L’hindouisme s’apprête à déposer une demande de reconnaissance. Un chemin long et tortueux.

Les hindouistes de Belgique peaufinent leur dossier : d’ici quelques semaines, ils demanderont que leur religion soit reconnue officiellement en Belgique. « Cela fait deux ans que nous travaillons sur le dossier pour qu’il soit le plus complet possible. Il est disponible en anglais et en néerlandais. Nous sommes en train de terminer la traduction en français,» explique Mahaprabhu.

Mais quand Martin Gurvich s’exprime, il ne représente pas juste la communauté «Vishnu» de Belgique : il est secrétaire du forum hindou de Belgique, créé en mars 2007. Une douzaine d’associations hindouistes travaillent actuellement ensemble sur la demande d’officialisation de leur religion, une dizaine d’autres pourraient les rejoindre, soit un peu plus de la moitié des 40 variétés de la religion présentes sur notre territoire.

L’importance d’être reconnu

«Il y a en Belgique plus de 20 000 personnes qui se sentent rattachées à l’hindouisme.Une reconnaissance officielle leur permettrait de se sentir au même niveau que les autres Belges. Notre priorité, c’est vraiment d’être reconnus comme une religion qui est positive pour la société belge», explique Martin Gurvich. Il insiste sur l’aspect moral de la reconnaissance, qui prime selon lui sur une simple démarche administrative. «La Belgique est différente de ce qu’elle était il y a 150 ans, dans sa polarisation entre laïcs et chrétiens. Nous, on veut montrer que la Belgique du XXIe siècle est composée de beaucoup de communautés différentes. Cette ouverture peut enlever les tensions passées.»

La reconnaissance entraînerait un subside de l’État, qui n’est pas négligeable pour une communauté qui a toujours vécu sur ses fonds propres. Mais les hindouistes sont aussi intéressés par les implications du côté de l’enseignement. «Il nous faudra des années pour mettre au point un programme, former des professeurs, reconnaît Martin Gurvich. Mais entre-temps, on aimerait que les enfants soient dispensés de suivre les cours de religion, comme en Flandre, à la demande des parents. Nous estimons que la morale laïque est une conviction comme une autre, proche de la laïcité organisée. »

Le chemin de l’hindouisme sera peut-être aussi compliqué que celui du bouddhisme, qui a introduit déjà en 2006 une demande de reconnaissance en Belgique comme philosophie non confessionnelle, encore non aboutie aujourd’hui… Mais le forum hindou de Belgique est motivé.

http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20130128_00260925

Qui sont les hindous belges ?

Selon le secrétaire général du forum hindou, 50 % des hindous en Belgique viennent d’Asie : de l’Inde, l’Afghanistan, le Népal, le Bangladesh ou l’île Maurice. Les 50 % restants sont Belges ou d’origine européenne, soit plus ou moins 10 000 personnes. Pour une ouverture au public belge, le forum hindou organise des manifestations culturelles, comme la fête de Diwali au palais des Beaux-Arts. «Cela se passe en présence d’ambassadeurs et de politique, et cela nous permet de nous faire connaître un peu plus», dit Martin Gurvich. Il ajoute : « Le problème du terme “hindou”, c’est la connotation ethnique, nationale. Les Belges qui pratiquent la spiritualité de l’Inde ne se sentent pas à l’aise avec ce mot.»

Tous ne croient pas en la même chose

L’hindouisme est la 3e religion au monde, la plus ancienne encore pratiquée. Sa spécificité, c’est qu’il n’y a pas un fondateur, un prophète, un texte sacré. L’hindouisme vient d’une tradition de l’Inde, qui accepte la veda et les écrits védiques. C’est un ensemble de traditions avec quelques points communs : certains hindous sont monothéistes (comme ceux du centre radhadesh de Durbuy), mais ce monothéisme est différent, s’il vient du Sud, de l’Est ou de l’Ouest. Il y a des monistes, qui pensent que tout ce qui existe – l’univers, le cosmos, le monde – est tout unique, constitué d’une seule substance et enfin des polythéistes, qui ont différentes divinités : Brahma, Shiva, Vishnu, Durga, Kali, Ganesh… Il y en a jusqu’à 30 millions!

Parmi les points communs, Martin Gurvich relève l’atma, qui est l’âme, l’essence de l’individu. Il y a aussi la réincarnation et le karma, qui veut que toute action ait des répercussions sur la future existence. «On vit plusieurs vies, jusqu’à atteindre le moksha, la perfection spirituelle.» Martin Gurvich ajoute qu’au niveau des principes moraux, le végétarisme est fort suivi, par la plupart des hindouistes.

http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20130128_00260856

{{Comment devenir religion officielle ?}}
Pour être reconnu comme religion en Belgique, il faut répondre à cinq critères : regrouper un grand nombre de fidèles (plusieurs dizaines de milliers), être structuré de façon à avoir un organe représentatif pouvant représenter le culte concerné dans ses rapports avec l’autorité civile; être établi dans le pays depuis une période importante (depuis plusieurs décennies); avoir une utilité sociale; et ne développer aucune activité qui va à l’encontre de l’ordre social.

C’est le parlement qui tranche sur ces cinq critères. Pour le bouddhisme, qui a déposé sa demande d’être reconnue comme philosophie non confessionnelle en 2006, le parlement a dit que les critères étaient remplis, et lui a octroyé un crédit (200 000 €) pour s’organiser en vue de sa reconnaissance, renouvelé annuellement… La reconnaissance en tant que telle pourrait être discutée en 2013, selon Gerolf Falter, responsable du dossier culte au cabinet de la ministre de la Justice.

Combien ça coûte ?

Il y a actuellement six religions officielles en Belgique : catholique, orthodoxe, protestante, anglicane, israélite et islamique.

Depuis la création de la Belgique, l’État (fédéral) paie les serviteurs du culte. Sur le budget 2013 environ 82 millions€ seront alloués aux catholiques, et 7,4 seront répartis entre les protestants, orthodoxes, israélites et anglicans. L’État doit aussi verser 14 millions pour la laïcité, qui n’est pas une religion, mais dépend du même article 181 de la constitution belge. L’islam touche 3,4 millions et le bouddhisme 0,2 million.

Source : L’avenir
28/01/2013
par Anne SANDRONT

http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20130128_00260851