Dans son 11e livre— également son quatrième roman policier — l’auteur ariégeois Bernard Cazeaux fait plonger le lecteur dans un univers où le pouvoir, l’argent et le sexe sont les instruments d’une manipulation machiavélique. Interview
Vous croquez souvent des personnages à faces multiples. Pourquoi cet intérêt pour ces cerveaux alambiqués
Je préfère explorer des personnages aux caractères complexes, comme la vie l’est d’ailleurs, avec leurs tentations, leurs faiblesses et aussi leur force. J’aime bien aussi les « Tartuffe » hypocrites ; les loups qui se couvrent d’une peau de mouton pour mieux nuire. Dans ce roman, je voulais mettre en avant la perversité de certains qui n’hésitent pas à abuser les plus faibles.
Pouvez-vous nous présenter Melchior, le « Maître des dupes » ?
Je me suis inspiré d’un ex-collègue qui faisait partie des cadres d’une secte mondialement connue. Ce qui frappait, c’était son ego surdimensionné et sa condescendance. Son statut d’Élu supérieur comblait sa mégalomanie. En discutant avec lui, j’ai découvert avec effarement que nombre de membres de cette secte, qui prospère malheureusement toujours, appartiennent à des classes sociales dites supérieures.
Quels sont les secrets pour être un bon gourou ?
Maîtriser un discours bien rodé et déceler chez les autres les fragilités pour y apporter des réponses simples, souvent mystérieuses et surnaturelles. En gros, dire aux gens ce qu’ils veulent entendre en leur donnant le sentiment d’être unique et élu. Devenir indispensable pour l’adepte et se faire admirer sans modération.
Qui est prédisposé à tomber sous son emprise mentale ?
Des personnes fragiles psychologiquement ; mal dans leur peau ; isolées ; avec un sentiment d’échec parfois ; mais aussi d’autres, insatisfaites, qui ont un besoin énorme d’appartenance et de reconnaissance qu’ils ne trouvent pas dans leur vie professionnelle et sociale.
Quels sont les dangers des réseaux sociaux, des « fake news » et de la réputation numérique ?
La connaissance est complexe et demande des efforts pour l’acquérir. Aussi, beaucoup préfèrent avoir réponse à une question plutôt que matière à réflexion. Les réseaux, c’est l’explication simpliste qui offre une réponse aux individus sans effort de leur part. La remise en cause de tout, notamment de l’Histoire, par l’absence de recul et de recontextualisation est très préoccupante aujourd’hui. Ce qui devrait être un outil de connaissance et d’émancipation est devenu un outil de manipulation qui prospère en flattant les bas instincts et en instituant la bêtise comme norme ; au point que la science est rendue suspecte en la taxant d’élitisme.
« Le Maître des Dupes » est votre premier roman édité par « l’Association de Création Artistique et Littéraire d’Ariège »
Effectivement, je suis touché que Véronique-Isabel Aguilar, la Présidente de l’Acala, me fasse confiance. J’espère que cette collaboration n’est que le début d’une longue histoire entre l’Acala et moi, et que ce ne sera ni une fiction, ni une intrigue policière (rires) !
On connaît les assassins…
Contrairement à ses autres romans policiers, Bernard Cazeaux dévoile le nom et les motivations des assassins très tôt dans le récit. Dans «Le Maître des Dupes», l’enquête est le prétexte d’exposer les mécanismes pervers mis en œuvre par un gourou qui ne recule devant rien pour parvenir à ses fins.