Le règlement de copropriété de l’immeuble de l’avenue Pasteur (à droite) a été adopté en 1967. Il définit, en partie, le cadre de ce qui peut se faire dans les appartements.
Le règlement de copropriété de l’immeuble de l’avenue Pasteur (à droite) a été adopté en 1967. Il définit, en partie, le cadre de ce qui peut se faire dans les appartements. | DR

Installé en janvier dans un appartement de l’avenue Pasteur, le bar identitaire suscite une forte opposition. Qui cherche encore, pour le moment, les failles dans la loi.

« Jean-Claude Antonini avait su prendre des risques et affronter l’Église de Scientologie ou Dieudonné. » Lors du dernier conseil municipal, Rachel Capron, élue d’opposition (PS), avait dénoncé l’inaction de la municipalité face à l’Alvarium. Le collectif d’extrême-droite suscite une forte mobilisation depuis l’ouverture de son bar identitaire, avenue Pasteur, en janvier. Notamment des réseaux antifascistes. «La Ville ne peut pas sortir de la légalité », a rétorqué le maire Christophe Béchu (divers droite), pointant la difficulté de trouver la faille juridique. Lille, Strasbourg, Nice, Lyon ou encore, plus récemment, Marseille sont face au même casse-tête. Que dit la loi ? Tour d’horizon.

1. Le trouble à l’ordre public

La notion, qui se retrouve dans des dizaines de textes législatifs et réglementaires, fait l’objet d’interprétations variables par la jurisprudence. Pour Jeanne Behre-Robinson, adjointe au maire d’Angers chargée de la sécurité, la difficulté réside dans le caractère fermé du lieu. «Il faudrait qu’ils se mettent au balcon en proférant des menaces ou des insultes, par exemple. »

Une forme de tribune publique, en quelque sorte. Comme « les affiches qu on a trouvées sur vos réseaux sociaux » (1) que dénonçait Christophe Béchu lors d’un échange en réunion de quartier avec Jean-Eudes Gannat, porte-parole de l’Alvarium ? « Vous ne représentez pas un groupe qui travaille à la capacité à pouvoir vivre à côté des autres », en concluait le maire.

De là à lancer une procédure judiciaire, il y a un pas qu’il ne franchit pas. Ce que lui a donc reproché l’élue d’opposition Rachel Capron. En décembre 2004, le maire PS Jean-Claude Antonini avait pris plusieurs arrêtés interdisant à la Scientologie de tenir des stands sur les marchés de la Ville. La justice, via notamment le tribunal administratif, avait réfuté le risque de trouble à l’ordre public invoqué. Ce que le maire avait assumé au nom de la « protection des Angevins ».

2. L’utilisation de l’appartement

L’appartement loué peut-il être utilisé comme bar, même associatif, et donc ouvert aux seuls adhérents ? Oui. Mais en respectant certaines conditions. Concrètement, la destination du lieu (ce à quoi on le destine) peut être encadrée par le règlement de copropriété. Selon un juriste, celui de l’immeuble de l’avenue Pasteur n’est pas très contraignant. D’autant que d’autres usages que le logement y sont déjà constatés : cabinet de médecin, espace d’orthopédie.

L’activité bar, elle, est strictement encadrée par la loi. Un lieu associatif permanent peut vendre des boissons de groupe 3 (peu alcoolisées, dont fait partie la bière vendue à l’Alvarium), mais uniquement à ses adhérents. Est-ce toujours le cas ? Via sa page Facebook en accès public, l’Alvarium invite à le rejoindre, par exemple pour une soirée à l’occasion d’un match de foot télévisé, sans mentionner qu’elle est réservée aux adhérents. En cas d’infraction, l’article L3351-6 du code de la santé publique prévoit une amende de 3 750 €.

3. Le nombre de personnes accueillies

En tant qu’établissement recevant du public, l’Alvarium est, de par sa configuration, limité à une fréquentation maximale de 19 personnes. Un chiffre qui a été largement dépassé au moment de l’inauguration ou encore de la conférence de Julien Langella, les photos publiées par le collectif lui-même en attestant. Selon nos informations, seules quatre ou cinq personnes étaient présentes lors des quelques contrôles de police ultérieurs. Mais l’affluence monte bien au-delà certains soirs, selon les témoignages de riverains.

4. Le tapage et la tranquillité des riverains

La loi (article 1719 du Code civil) oblige le bailleur à «faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail». Certains habitants de l’immeuble peuvent juger pesante la présence de l’Alvarium. Qui génère des allées et venues, des tensions, parfois du bruit.

L’Alvarium avait reçu un avertissement pour tapage (qui peut être constaté de l’extérieur) peu après son ouverture. De source policière, un seul relevé d’infraction pour tapage a été effectué, assorti d’une amende 100 €.

« Le premier à pouvoir agir, c’est le bailleur, explique Me Christophe Buffet, avocat spécialisé en immobilier. Ensuite, il y a le syndicat des copropriétaires. Il peut mettre en demeure le bailleur d’agir sur les nuisances. » Le propriétaire, en l’occurrence, est aux abonnés absents. Malgré l’envoi d’une lettre recommandée par le syndic, restée à ce jour sans réponse. « Il y a une certaine proximité idéologique avec les locataires », croit savoir un proche du dossier.

« Je reçois l’inquiétude de certains riverains et réponds à leurs interrogations, reconnaît Jeanne Behre-Robinson. C’est aux habitants et aux copropriétaires de s’organiser sur cette question qui relève du droit privé. » Concrètement, le Nouveau code de procédure civile, dans son article 202, prévoit la possibilité de remplir une attestation de faits constatés. « L’une des pistes pour fermer l’Alvarium est de démontrer que sa présence génère des troubles excessifs du voisinage », explique un juriste. Le syndic en a reçu cinq pour le moment. Charge ensuite à la copropriété de voter en faveur d’une procédure judiciaire.

Autre aspect du dossier qui pourrait être considéré par la justice : la perte de valeur potentielle des logements. Mais dans l’hypothèse où elle ordonnerait au propriétaire de l’appartement loué à l’Alvarium de résilier le bail, le problème pourrait n’être que déplacé. L’Alvarium a déjà fait savoir qu’il se chercherait un autre point de chute.

(1) Représentant par exemple les dictateurs Saddam Hussein et Bachar El-Assad

source : ouest france.fr