Sur le site de la paroisse Sainte-Alix de Bruxelles, l’abbé Philippe Mawet, curé responsable de l’unité pastorale « Stockel aux Champs », publie une intéressante opinion à propos de Waterloo, de Napoléon, de l’Eglise et du concordat. En ce 18 juin, jour de commémoration du bicentenaire de la bataille, nous vous la livrons.

Il est beaucoup question de Waterloo dans l’actualité de ce 200e anniversaire de « la bataille ». Il y est sans doute plus question de Napoléon, le vaincu, que de Wellington, le vainqueur. Il reste que Napoléon a fortement marqué l’Histoire et la mémoire de ces deux derniers siècles et que l’Eglise catholique de Belgique vit encore aujourd’hui sous un régime inspiré par le Concordat datant de Napoléon.

Il faut sans doute ne pas manquer de le souligner mais « les événements de Waterloo » ont eu lieu dans un temps où la Belgique n’existait pas (encore). Nous – les habitants de la Belgique d’aujourd’hui – vivions en terres françaises et l’actualité de l’Hexagone de ce début du 19e siècle était aussi notre actualité. A cette époque, la France sortait à peine de la « Révolution de 1789″ qui fut une étape-charnière de l’Histoire de ce pays. L’Eglise catholique avait été reléguée dans une réelle clandestinité prenant trop souvent les allures d’une persécution ou, à tout le moins, d’une exclusion de la vie publique. Confiscation des biens, soumission des évêques et des clercs au pouvoir civil, liberté de culte fortement réglementée figuraient parmi les mesures révolutionnaires qui sont encore capables de faire rêver certains de nos contemporains! Vint alors Napoléon… et sa façon de restituer à l’Eglise catholique une place, quelques droits et beaucoup de devoirs. En fin stratège et à l’époque où « régnait » à Rome le pape Pie VII, Napoléon proposa un « concordat » (avec étymologiquement le mot « concorde ») signé le 16 juillet 1801 (appelé « le 26 messidor an IX de la Révolution!) et ratifié au Vatican par le pape le 15 août de cette même année. Ce concordat reconnaissait le droit pour l’Eglise d’exister publiquement… mais les avantages accordés étaient, pour Napoléon Bonaparte, une façon d’encore mieux contrôler l’Eglise… non pas « de France » mais de la majorité des Français. Ainsi, parmi les mesures en vigueur et négociées par Napoléon, la subsistance des prêtres (c’est-à-dire un salaire… peu élevé) a été préférée à la restitution des biens d’Eglise. Ceci explique que bon nombre d’églises et de cures (presbytères) datant de cette époque ou de plus loin sont encore aujourd’hui des biens d’Etat. A noter que c’est la raison pour laquelle ces mesures ont permis, aujourd’hui et en Belgique, aux autres religions reconnues ainsi qu’à la laïcité organisée de bénéficier de ce même financement salarial sans devoir le justifier par les « compensations » accordées aux catholiques.

Personnellement, je ne peux que m’en réjouir pour qu’aujourd’hui, la spiritualité ne soit pas reléguée aux oubliettes d’un système hyper sécularisé. Mais revenons à l’Histoire… Vint alors la Belgique en 1830. Vinrent alors « les lois 1905″ qui, en France, ont organisé la séparation (tout autant que le « vivre ensemble ») entre l’Eglise et l’Etat. Reste aujourd’hui ce « régime concordataire » encore en vigueur en Belgique et dans certains départements alsaciens et lorrains de l’Est de la France. Dans la Belgique contemporaine, il n’est pas une législature qui veuille remettre en cause ce système concordataire qui n’est évidemment plus – et heureusement! – l’exacte copie du document signé en 1801 mais on perçoit, à chaque étape, les difficultés à trouver un consensus (ou une majorité) pour le modifier. A travers ces débats et réflexions, c’est toute la place des religions qui est posée. Je crois qu’il est important de maintenir, coûte que coûte, le principe de la liberté religieuse qui implique, pour chacun, le droit de « croire » ou de « ne pas croire », et d’exercer – ou non – un culte public et jamais obligatoire. La limite sera toujours celle de l’ordre public. C’est dans ce sens qu’il est important de donner les moyens permettant d’exercer les libertés légitimement et juridiquement reconnues.

Quels sont les enjeux? Il y a d’abord une vision de la société qui fait que le spirituel et le temporel ne se confondent pas mais se respectent chacun dans leurs rôles et dans leurs missions. Autant les religions ne peuvent pas revendiquer une « autonomie » qui conduirait à la théocratie (ce serait une autre forme de dictature) autant les pouvoirs publics et politiques ne peuvent pas s’ériger en « donneurs de sens et de transcendance » car ce serait la négation de toute liberté de penser et l’affirmation d’une « pensée unique ». Il y va donc du devenir de nos démocraties. Il y a aussi la question du financement. Quand on regarde les chiffres, on mesure le pourcentage peu élevé de la participation des institutions politiques au financement des cultes et de la laïcité organisée. Il n’y a pas de liberté sans moyen d’exercer cette liberté et l’Eglise n’est pas un club où seules fonctionneraient les règles de la privatisation. Cela suppose, bien sûr, une gestion professionnelle et responsable des finances de l’Eglise (et des Eglises). Je crois qu’aujourd’hui, tout le monde en est conscient et nombreuses sont les initiatives et décisions ecclésiales qui vont dans ce sens. Il y eut Napoléon. Il y a le Concordat. Il y a cette façon permanente d’articuler au mieux les relations de l’Eglise et de l’Etat. Pourquoi ce 200e anniversaire de « la bataille de Waterloo » ne nous aiderait-elle pas? Pour bâtir la paix et la concorde des cœurs et des consciences!

source : http://info.catho.be/2015/06/18/a-propos-de-waterloo-de-napoleon-de-leglise-et-du-concordat/?utm_source=wysija&utm_medium=email&utm_campaign=CathoBel

par l’Abbé Philippe Mawet