FRANCE SOIR / le mardi 12 mai 2009

Marcel Strasuncki, alias « Igor », ne doit pas son salut à l’Association pour la défense des familles et de l’individu victimes de sectes (ADFI). C’est en effet elle qui a alerté le parquet d’Aix-en-Provence, en septembre 2002, de la manière employée par ce « directeur artistique » pour enseigner « une discipline de tolérance et d’amour » aux membres de sa troupe – une vingtaine de personnes, dont quatre jeunes filles mineures – depuis 1992.

Tous, sous la houlette d’« Igor », se produisaient dans un cabaret, Le Jogging Rose, de Plan de Campagne, situé sur la commune de Cabriès (Bouches-du-Rhône). Des spectacles de music-hall mettant en scène, notamment, des femmes aux cheveux identiquement coupés courts et teints en blond.

Mais au Jogging Rose, le show se poursuivait à l’issue des représentations, à guichets fermés. Selon l’instruction du juge Isabelle Miquel, en effet, les membres de la troupe, « hommes et femmes, dormaient nus, sur des matelas deux places posés à même le sol, tous dans la même salle ».

« La plupart du temps, des films y étaient projetés sur écran géant avec un son très fort. Ils y faisaient l’amour sans intimité ni tabou, les relations sexuelles dépassant la notion de couple et étant à la vue des mineurs », note le magistrat. Le juge, sur la base de témoignages, relève en outre « un fonctionnement de la troupe dirigée par Marcel Strasuncki pouvant être qualifié de sectaire ».

« Il s’agissait d’une vie communautaire, dans le cadre de laquelle l’on s’embrassait sur la bouche, sans vie sociale extérieure. (…) Marcel Strasuncki, ou “Igor”, en était le pilier central. Considéré comme “un roi”, il s’y comportait en gourou, pratiquait des enseignements et exerçait des pressions sur les membres de la troupe, les astreignant à vivre en autarcie. Il se servait de sa position d’autorité pour assouvir ses besoins en matière de sexualité et initier les jeunes filles à la sexualité”, estime encore le juge, qui a décidé de renvoyer « Igor » devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône.

A l’audience, qui s’ouvre aujourd’hui, Marcel Strasuncki, 68 ans, est accusé de viols « commis sur la personne d’un mineur de 15 ans par un ascendant ou personne ayant autorité », d’agressions sexuelles en réunion et de corruption de mineurs, notamment. Igor, astreint à un contrôle judiciaire après avoir purgé quatorze mois de détention provisoire, comparaît libre.

Deux femmes seront présentes à ses côtés, dans le box de la cour d’assises. Elles sont soupçonnées d’avoir facilité les relations sexuelles de leur mentor avec les adolescentes en les entraînant dans son lit. Igor, lui, a jusqu’à présent nié les relations sexuelles avec les jeunes filles.

Il a seulement admis « avoir pu expliquer à l’une ou à l’autre l’importance d’apprendre à connaître son corps pour le jour où elle rencontrerait quelqu’un, et, vivants nus, avoir pu montrer son sexe et la zone érogène qu’il fallait caresser pour donner du plaisir à un homme », selon l’accusation. Verdict attendu vendredi 15 mai.