Un rite bwiti dans un temple à Libreville, où des femmes européennes semblent dormir, sous l’effet des racines d’iboga.
De plus en plus d’Occidentaux sont prêts à payer cher pour « se faire soigner » par des « maîtres » en rites ancestraux. Exemple au Gabon, auprès de Tatayo, qui exerce à Libreville. Mais attention aux dérives sectaires !

A 45 ans, le Français Rémy Caussé est venu au Gabon pour se faire initier à un rite ancestral en Afrique centrale, le bwiti. L’objectif : « voir plus clair » dans sa vie. Et comme de nombreux Occidentaux avant lui, c’est chez « Tatayo », un maître initiateur d’un genre un peu particulier et sujet à controverses, que s’est rendu ce directeur d’une troupe de théâtre de rue, venu de Bordeaux.

« Tatayo », de son nom d’initié, est un personnage incontournable de Libreville. Franco-Gabonais d’origine gasconne, il est arrivé à Libreville il y a plus de 40 ans, avant d’entrer dans le bwiti et devenir à son tour « Nganga » – maître initiateur – en 2005.

Chez lui, dans une concession en bord de mer située tout à côté de la résidence du président gabonais, il initie de nombreux étrangers – occidentaux pour la plupart – au rite bwiti. Il utilise la racine d’iboga, un psychotrope naturel extrêmement puissant utilisé dans ce rituel, supposé aider le futur initié à ouvrir le dialogue avec « le monde des esprits ». Le jour déclinant, dans le « village » de Tatayo, une grande concession dans laquelle vivent une quinzaine de personnes, les feux commencent à s’allumer et la cérémonie d’initiation à s’organiser.

Visions au prix fort

Rémy commence à ingérer l’iboga, concassé et réduit en poudre, que Tatayo lui donne par cuillerées jusqu’à ce que les visions apparaissent dans la rumeur assourdissante des chants et des danses des « accompagnateurs ». Allongé sur une natte, le futur initié semble dormir, son esprit « voyage ». Parfois, il se redresse et vomit tout ce qu’il peut. « L’iboga est un nettoyant intérieur », affirme Tatayo, serein. « Le bandzi (postulant à l’initiation, ndlr) se vide de tout ce qu’il a de mauvais, d’enfoui, avant de se retrouver face à lui-même. » Les visions dureront toute la nuit, et ce n’est qu’au petit matin que Rémy se réveillera. Encore groggy de l’expérience, il n’arrivera pas à marcher avant plusieurs heures. « L’initiation m’a apporté une connaissance qui n’est pas transmise avec des mots, ça a répondu à plusieurs de mes questions », explique-t-il sans plus de détails.

En France, non seulement l’iboga est considéré comme une drogue, mais le bwiti est considéré comme une pratique sectaire et dangereuse « tant sur le plan physique que psychique », selon un rapport de la Mission interministérielle de vigilance contre les dérives sectaires (Miviludes) de 2007.

Tatayo ne fait pas mystère du prix élevé qu’il fait payer à des Occidentaux en manque d’expériences nouvelles : « Un tiers de l’argent sert à rembourser ce que j’ai emprunté pour créer cet endroit, le reste fait vivre beaucoup de gens du bwiti, ceux en forêt et ceux qui vivent ici, et puis les musiciens et les chanteurs qui viennent à chaque cérémonie ». Pour pénétrer les secrets du Bwiti, Rémy a payé 2 800 € son séjour de trois semaines… Un prix que de plus en plus de personnes semblent prêtes à payer, puisque Tatayo reçoit en moyenne 20 à 25 candidats, la plupart européens, chaque année.

http://www.republicain-lorrain.fr/actualite/2014/06/09/au-gabon-le-business-des-rites-ancestraux