protège et la sauve de la pandémie de coronavirus» ; la cérémonie devrait être célébrée dans la province de Bergame, particulièrement touchée par l’épidémie.

Parmi les actes symboliques les plus marquants, avec un impact au-delà des rangs des fidèles, le pape François est parvenu à marquer les esprits avec sa bénédiction urbi et orbi du vendredi 27 mars 2020. Alors que l’interdiction des rassemblements se mettait en travers d’une pratique pontificale axée sur la proximité (au point que certains observateurs disaient percevoir la frustration du Pape face à la situation dans un premier temps), la dramatique sobriété de cette cérémonie d’une heure, avec le spectacle saisissant du Pontife présidant seul la prière et avançant finalement vers la place Saint-Pierre vide et pluvieuse pour bénir la ville et le monde avec le Saint-Sacrement, a été l’une des images religieuses les plus fortes de la pandémie[13]. À défaut de pouvoir jouer un rôle central, à une époque où l’on ne se tourne plus guère vers les Églises pour en recevoir des orientations sur les grandes questions sociales, morales et politiques (comme le soulignait Massimo Introvigne au début de la crise[14]), l’événement du 27 mars a montré qu’il restait au moins possible pour les Églises chrétiennes de trouver un espace audible, en prononçant un message simple et fort :

« La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités. Elle nous démontre comment nous avons laissé endormi et abandonné ce qui alimente, soutient et donne force à notre vie ainsi qu’à notre communauté. La tempête révèle toutes les intentions d’“emballer” et d’oublier ce qui a nourri l’âme de nos peuples, toutes ces tentatives d’anesthésier avec des habitudes apparemment “salvatrices”, incapables de faire appel à nos racines et d’évoquer la mémoire de nos anciens, en nous privant ainsi de l’immunité nécessaire pour affronter l’adversité. »

Prier et célébrer en ligne

« Quand Dieu ferme une porte d’église, Il ouvre une fenêtre de navigateur » : ce joli titre d’article du mensuel évangélique Christianity Today[15] résume la floraison d’initiatives en ligne. En regardant les efforts des groupes religieux pour rejoindre les fidèles en dépit de circonstances empêchant les rassemblements physiques, on se demande comment ils auraient fait avant Internet, les réseaux sociaux et le streaming (et pas seulement les groupes religieux, d’ailleurs : nos vies en général auraient été bien différentes)[16].

Très rapidement, on vit des groupes évangéliques annuler les cultes publics pour recommander aux croyants de suivre le culte sur Internet. Dans l’espace européen francophone, la malheureuse expérience de La Porte Ouverte incitait ces groupes à réagir rapidement et à montrer leur bonne volonté pour éviter la répétition d’une telle situation.

D’autres Églises chrétiennes les rejoignirent. En Suisse et en Allemagne, par exemple, un site « église à la maison » recense des dizaines de possibilités de suivre en ligne un office religieux (évangélique, protestant ou catholique).

 

Un message religieux ne passe cependant pas seulement par la parole ou par le texte : c’est aussi l’expérience de la communauté, d’une part, et celle de rituels qui se pratiquent aussi ensemble et s’expriment physiquement, d’autre part.

Bien que cela ait été de tout temps une composante de l’expérience religieuse, la dimension émotionnelle de la religiosité contemporaine a souvent été soulignée : elle se manifeste à travers des rassemblements de masse ou certaines formes « chaudes » de pratique (par exemple le pentecôtisme, en contexte chrétien). De plus, sociologiquement, il est connu que se retrouver avec d’autres personnes permet de s’encourager mutuellement : l’intégration sociale dans le groupe renforce l’appartenance et la pratique.

Groupe religieux à la pratique intensive, les Témoins de Jéhovah ont presque instantanément adapté leur vie à ces nouvelles circonstances. Ils ont renoncé à la prédication de porte à porte dans les régions de confinement et ils sont encouragés par leur organisation religieuse à transmettre leur foi par d’autres moyens, par exemple par téléphone ou en écrivant des lettres à des personnes avec lesquelles ils ont déjà eu un contact et qui ont donné des signes d’intérêt. Pour leurs réunions, ils restent à leur domicile, mais utilisent une application comme Zoom pour y participer et voir les autres participants — et ne manquent pas de s’habiller correctement pour cette occasion : une réunion en ligne n’autorise pas une tenue négligée, pas plus qu’ils ne le feraient pour aller à la Salle du Royaume (nom des lieux de réunion des Témoins de Jéhovah). Même le Mémorial, cérémonie annuelle importante des Témoins de Jéhovah, a été célébré en ligne par les groupes locaux. L’organisation a également annulé les grands rassemblements qui ponctuent chaque année.

Très médiatisée depuis le début de la crise en raison de son rôle involontaire dans la diffusion du virus en France et dans d’autres pays, la megachurch française La Porte Ouverte de Mulhouse célèbre ses cultes en ligne, comme beaucoup d’églises évangéliques[17]. Dans un premier temps, les cultes ont été retransmis depuis l’église sans participation des fidèles. Mais à la suite de réactions de voisins qui ont dénoncé les faits à la police (qui ne constata rien d’illégal, car seulement 11 salariés de la communauté se trouvaient dans les locaux), La Porte Ouverte annonça le 23 mars 2020 par communiqué de presse avoir adopté une mesure plus radicale et décidé de diffuser les cultes depuis la demeure des pasteurs et des musiciens du groupe de louange. Les musiciens et chanteurs se retrouvent ainsi à leurs domiciles respectifs, dans trois lieux différents, comme on peut l’observer en regardant les vidéos de cultes. « Je vous invite simplement à vous lever, là où vous êtes, à la maison, avec les enfants, et on va directement commencer par célébrer notre Dieu (…) et le célébrer tous ensemble en famille – la famille de Dieu réunie », commence le chanteur. Même sans présence physique, il s’agit de reproduire autant que possible les conditions et l’atmosphère de ces cultes auxquels des centaines de personnes assistent.

Si tout peut donner l’apparence d’un culte en direct multisites bien géré, une telle opération serait techniquement à la merci d’un problème technique. Les différents segments du culte sont donc préenregistrés, comme l’explique en introduction la vidéo du culte du 19 avril 2020 :

« Je sais qu’il y a beaucoup de personnes qui se posent la question : est-ce que ce temps est réellement en live ? Alors nous devons être honnêtes avec vous et vous dire toute la vérité, rien que la vérité : non, ce moment-là n’est pas en live. Nous avons dû – chacun à notre tour – enregistrer notre partie. Pour quel but ? Pour simplement ne pas avoir de problème technique, et de pouvoir vous apporter un contenu qui soit agréable. Alors, j’aimerais vous rassurer : le fond reste le même. Nous désirons vous apporter la Parole de Dieu, nous désirons prendre du temps dans la louange, et d’adorer Dieu. Alors quel que soit le moment où cela est fait, c’est de tout notre cœur que nous le faisons. Donc le fond reste le même. C’est juste un peu la forme qui change. »[18]

Les communautés évangéliques ont un avantage : elles ne sacralisent pas des lieux de culte et certaines utilisent des lieux séculiers convertis ou loués chaque dimanche. Le message et l’expérience de conversion individuelle ne demandent pas un cadre particulier : voir un pasteur parler depuis son salon est inhabituel, mais pas insolite pour les croyants. Du côté des églises à tradition liturgique, on croit bien sûr aussi que l’Esprit souffle où il veut, que Dieu peut agir dans tout environnement et que le culte peut également se tenir dans des cadres improvisés en cas de nécessité, mais les fidèles sont habitués à célébrer leur culte public, là où c’est possible, dans ces lieux consacrés à l’activité religieuse et à l’atmosphère propice à inspirer la prière que sont les églises.

Messes télévisées en contexte catholique (ou Divines Liturgies télévisées dans des pays de tradition orthodoxe) ne sont pas nouvelles, de même qu’existent des fidèles qui en sont des habitués plutôt que de se rendre dans une église, par empêchement physique ou pour d’autres raisons. Mais ce mode de participation au culte n’a jamais été supposé devenir la solution pour tous les fidèles, comme la pandémie y a soudain contraint des pays entiers.

La possibilité d’accéder à des messages religieux et à des célébrations par des moyens technologiques a généralement été saluée, car elle permet de maintenir un lien, et si les nombreuses initiatives dans ce sens ont manifestement été appréciées par les fidèles. On trouve ainsi de nombreux exemples de prêtres catholiques ou orthodoxes qui célèbrent dans une église vide, ou dans leur salon avec leur famille servant de chorale (pour les prêtres orthodoxes), tandis que la célébration est suivie en ligne par quelques dizaines ou quelques centaines de fidèles[19].

Le large recours aux services religieux en ligne suscite cependant aussi des réflexions critiques. Un théologien orthodoxe connu, le métropolite Jean Zizioulas (né en 1931), explique :

« Je suis confiné chez moi et je ne pourrai pas assister à la liturgie. Cependant, je n’allumerai pas la télévision afin de regarder la liturgie. Je considère cela comme une impression d’impiété. C’est une impiété d’être assis et de regarder la liturgie. »

« Que la personne reste chez elle et prie. L’Église peut préparer quelques textes liturgiques pour encourager les fidèles à lire, par exemple, l’office du matin chez eux, mais non celui de la liturgie. Celle-ci exige notre présence. On ne peut participer à la liturgie à distance. »[20]

Le théologien approuve les mesures prises pour combattre la pandémie. L’essentiel est que la Liturgie soit célébrée, même si seulement quelques personnes y assistent ; sa critique porte spécifiquement sur la retransmission en ligne.

De fait, nombre de diocèses ou sites orthodoxes ont préparé et mis à disposition en ligne des textes pour la période liturgique en cours destinés à des célébrations par des laïcs, sans prêtre. Avec le souci que cela ne devienne pas un substitut pour la pratique religieuse usuelle, comme le montre l’avertissement placé en première page d’un livret intitulé « Vivre la Pâque en temps de confinement », diffusé par la Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe Occidentale et Méridionale :

« Vous trouverez dans les pages qui suivent des indications permettant de vivre la Semaine Sainte et la Pâque de chez vous. Elles ont été conçues pour répondre à la situation actuelle de confinement, mais il est à noter que la plupart d’entre elles ne sont à prendre en considération que dans la situation actuelle qui ne nous permet pas d’accéder à l’église, mais ne doivent pas forcément être réalisées en temps normal ou une autre année. En cas de doute, référez-vous toujours à la bénédiction de votre évêque ou de votre prêtre. »

Le pape François rappelle lui aussi l’importance de la dimension communautaire dans la célébration liturgique et ne souhaite pas qu’une participation virtuelle à la messe finisse pas être considérée comme identique à une participation physique, remarque le vaticaniste Robert Mickens dans un article sur la situation créée par la généralisation des messes en ligne.

La question des sacrements se pose pour les chrétiens de tradition catholique ou orthodoxe. Ils peuvent mettre l’accent sur la valeur de la « communion spirituelle » pendant une période où il est impossible d’accéder aux célébrations, ou souligner qu’il est aussi possible de pratiquer une communion moins fréquente tout en acceptant cette situation et en menant une vie spirituelle intense, ou encore trouver des moyens de donner la communion à des fidèles sur rendez-vous en dehors des célébrations liturgiques.

En revanche, vu la compréhension de l’Eucharistie, impossible d’aller jusqu’à la célébration virtuelle, comme le font des communautés de tradition protestante, par exemple telle communauté évangélique qui annonce à ses fidèles que « nous allons partager ensemble la Cène depuis chez vous, préparez donc le jus de raisin/vin et le pain ». Cette pratique a aussi été adoptée par des Églises protestantes historiques (tandis que d’autres continuent de la déconseiller) ; la revue Foi & Vie a traduit les propositions faites au mois de mars par l’évêque István Bogárdi Szabó, qui préside depuis 2015 l’Église réformée de Hongrie :

« Dans la présente situation d’épidémie, le plus simple est d’administrer la Sainte-Cène sous la forme d’un culte à domicile. Et puisque le pasteur lui-même tient un culte à domicile, nous pouvons l’appeler un culte de quarantaine. Le culte à domicile nécessite qu’en plus du pasteur, au moins une personne soit présente – son conjoint, son enfant le plus âgé, ses autres enfants, le curateur, un ancien, le chantre, le webcameraman. La retransmission du culte à domicile peut être assurée par des moyens techniques (webcam). Ceux qui regardent la retransmission forment également la communauté du culte à domicile. C’est la même famille.

« Avec en plus cette fois-ci qu’il faut préparer à l’avance le pain (éventuellement en petits morceaux) et le vin (éventuellement dans des coupes différentes). Lorsque, au cours de la retransmission, le pasteur mène la liturgie de la Sainte-Cène, eux aussi doivent s’y joindre, eux aussi répondre de façon audible devant Dieu et l’assemblée familiale présente à domicile aux questions de la Sainte-Cène (2), se distribuer alors les signes les uns aux autres selon l’ordre de la Sainte-Cène (Luc 22,19-20). Ils peuvent décider dans quel ordre ils reçoivent les signes. Il est plus hygiénique de mettre le pain préparé à l’avance dans une petite corbeille et que chacun y prenne son morceau et de mettre les verres sur un plateau pour que chacun prenne son verre. Je signale que les personnes seules peuvent aussi se préparer du pain et du vin et le prendre durant la retransmission puisqu’ils se joignent à un véritable culte à domicile. »[21]

 

Mais suit-on de la même manière un service religieux sur Internet (ou à la télévision, d’ailleurs) ou en y participant physiquement ? Plusieurs dirigeants religieux ont mis en garde leurs fidèles contre le risque de devenir de simples spectateurs, tout en les encourageant à saisir les occasions offertes. Toute généralisation est risquée, faute de possibilités d’évaluation statistique. Cela dépend des fidèles et des situations. Un fidèle orthodoxe de Boston nous remercie pour une information technique que nous lui avons adressée par courriel, ajoutant qu’il est en train de regarder en direct un service religieux de sa paroisse, diffusé sur Internet : cela signifie donc qu’il consulte son courrier et y répond tout en suivant l’office. À l’inverse, un fidèle catholique, rencontré dans un supermarché, nous raconte que, bouleversé quelques jours plus tôt par la célébration solitaire du Pape le 27 mars 2020, il n’avait pu simplement rester assis devant sa télévision et s’était mis à genoux dans son salon.

La crise du Clovid-19 a multiplié les expériences de différentes modalités d’utilisation religieuse d’Internet et va élargir les réflexions sur les pratiques liées aux technologies modernes.

La créativité religieuse s’est également exprimée sous d’autres formes : par exemple les tentatives —aux États-Unis — de relancer des réunions religieuses sur un modèle de drive-in (puisque des personnes d’une même famille restant dans leur voiture ne peuvent contaminer ou être contaminés)[22], ou encore des prêtres catholiques entendant les confessions et donnant l’absolution, en plein air, avec une distance de deux mètres —parfois à des fidèles restant dans leur voiture. Mais le propos de cet article n’est pas de faire l’inventaire de toutes les idées imaginées ou mises en œuvre pour apporter des réponses pratiques à la situation.

Les résistances religieuses aux mesures prises par les autorités

Parmi les acteurs ou groupes religieux résistant aux mesures gouvernementales, on peut distinguer plusieurs catégories de réactions, le cas échéant combinées :

  1. Le sentiment que continuer à se rassembler malgré les interdictions et mises en garde représente un test pour la foi. Implicitement ou explicitement, ceux qui se réunissent malgré tout peuvent avoir la conviction qu’ils démontrent ainsi leur piété et leur fermeté par rapport à d’autres croyants faibles, timides ou enclins à la compromission. Cela peut aussi s’associer à l’affirmation que Dieu a de toute façon le contrôle et que notre destin n’est pas entre nos mains.
  2. Une défiance envers les gouvernements et — plus généralement — envers les recommandations institutionnelles — qu’elles soient politiques ou scientifiques. Les institutions séculières sont soupçonnées de trouver dans la pandémie un prétexte pour brider ou interdire l’expression publique des sentiments religieux. Les mesures contre la pandémie — en tout cas dans la sphère religieuse — sont interprétées comme un instrument au service de la sécularisation. Dans certains propos affleure même la référence à une forme de persécution plus ou moins « douce ». S’opposer aux décisions officielles revient à prendre le risque de se placer dans une catégorie analogue à celle de martyrs de la foi (puisque cela pourrait avoir des conséquences : arrestations, amendes…). Il est probable que ce type d’attitude se trouve souvent conjointe à une propension à adhérer à des « théories du complot ».
  3. La conviction que la foi permet d’être préservé du virus ou que le groupe religieux dispose des outils spirituels pour le prévenir et le guérir le cas échéant. Notons cependant que nombre de groupes mettant l’accent sur la guérison des malades dans leur message se sont pliés aux injonctions des autorités : il y avait d’ailleurs une certaine ironie à voir des groupes annoncer, au début de la crise du COVID-19, l’annulation de leurs cultes de guérison…

Ces différentes attitudes traversent les groupes religieux. Au sein d’une même dénomination religieuse, on peut observer des responsables qui appellent au strict respect des mesures et d’autres qui, si elles ne s’y opposent pas frontalement, demandent des aménagements pour la pratique religieuse ou en prennent l’initiative. Nous commencerons par l’illustrer avec quelques exemples en contexte orthodoxe.

Les prises de position au sein de l’Église orthodoxe en Géorgie illustrent différentes attitudes. Malgré les appels du gouvernement et d’autorités sanitaires à éviter de se rassembler durant la nuit de Pâques[23], des centaines de fidèles ont fait le choix opposé, tout en affirmant respecter les règles de distance physique requises (2 mètres entre chaque fidèle) et porter un masque. Dans la cathédrale de Tbilissi, les fidèles présents ont participé à une Liturgie pascale présidée par le Catholicos Ilia II, qui n’avait pas voulu encourager les fidèles à s’abstenir. Pour respecter le couvre-feu, les participants sont arrivés à l’église avant 21h pour la quitter après 6h du matin. À l’opposé, cependant, treize prêtres et seize théologiens ont contredit leur patriarche en appelant les fidèles à rester chez eux et en annonçant qu’ils célébreraient à huis clos. Pour justifier cette position, le P. Théodore Gignadze explique : « Il n’a jamais été considéré comme méritoire pour un chrétien de sacrifier les autres. Il est totalement inacceptable de mettre la vie d’autrui en danger. » (18 avril 2020)

Si l’attitude des dirigeants de l’Église orthodoxe en Géorgie retient l’attention parce qu’elle est la seule institution réticente à suivre certaines prescriptions, les épidémiologues géorgiens jugent par ailleurs la situation générale dans l’espace public insatisfaisante (trop de voitures et trop de personnes rassemblées dans les rues, indépendamment de toute dimension religieuse). Le cadre culturel et social influence aussi les attitudes religieuses.

À Chypre, l’archevêque Chrysostome, à la tête de l’Église orthodoxe de ce pays, annonça le 9 avril qu’il respecterait à la lettre les directives gouvernementales pour entraver la diffusion du virus, qu’il déterminerait dans quelles églises se tiendraient des services religieux et que les célébrations liturgiques se dérouleraient derrière des portes closes, sans la présence des fidèles. Mais deux évêques déclarèrent qu’ils n’avaient pas l’intention de suspendre les offices dans leurs diocèses, expliquant que les fidèles s’étaient toujours tournés vers l’Église dans des temps difficiles pour recevoir la communion. L’un de ces évêques, Mgr Néophyte de Morphou, connu pour son franc-parler et ses dénonciations du « Nouvel Ordre Mondial », avait déjà eu maille à partir avec la police à la suite d’une Liturgie célébrée devant des fidèles une semaine avant Pâques, le dimanche des Rameaux (apparemment, il s’était tenu jusqu’alors aux règles édictées, mais avait toléré la présence de quelques fidèles pour ce dimanche dans le village où il était venu célébrer). Les photographies prises à cette occasion et publiées par des médias chypriotes montrent qu’il n’y avait qu’une poignée de fidèles présents, ce qui démontre aussi a contrario le respect des restrictions par la grande majorité d’entre eux. Mais les propos de Mgr Néophyte tenus après la cérémonie devant l’église retiennent l’attention[24]. Il mentionne le fait que « quelques honorables policiers sont entrés dans l’église, ou plutôt, non pas honorables, mais plutôt impies au plus haut point », certes « dans leur bon droit » du point de vue des autorités. Mais, poursuit l’évêque, cela s’appelle « un conflit de devoirs ». Que ce soit par la maladie ou par un accident, notre vie terrestre a une fin : « nous nous en irons de toute manière de cette vie éphémère, la véritable vie, la vie éternelle, la belle vie se trouvent ailleurs. »

« Quand le policier est entré dans l’église, je lui ai dit : “Mon enfant, choisis ce que tu veux appliquer: le décret du gouvernement, ou le décret du Christ.” À moi, le Christ m’a dit: celui qui viendra auprès de moi, je ne le rejetterai pas au-dehors. (…) le meilleur médicament qui existe, y compris pour cette maladie, et pour celle qui viendra ensuite, c’est le Corps et le Sang du Christ, c’est ça, l’entière vérité, Monsieur le Président. Ces jours-ci, quand on ferme les églises, et qu’on limite l’accès à la Sainte Communion, et qu’on fait peur aux gens pour qu’ils ne viennent pas, c’est comme si on fermait les hôpitaux, comme si on fermait les pharmacies. (…) de la même manière que les athées ont des droits, les fidèles ont aussi des droits. Et à moi, il me semble aujourd’hui que ce sont les droits des fidèles qui sont méprisés. »

Une question de principe se trouve en jeu : celle du respect des droits des fidèles à accéder à ce qui représente pour eux ce qu’il y a de plus sacré. Ce discours s’inscrit dans une ligne de méfiance envers des gouvernements sécularisés, et finalement ennemis de Dieu : dans son homélie, Mgr Néophyte décrit les épreuves subies en ces jours comme le fruit de l’action du Diable « avec ses lieutenants, les initiés secrets du Nouvel Ordre Mondial — c’est cela, la réalité, certains le savent un peu, d’autres plus, et d’autres font comme s’ils ne savaient rien… » Ce discours traverse les communautés religieuses et pourrait se retrouver dans des propos tenus dans des milieux catholiques ou protestants. Les restrictions apportées par les gouvernements afin de combattre la diffusion du virus sont lues à la lumière d’un schéma interprétatif plus vaste.

La police chypriote mit en œuvre les grands moyens pour s’assurer que le confinement serait respecté à Pâques (contrôles routiers, drones…). La presse chypriote a rapporté quelques infractions, mais clairement isolées (dans quelques paroisses de l’Église officielle et dans des églises vieilles-calendaristes). Le récit d’une personne ayant participé à des offices à Chypre à cette occasion donne l’impression de quelques fidèles jouant au chat et à la souris avec les contrôles de police, avec le consentement tacite du prêtre et la bienveillance d’un marguillier[25]. L’auteur de ce récit parle du « carré des irréductibles ».

Dans les pays d’héritage orthodoxe, il n’y a guère qu’en Bulgarie et en Belarus que les autorités ont décidé d’exempter les églises de fermeture. En Bulgarie, tout en appliquant de façon générale d’autres mesures, par exemple l’interdiction des déplacements ou l’interdiction des rassemblements de plus de deux personnes, le Premier ministre Boyko Borissov expliqua ne pouvoir se résoudre à exiger la fermeture des églises à Pâques, soulignant l’importance de cette fête pour les fidèles et le rôle historique de l’Église en Bulgarie – tout en encourageant les fidèles à rester chez eux pour entraver la diffusion du virus et en donnant lui-même l’exemple. Selon les observations de journalistes, les fidèles étaient bien moins nombreux que d’habitude et s’efforçaient de respecter les distances physiques entre eux, comme ils y étaient invités. En Belarus, de façon analogue, les autorités religieuses orthodoxes incitaient les fidèles à rester chez eux, mais gardaient les églises ouvertes et en accueillant ceux qui y venaient quand même (à l’instar du président Lukachenko), souvent équipés de masques. En Russie, le Patriarcat de Moscou avait clairement fait savoir aux fidèles qu’il convenait de s’abstenir de venir à l’église, même si ces consignes ont été diversement reçues — mais la majorité des fidèles ont suivi les instructions. De même, dans les Balkans, un tour d’horizon publié par Religioscope montre que les consignes sanitaires ont été largement suivies, malgré certains débordements.

De façon assez générale, dans les environnements chrétiens, non seulement les actes concrets de résistance ont été le fait de minorités, mais même beaucoup de groupes religieux très conservateurs se sont pliés aux exigences sanitaires et n’ont pas cherché la confrontation avec les autorités. Dans une lettre publiée par l’hebdomadaire français d’extrême droite Rivarol, une lectrice s’en étonne et le déplore :

« J’habite en France près du Mans, il y avait là trois messes traditionnelles, celle de la Fraternité Saint-Pierre, celle de la Fraternité Saint-Pie X et une messe sédévacantiste. Je connaissais bien les trois chapelles et là, tout à coup, il n’y a plus rien. J’ai vécu ma foi dans les catacombes de la “terre d’Islam” et je croyais aux sermons et conférences des retraites sur la primauté de la Foi et sur l’héroïcité des vertus dans l’adversité. J’ai amené des Bibles en “terre d’Islam”, encourant six mois de prison, et là on me dit que je dois me contenter de regarder une messe en streaming via mon PC, car le clergé traditionaliste n’a pas assez d’imagination, de courage, de foi, de pugnacité, de fermeté de caractère et de conviction pour ruser, inventer et contourner habilement les ordres de ce “gouvernement”. Vraiment je ne comprends pas. Qu’a-t-on fait de l’exemple des Vendéens, des prêtres réfractaires, des saints et des martyrs ! »[26]

Même étonnement dans un article de réflexion de l’Abbé Henri Vallançon, prêtre du diocèse de Coutances et professeur au Séminaire Saint-Yves de Rennes :

« [Le coronavirus] interrompt le culte public de l’Église. N’est-ce pas là l’inouï de cette crise ? En deux mille ans d’histoire de l’Église, cela n’est jamais arrivé. Au pire des persécutions, on célébrait dans les maisons. Là, non. Il faut remonter à la grande crise des années 167-164 avant Jésus-Christ, dont parle le livre de Daniel et les livres des Macchabées, pour trouver le dernier épisode de l’interruption du culte public de Dieu dans son peuple.

« Dans cette situation extrême, même les courants du christianisme les plus strictement attachés à l’observance de la loi de Dieu ne se distinguent plus des autres : les communautés catholiques traditionalistes ont aussitôt emboîté le pas à la Conférence des évêques de France, sans mot dire (…). Tous ont fini par s’y résoudre : le culte public de l’Église est suspendu. » (L’Homme Nouveau, 10 avril 2020)

Même si des commentaires se plaisent à rappeler le courage de Mgr François-Xavier de Belsunce (1671-1720) pour aller porter les derniers secours aux mourants pendant l’épidémie de peste à Marseille en 1720 (épisode illustré par un tableau de Monsiau), aucun évêque ne suivrait probablement aujourd’hui l’exemple de Mgr Antonio Álvaro y Ballano (1876-1927) pendant l’épidémie de grippe « espagnole » à Zamora, qui défia les autorités sanitaires en maintenant toutes les messes, en ordonnant des neuvaines de prière, des processions (également les processions funéraires) et autres grands rassemblements dans les églises, à la différence d’autres diocèses : certes, le clergé se dévoua courageusement pour assister la population, mais la ville fut plus lourdement frappée que d’autres dans la région[27]. Aujourd’hui, un évêque qui ferait de même, en connaissance de cause, se retrouverait à coup sûr devant les tribunaux et écoperait d’une lourde condamnation.

En contexte protestant, certaines fractions des milieux évangéliques américains se sont montrées opposées à l’acceptation des restrictions imposées, au nom de leurs convictions et des sacro-saints principes de liberté chers aux Américains. Il suffit de suivre l’actualité des États-Unis pour constater qu’il ne s’agit pas uniquement de réactions religieuses : elles s’entrecroisent avec des contestations politiques des mesures prises, sans oublier les soucis économiques. En tout cas, cela s’inscrit dans un cadre et des discours fortement marqués par le contexte nord-américain.

Selon un sondage de LifeWay Christian Resource cité par le magazine évangélique Christianity Today (7 avril 2020), à la fin du mois de mars, 93 % des églises protestantes américaines avaient cessé de se réunir ; en ce qui concerne les 7 % restants, il faut tenir compte du fait que certains États américains n’avaient pas imposé des mesures aussi strictes que les autres ; de plus, le pourcentage des églises ayant fermé leurs portes au public a probablement plutôt augmenté depuis la fin du mois de mars.

Donc seulement une petite minorité de contestataires : mais on les entend beaucoup, et ils savent bien attirer l’attention, comme l’observe l’article de Christianity Today. Stratégiquement, l’article souligne le jeu risqué de ces groupes qui contestent au nom de la liberté religieuse les mesures prises : cela pourrait, dans l’opinion publique, plutôt affaiblir que renforcer la légitimité de la défense de la liberté religieuse.

Dans un reportage télévisé du Washington Post publié le 6 avril 2020, on entend des fidèles de la Life Tabernacle Church (Louisiane) répondre aux journalistes qu’ils ne se sentent pas concernés par le virus : « Je n’ai pas peur, j’ai la foi », déclare l’une d’elles. Malgré les interdictions de réunions et les protestations jusque devant les locaux de l’église, celle-ci continue de défier les autorités et de tenir ses cultes en présence de plusieurs centaines de personnes. En même temps, les responsables de l’église affirment prendre des mesures de sécurité : prise de température des fidèles à l’entrée, pas de serrements de mains, serviettes désinfectantes, distance sociale… Leur avocat ne nie pas que certains fidèles seront sans doute frappés par le virus, comme le reste du pays (et cela a en effet été le cas au mois d’avril) : mais le principe de liberté de réunion religieuse ne peut cependant pas être mis en cause, soutient-il. (Notons que les propos de l’avocat de la communauté et ceux des fidèles choisissent des registres différents.)

Il y a également un certain nombre prédicateurs néo-charismatiques et pentecôtistes qui pensent être en mesure de combattre le virus. L’exemple sans doute le plus médiatisé a été celui d’une extraordinaire séquence dans laquelle on voit le télévangéliste Kenneth Copeland souffler symboliquement sur le virus en le déclarant détruit[28]. « J’exécute le jugement sur toi, Covid-19 ! », hurle-t-il dans une autre vidéo diffusée sur sa propre chaîne YouTube[29]. La pandémie se transforme ainsi en un combat contre des puissances démoniaques, ainsi que le remarque le chercheur québécois André Gagné dans un entretien diffusé dans l’émission d’actualité religieuse Faut pas croire (18 avril 2020).

Nous voyons ainsi se dessiner différents axes de résistance par rapport aux mesures mises en place. Pour nombre de ces voix critiques, il ne s’agit pas d’un déni des risques présentés par la pandémie, mais d’une mise en balance entre ces risques et les mesures prises, avec leurs conséquences concrètes pour la vie religieuse.

L’éclipse (publique) des Églises ?

Certains gouvernements ne semblent pas pressés de donner la priorité à la reprise des réunions religieuses. Et ils peuvent avoir de bonnes raisons pour cela, en dehors de toute considération idéologique. Comme le note Ryan P. Burge (Eastern Illinois University) dans le contexte nord-américain, l’épidémie frappe particulièrement les personnes âgées : or, même aux États-Unis, les fidèles les plus réguliers à participer aux services religieux ont une moyenne d’âge plus élevée que le reste de la population (53 % ont plus de 55 ans, et cela est encore plus marqué dans certains courants)[30].

Cependant, à l’instar des différents secteurs d’activité dont la réouverture est retardée, les communautés chrétiennes donnent de la voix pour dire qu’elles n’aimeraient pas être les dernières à pouvoir reprendre le cours normal de leurs activités :

« Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle, se dit déçu par le plan d’assouplissement du confinement, présenté le 16 avril 2020 par le Conseil fédéral, qui n’autorise pour l’instant pas les offices religieux. (…) “Malheureusement, le Conseil fédéral [c’est-à-dire le gouvernement suisse] a oublié les Églises avec leurs plus de cinq millions de membres”, regrette Mgr Felix Gmür, président de la CES [Conférence des évêques suisses], dans le journal Schweiz am Wochenende du 18 avril 2020. Pour l’évêque, les Églises ne sont pourtant “pas des institutions de loisir, mais servent la société de nombreuses manières, en particulier pendant la crise du coronavirus, en assurant des soins pastoraux et des services d’aide et de soutien.” »[31]

 

Dans des pays comme la France, des réactions s’expriment face aux annonces selon lesquelles les cultes publics pourraient ne reprendre (avec des restrictions quant au nombre de participants) qu’au milieu du mois de juin. Mgr Robert Le Gall, archevêque de Toulouse, explique ainsi au journal La Croix (24 avril 2020) que les prêtres en ont assez de célébrer dans des églises vides et déclare sentir que « le troupeau commence à rouspéter, car il y a un besoin vital d’accès aux sacrements ». Le P. Hervé Gaignard, vicaire général du Diocèse de Toulouse, dit aussi l’attente des fidèles :

« Il y a des signes d’impatience. La difficulté de célébrer les funérailles, par exemple, est un drame pour les familles. Beaucoup attendent la possibilité de pouvoir communier à nouveau, de pouvoir demander le baptême… Ne pas être en mesure d’exercer sa foi laisse des séquelles. Dans la reprise des liens sociaux, tout ne peut pas être résumé sur un prisme économique. L’exercice de la liberté de culte est un droit constitutionnel, cela figure parmi les libertés fondamentales. »

En France comme ailleurs, les évêques et les responsables d’autres communautés religieuses s’efforcent aussi de se montrer réalistes quant aux perspectives, mais aussi d’apporter des concepts concrets de mise en œuvre de la levée des restrictions, par exemple en limitant le nombre de fidèles et en organisant la désinfection à l’entrée des églises.

En Allemagne, les évêques sont en discussion avec les autorités et espèrent de premiers assouplissements par étapes dès le 30 avril 2020. On peut y noter une approche plus pressante du côté catholique que protestant : si l’on ne souhaite pas non plus que la situation actuelle se prolonge, l’évêque protestant Heinrich Bedford-Strohm souligne que « nous préférons être prudents et ne pas avoir à nous reprocher une chaîne infectieuse à partir de cultes » (Katholisch.de, 17 avril 2020).

Il faut préciser que, le 10 avril 2020, la Cour constitutionnelle fédérale allemande, examinant une requête d’un particulier visant à la levée immédiate de l’interdiction des réunions religieuses, avait certes reconnu la légitimité de mesures visant à la protection de la population, mais en même temps souligné que ces dispositions constituaient une atteinte très lourde pour la liberté de croyance ; les juges demandaient aux autorités d’examiner sérieusement la proportionnalité des mesures prises si celles-ci devaient être prolongées après le 19 avril[32]. Cela incite certainement le gouvernement de Berlin à trouver le plus rapidement possible une solution négociée avec les principales communautés religieuses.

Des réactions ne s’expriment pas seulement en milieu catholique ou protestant. En Grèce, où l’on ignore encore quand les églises pourront à nouveau ouvrir leurs portes, le métropolite Athanase d’Achaïe a envoyé récemment au ministre de l’Éducation une lettre, à la suite d’un courrier semblable adressé au même destinataire par le Métropolite Nectaire de Corfou. Mgr Athanase y explique son malaise en voyant des foules dans les supermarchés, d’une part, et la police faire la chasse à quelques personnes se rendant dans les églises. « Il me semble que les choses sont allées trop loin dans notre pays et ne peuvent pas continuer comme cela ! » (Orthodox Times, 24 avril 2020)

Dans le numéro d’avril 2020 de la lettre mensuelle d’information et d’analyse Res Novae (publiée par les Éditions de L’Homme Nouveau), un prêtre de sensibilité traditionaliste, l’abbé Claude Barthe, intitule ses réflexions « Éclipse de la religion publique au nom du “principe de précaution” ». Si cet auteur et ceux des autres contributions à ce numéro de Res Novae montrent qu’ils n’attendent certes rien d’autre de la part de l’État, leurs critiques s’adressent avant tout aux évêques. « La Conférence épiscopale craint le jugement des hommes, mais pas celui de Dieu », peut-on lire. Ce n’est certainement pas le discours tenu par la majorité des fidèles catholiques. Mais dans un contexte où des « affaires » variées ont ébranlé l’institution, en France comme ailleurs, les évêques jouent probablement aussi une part de leur crédibilité future et de la place de leur Église dans la société.

De façon assez générale, les Églises chrétiennes ont accepté en un temps très court des mesures affectant fortement la vie religieuse et ayant des conséquences pour les pratiques. Pour permettre une reprise plus rapide du culte public, le vicaire général du Diocèse de Toulouse n’hésite pas à proposer, le 22 avril 2020 : « Nous sommes tous prêts à célébrer différemment nos messes. Pourquoi ne pas commencer par de petites célébrations, plus sobres, plus courtes ? » Cela révèle l’impact de cette crise et conduit à esquisser une réflexion sur les conséquences qu’elle entraînera.

Esquisses prospectives : quelles conséquences à plus long terme ?

Face à des circonstances aussi peu communes et à des églises soudain vidées de leurs fidèles, il s’est agi pour les responsables religieux, mais aussi pour les croyants, de trouver un sens à ces événements inimaginables quelques semaines plus tôt[33]. Il n’a pas manqué de commentaires, sur les réseaux sociaux, soulignant que les chrétiens pouvaient ainsi partager l’expérience de temps ou de pays dans lesquels la foi ne pouvait s’exprimer librement. Mais aussi le sentiment, pour certains, que cela avait placé les laïcs dans une situation nouvelle et que la crise pourrait marquer « le temps du déconfinement religieux », espère le journaliste Christian Delahaye, « autour d’un laïcat promu à la pleine citoyenneté chrétienne »[34].

C’est la caractéristique de toute grande crise, par exemple d’une guerre : elle suscite beaucoup d’espoirs, de projets et d’utopies pour l’après. À peine cette crise avait-elle débuté que des penseurs y allaient déjà de leurs projections — ou de leurs rêves. Il n’est pas toujours aisé de distinguer entre ce qui relève du souhaitable (qui varie, évidemment, selon les opinions des auteurs) et ce qui appartient au probable (fruit d’une analyse plus distanciée). Même si la période la plus intense de la crise (avec des mesures strictes) aura probablement été courte, sous réserve qu’une seconde vague d’infections ou qu’un autre virus ne viennent apporter des bouleversements encore plus lourds, le retour à la normale prendra de longs mois, de l’avis de la plupart des experts : les effets directs devraient donc en partie s’exercer sur un temps plus long, ce qui peut impliquer des transformations non négligeables. À ce stade, et en fonction des facteurs imprévisibles précités, il est encore un peu tôt pour évaluer quelles conséquences seront durables et quels effets ne s’exerceront que passagèrement.

Sur les réseaux sociaux, on a vu circuler un petit dessin, dans lequel le diable se réjouissait d’avoir réussi à fermer toutes les églises, tandis que Dieu répliquait qu’il avait pu en ouvrir une dans chaque maison. La réplique est sans doute trop optimiste et reflète avant tout un désir de présenter une approche positive, mais elle devra rendre les observateurs attentifs à ce que cette situation subite de privation d’accès aux célébrations liturgiques et de confinement (ou semi-confinement, pour d’autres pays) a pu entraîner dans la vie religieuse au quotidien. Dans un entretien accordé à un quotidien suisse, Mgr Charles Morerod affirme avoir aussi observé des conséquences positives : « Certaines familles ont commencé à prier ensemble, par exemple. »[35]

Sur une ligne analogue, un prêtre nous confiait avoir été édifié par la profondeur de certaines confessions entendues en cette période privation liturgique, par des fidèles qui lui disaient développer une appréciation plus forte de ces offices publics dont ils se trouvaient soudain privés. Nul doute que ces fidèles auront puisé dans l’inédite expérience de la privation du culte public un nouvel élan. Faute d’enquête, il est plus difficile d’estimer quel sera leur pourcentage — et quelle sera la part de l’attitude inverse : à côté des fidèles qui retourneront dans les lieux de culte avec une motivation renouvelée, d’autres pourraient glisser vers une fréquentation plus relâchée. « L’histoire nous enseigne que, si une habitude se crée, cette ‘déshabitude’ demeure chez un certain nombre de gens », note Massimo Introvigne[36].

Il existait déjà des tendances observables dans ce sens. Dans un article publié au début de cette année par un magazine évangélique, le théologien protestant allemand Christian A. Schwartz, expert dans le développement de communautés religieuses[37], mentionnait la transformation rapide des modalités de participation des chrétiens à la vie religieuse de leurs communautés, que ce soit en Europe, en Amérique ou en Asie :

« Si un membre de communauté très engagé participait peut-être, il y a huit ans, à cinq services religieux par mois (les quatre services habituels [du dimanche] et un autre), il ne le fait aujourd’hui plus que trois fois. Et celui qui venait autrefois à un service religieux une fois par mois n’y assiste peut-être plus qu’une fois par trimestre. Cela ne signifie pas nécessairement que les communautés auxquelles ils appartiennent atteindraient moins de monde que par le passé. Mais les personnes atteintes assistent moins fréquemment au culte. »[38]

Prêtre à Tokyo, le P. Bill Grimm prévoit que le changement le plus immédiat sera une réduction notable de la taille des communautés paroissiales, en particulier parce que ceux qui allaient à l’église par habitude y iront moins : ils ne reprendront pas tous leur routine dominicale. Il estime que cela ne sera pas aussi marqué dans toutes les paroisses : celles qui avaient une vie paroissiale substantielle, une liturgie de bonne tenue et une prédication de qualité parviendront à retenir un nombre plus grand de fidèles.

Entre l’encouragement qu’aura pu donner l’éloignement de la vie liturgique communautaire à une pratique privée plus intense, d’une part, et un contexte favorable à une prise de distance religieuse, d’autre part, les avis des experts interrogés divergent[39] — et rien ne peut être affirmé avec certitude, faute de situations comparables. L’enjeu pourrait être celui d’une perte accélérée de pertinence des religions dans des régions où elle se trouve déjà battue en brèche : il faut tenir compte du contexte dans lequel se trouvent les institutions religieuses chrétiennes, dans le monde occidental, au moment où se produit cette crise. D’autre part, il est vrai que — notamment dans des pays fortement touchés, comme l’Italie ou l’Espagne — des dizaines de prêtres ont perdu la vie dans l’épidémie, dont certains en exerçant leur ministère : cela peut constituer un facteur de crédibilité.

Un aspect auquel on a relativement peu prêté attention est la façon dont le rôle des communautés chrétiennes s’est retrouvé limité pour les obsèques, ces moments où elles ont quelque chose à dire à des auditeurs qu’elles rencontrent rarement en d’autres occasions. Les funérailles ont été réduites à des cérémonies « dans la plus stricte intimité », avec quelques personnes présentes seulement[40]. On voit des faire-part de décès annoncer qu’une cérémonie commémorative sera organisée quand la situation le permettra à nouveau. Reste à voir combien d’entre elles auront réellement lieu. Il est malaisé d’évaluer si cette situation induira un palier de décrochage supplémentaire pour le rôle des religions dans la gestion de la mort, ou si l’on repartira de la situation précédente. Symboliquement, cela pourrait laisser des traces.

Sur un plan matériel, nous ignorons les conséquences de cette crise pour les finances des Églises et des groupes religieux en général. Des collectes n’ont plus pu avoir lieu, mais nous ne savons pas dans quelle mesure une partie des fidèles ont essayé de les compenser par d’autres canaux : les frais auxquels doivent faire face les communautés religieuses courent même quand les fidèles ne se réunissent plus. Et si le nombre des participants aux réunions religieuses diminue (également parce que des personnes âgées seront peut-être plus prudentes dans un premier temps, après toutes les mises en garde entendues), il est peu probable que ceux qui y viendront compenseront les rentrées financières manquantes. De plus, si la situation économique générale se dégrade, certains fidèles disposeront de ressources moindres. Nous y verrons plus clair dans les mois qui viennent : il faut souhaiter que des chercheurs s’intéressent à l’évolution des finances des religions après la crise du Covid-19.

Nous avons consacré une section de cet article aux usages d’Internet et des nouvelles technologies pour maintenir les liens communautaires et permettre des formes de pratique en ligne. Cela a pu encourager l’expérimentation, comme nous l’avons vu avec des communautés partageant la Cène en ligne : la crise aura accéléré des mouvements dans ce sens. À une échelle sans précédent s’offre l’occasion d’étudier comment s’est construit, voire renforcé, un sentiment communautaire sur un mode « virtuel ». Cela pourrait conduire des Églises à décider de développer encore plus fortement leurs ressources dans ce domaine. Est-il imaginable que cela conduise une partie des croyants à privilégier — au moins partiellement — une participation à une activité religieuse en ligne, ou tous préféreront-ils le retour à la situation antérieure ? Des facteurs générationnels, mais aussi des différences entre modes de culte (entre communautés fortement liturgiques ou non) pourraient jouer aussi un rôle[41].

L’après-confinement ne restera pas sans conséquences pour la vie communautaire de façon très concrète. Que signifieront des réunions religieuses dans lesquelles l’impératif de la distance physique restera en vigueur au moins pendant des mois encore ? Là où les Églises historiques ne rassemblent que des rangs clairsemés de fidèles dans des églises trop grandes, ce ne sera pas trop difficile à mettre en place, même s’il ne faut pas négliger l’impact plus subtil pour le sentiment communautaire. Mais pour des communautés plus petites ou très dynamiques, qui remplissent leurs lieux de culte et dans lesquelles la dimension émotionnelle et « chaude » de l’expérience religieuse vécue en groupe est importante, comment faire — et comment vivre les moments de culte à l’avenir ? Sans même parler de l’absence de grands rassemblements, qui appartiennent parfois à l’agenda annuel de groupes religieux, au moins jusque dans le courant de l’année 2021.

Il faudra aussi tenir compte d’une dimension nouvelle : vu le rôle de certaines réunions religieuses comme super-propagatrices du Covid-19, les religions vont se retrouver immédiatement perçues comme de potentiels facteurs de risque quand se reproduiront des situations analogues.

L’analyse des perspectives fait apparaître des lignes générales, mais devra aborder les conséquences de façon différenciée. Toutes les communautés chrétiennes ne se trouveront pas avec les mêmes avantages ou handicaps pour aborder l’après-Covid-19 ; beaucoup dépendra aussi de l’évolution d’ensemble des sociétés après la pandémie. Selon les circonstances, il pourrait aussi y avoir dans certaines régions particulièrement touchées des regains de religiosité : nous ne le saurons qu’une fois entrés dans les prochaines étapes.

Jean-François Mayer

Notes

  1. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) utilise sur son site cette expression ; COVID-19 en est l’abréviation, ce qui explique qu’il faudrait l’utiliser au féminin et écrire « la COVID-19 ». Cependant, comme le souligne un intéressant article publié à ce sujet par France Culture, à l’encontre de ce que la logique exigerait, « [p]our le moment, et faute de règles de traduction précises, c’est donc (…) au masculin qui prévaut » (Pierre Ropert, « Doit-on dire “le” ou “la” Covid-19 ? », France Culture, 8 avril 2020, https://www.franceculture.fr/sciences-du-langage/doit-dire-le-ou-la-covid-19). 
  2. Jonathan Kay, « COVID-19 Superspreader Events in 28 Countries : Critical Patterns and Lessons », Quillette, 23 avril 2020, https://quillette.com/2020/04/23/covid-19-superspreader-events-in-28-countries-critical-patterns-and-lessons/
  3. Signalons le document de mise au point préparé par Massimo Introvigne et al., « Shincheonji and Coronavirus in South Korea : Sorting Fact from Fiction. A White Paper », mars 2020. Ce document PDF de 32 pages peut être téléchargé depuis la page suivante : https://www.cesnur.org/2020/shincheonji-and-covid.htm
  4. La vidéo de cette conférence de presse de près de 90 minutes, avec traduction simultanée en anglais, est accessible sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=XxSD-VRMhoA
  5. Témoignant du grave impact que cette affaire a pour le groupe, celui-ci fournit sur son sitedes réponses détaillées aux critiques dont il fait l’objet. À Mulhouse, La Porte Ouverte adopte la même approche. 
  6. Actuel responsable de La Porte Ouverte, lui-même hospitalisé, le pasteur Samuel Peterschmitt a mis en ligne le 19 mars 2020 — alors qu’il était encore convalescent, avec le souffle court — un message très ému pour tirer un premier bilan des événements, dire sa sympathie aux personnes touchées et appeler à suivre sans réserve les consignes des autorités : https://www.youtube.com/watch?v=BvACFliF2zA
  7. Noémie Gaschy, « Coronavirus : les membres de l’église évangélique de Mulhouse sont “d’abord des victimes”, selon le docteur Peterschmitt », France 3, 21 avril 2020, https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/haut-rhin/mulhouse/coronavirus-membres-eglise-evangelique-mulhouse-sont-abord-victimes-docteur-peterschmitt-1818802.html. On peut lire le manifeste du Dr Jonathan Peterschmitt, médecin et membre de La Porte Ouverte, intitulé « De la responsabilité en contexte pandémique », sur ce site : https://www.infochretienne.com/face-aux-accusations-jonathan-peterschmitt-publie-un-manifeste-de-la-responsabilite-en-contexte-pandemique/
  8. On peut lire à ce propos la déclaration de Mgr Irénée de Richmond, évêque du Diocèse de Grande-Bretagne et d’Europe occidentale de l’Église orthodoxe russe à l’étranger, le 5 mars 2020 : « Dans nos églises, nous continuerons à célébrer tous nos rites, coutumes, Services Divins et surtout, nous continuerons à offrir et recevoir les Saints Mystères – et exactement de la même manière que nous l’avons toujours fait. Aucun Chrétien réellement croyant ne peut concevoir un seul instant que les Saints Mystères puissent apporter ou être source de maladie ou de mauvaise santé : en aucun cas ! Les Mystères du Christ sont les véritables remèdes pour nos âmes et nos corps et n’apportent que la vie – la vie éternelle. Quiconque a le cœur troublé par les problèmes actuels devrait prier avec ferveur pour une foi plus forte, afin que la peur puisse être écartée (…). » (https://orthodox-europe.org/2020/03/05/coronavirus-message/
  9. « Le métropolite Hilarion : Si vous n’avez pas peur de la contagion, pensez aux autres », 24 mars 2002, https://mospat.ru/fr/2020/03/24/news184244/
  10. « “Réalisons l’ascèse de ne pas quitter notre maison, comme Marie l’Égyptienne a réalisé l’ascèse de ne pas quitter le désert” : Homélie du Patriarche Cyrille pour le 4e dimanche du Grand Carême », https://www.egliserusse.eu/Realisons-l-ascese-de-ne-pas-quitter-notre-maison-comme-Marie-l-Egyptienne-a-realise-l-ascese-de-ne-pas-quitter-le_a1882.html
  11. Dans un intéressant entretien, Mgr Pierre de Kalatchinsk et Mouromtsevo, un évêque russe qui a commencé par avoir une formation de biologiste avec une spécialisation en virologie, a répondu à des objections sur les restrictions acceptées aujourd’hui par l’Église orthodoxe russe et rappelé que celle-ci se souciait déjà, dans le passé, d’apporter sa contribution à la lutte contre les épidémies (« “Pourtant, auparavant, pendant les épidémies, tout le monde allait à l’église !” – réponses d’un évêque et virologue aux commentaires indignés au sujet du coronavirus », com, 14 avril 2020, https://orthodoxie.com/pourtant-auparavant-pendant-les-epidemies-tout-le-monde-allait-a-leglise-reponses-dun-eveque-et-virologue-aux-commentaires-indignes-au-sujet-du-coronavirus/
  12. Dans des situations marquées par des circonstances politiques et sociales particulières, des groupes religieux se trouvent en mesure de jouer le jeu dangereux de tenir tête aux autorités face aux mesures pour contenir la pandémie : c’est le cas de groupes islamiques au Pakistan, par exemple. Mais on ne voit pas de grande Église chrétienne, aujourd’hui, qui pourrait ou voudrait adopter une telle attitude en étant suivie par la majorité de ses fidèles. Cela n’empêche pas des résistances au sein de différentes traditions chrétiennes, comme nous le verrons plus loin. 
  13. Dans un article sans doute un peu enthousiaste publié dans l’hebdomadaire Marianne(13 avril 2020), Constance Colonna-Cesari cite une remarque à ce propos du vaticaniste Marco Politi : « Cette crise présentait au départ le risque de consacrer le seul triomphe de la science et de la politique ; mais le pape a repris les rênes et il a reconquis tout l’espace ! » (https://www.marianne.net/monde/paques-2020-avec-le-coronavirus-le-pape-francois-ressuscite). 
  14. Massimo Introvigne « La Chiesa debole al tempo del contagio », ll Mattino(Naples), 10 avril 2020. 
  15. Kate Shellnutt, « When God Closes a Church Door, He Opens a Browser Window », Christianity Today, 19 mars 2020, https://www.christianitytoday.com/news/channel/utilities/print.html?type=article&id=181267
  16. Il y a eu des exceptions, comme le note à propos des juifs un panorama des réponses religieuses au confinement proposé par France-Culture : « En Israël, où la totalité des lieux de culte sont fermés, toutes religions confondues, un débat a animé les rabbins, à savoir : était-il possible d’utiliser une application de visioconférence pour permettre à la famille de se réunir autrement ? Certains rabbins ont estimé que oui, “en situation d’urgence”, il est possible d’utiliser de telles applications pour célébrer la fête avec des “personnes âgées ou malades”. Le grand rabbinat d’Israël s’y est lui opposé, pas question de “profaner un jour férié”. » (Fiona Moghaddam, « Confinement : comment les cultes s’organisent », France Culture, 19 avril 2020, https://www.franceculture.fr/religion-et-spiritualite/confinement-comment-les-cultes-sorganisent). À l’opposé, 
  17. On peut les regarder sur la chaîne YouTube de La Porte Ouverte : https://www.youtube.com/channel/UCagwwASFHiPsCjiy63ATHiA
  18. « La Sainte Cène – Jean-Marie Ribay », 19 avril 2020, https://www.youtube.com/watch?v=V09X8IYusvQ
  19. Une instructive et brève vidéo préparée par l’Assemblée des évêques orthodoxes en Amérique montre quelques exemples de la façon dont Pâques a été célébrée par des familles orthodoxes aux États-Unis : https://www.youtube.com/watch?v=N51wjQOtFDw
  20. « Le métropolite de Pergame Jean (Zizioulas) : “L’Église sans l’eucharistie n’est plus l’Église !” », com, 29 mars 2020, https://orthodoxie.com/le-metropolite-de-pergame-jean-zizioulas-leglise-sans-leucharistie-nest-plus-leglise/
  21. « “Sainte-Cène en ligne, cultes de quarantaine” en Hongrie ? », mars 2020, dans la rubrique « L’Église au temps du confinement », Foi & Vie. Revue protestante de culturehttps://www.foi-et-vie.fr/news/recordbyyear.php?type=RUBRIC&code=14. Pour aller plus loin, on peut lire les réflexions (en allemand) de l’étudiante en théologie Claudia Daniel-Siebenmann, « Christi Leib für Dich im Livestream – Abendmahl online feiern ? », de, 18 avril 2020, https://theonet.de/2020/04/18/christi-leib-fuer-dich-im-livestream-abendmahl-online-feiern/
  22. Non sans susciter des débats sur la légalité de telles pratiques, comme le rapportent des articles de Christianity Todayle 9 avril 2020 et le 17 avril 2020
  23. « Restez chez vous, ou ce qui arrivera en Italie arrivera chez nous », avait prévenu Paata Imnadze, chef adjoint du Centre national de contrôle des maladies (« ‘Stay home or what happened to Italy will happen to us’ Georgian health official warns churchgoers », OC Media, 16 avril 2020, https://oc-media.org/stay-home-or-what-happened-to-italy-will-happen-to-us-georgian-health-official-warns-churchgoers/). 
  24. On en trouve la vidéo intégrale en ligne : https://www.youtube.com/watch?v=GR6cZvEp2Dc
  25. Nous possédons la relation complète, mais le récit de cette expérience ayant été partagé dans un cadre privé, nous nous abstenons d’en indiquer la source et le lieu pour protéger l’anonymat de l’informateur : tant lui-même que le prêtre célébrant pourraient en effet être frappés par une amende. 
  26. Rivarol, N°3419, 8 avril 202, p. 2 
  27. Laura Spinney, La Grande Tueuse : comment la grippe espagnole a changé le monde (éd. originale anglaise 2017), Paris, Albin Michel, 2018, pp. 104-112. « Lorsque les autorités provinciales essayèrent d’utiliser leurs nouveaux pouvoirs pour faire respecter l’interdiction des réunions de masse, l’évêque les accusa de s’immiscer dans les affaires de l’Église. » (p. 111) 
  28. https://www.youtube.com/watch?v=ZMkyDS5ULts
  29. https://www.youtube.com/watch?v=ZMkyDS5ULts
  30. Ryan P. Burge, « Churches Should Not Be the First to Reopen », Christianity Today, 23 avril 2020, https://www.christianitytoday.com/ct/2020/april-web-only/churches-reopen-older-adults-coronavirus-risk-states.html
  31. Sylvia Stamm, « Mgr Gmür : “Le Conseil fédéral a oublié les Églises” », ch, 19 avril 2020, https://www.cath.ch/newsf/mgr-gmur-le-conseil-federal-a-oublie-les-eglises/
  32. On peut consulter le texte intégral de la décision des juges de la Cour constitutionnelle fédérale sur le site de celle-ci : https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2020/04/qk20200410_1bvq003120.html
  33. Un exemple de réflexion orthodoxe à la fois sur les faits et sur le fond : un entretien avec Jean-Claude Larchet, « L’origine, la nature et le sens de la pandémie actuelle », com. 8 avril 2020, https://orthodoxie.com/lorigine-la-nature-et-les-sens-de-la-pandemie-actuelle-une-interview-de-jean-claude-larchet-par-orthodoxie-com/
  34. Christian Delahaye, « Le confinement fait passer un sacré crash-test à l’Église catholique », Éditions Empreinte – Blog, s.d., https://www.editions-empreinte.com/post/le-confinement-fait-passer-un-sacré-crash-test-à-l-eglise-catholique
  35. Stéphanie Schroeter, « L’évêque en direct pour le café », La Liberté, 24 avril 2020, p. 19. 
  36. Francesco Gnagni, « Fase 2 essenziale e urgente per la Chiesa. Introvigne spiega perché », Formiche, avril 2020, https://formiche.net/2020/04/fase-2-chiesa-messa-papa-introvigne/
  37. Auteur de nombreux ouvrages, il promeut le concept « développement naturel de communautés » et a fondé l’Institute for Natural Church Development (NCD International, http://www.ncd-international.org/public/). 
  38. Karsten Kuhn, « Weltweit wandelt sich die Beteiligung am Gottesdienst dramatisch », Idea Spektrum, 22 janvier 2020, pp.24-27 (p. 24). Schwartz explique ensuite que cela s’explique également par une moins forte stabilité : les fidèles se montrent plus sélectifs et critiques, comparent et n’hésitent pas à visiter d’autres communautés ou paroisses pour trouver celle qui leur convient le mieux. 
  39. « Will the COVID-19 pandemic lead to a global spike in religiosity ? », Centre for Geopoliticshttps://centreforgeopolitics.org/will-covid-19-make-people-more-religious/
  40. Dans un texte dur et fort relatant une expérience personnelle en cette période (et nullement en référence aux dimensions religieuses), Mathieu Yon écrit : « Nous sommes dépossédés de nos défunts. L’État et son heuristique de la peur semble avoir conquis le monopole radical de la mort. » (« Je ne vous pardonnerai pas », Lundi Matin, 13 avril 2020, https://lundi.am/Je-ne-vous-pardonnerai-pas
  41. Des groupes religieux à forte insistance missionnaire, comme les Témoins de Jéhovah ont mis un accent nouveau sur les possibilités d’interaction en ligne (visioférences, etc.), en présentant cette activité de façon positive dans un temps où les visites physiques devenaient impossibles (voir par exemple le texte intitulé « Des frères et sœurs du monde entier utilisent des méthodes innovantes pour prêcher pendant la pandémie »,  26 mars 2020). Cela pourrait avoir des conséquences dans la longue durée sur la palette recommandée d’efforts missionnaires. 

https://www.religion.info/2020/04/26/analyse-les-eglises-chretiennes-face-au-coronavirus-bilan-intermediaire-et-perspectives/

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