[http://www.sudouest.fr/2010/07/06/burqa-une-loi-contre-quoi-et-qui-133705-755.php->http://www.sudouest.fr/2010/07/06/burqa-une-loi-contre-quoi-et-qui-133705-755.php]

Contestée depuis des mois, la loi va être discutée aujourd’hui par les députés et mélanger religion, laïcité et droit des femmes. Personne ne parle de salafisme.
«L’islam est une religion que les Français connaissent mal et qui fait peur. » Le propos de Jacky Cordonnier, historien des religions, spécialiste des sectes, s’étend surtout aux politiques « qui n’ont aucune culture du monde musulman et qui instrumentalisent l’opinion publique. » Autant dire que l’auteur de l’ouvrage consacré aux dérives religieuses augure mal de la discussion qui s’ouvre aujourd’hui sur la loi interdisant le voile intégral. Il n’est pas le seul. Quelques-uns des intellectuels qui travaillent sur ce sujet expriment chacun leur crainte de ne pas voir traité le vrai problème et la question burqa réduite à une question religieuse, à un avatar de la politique de la laïcité ou dressée pour ne surtout pas améliorer le vivre ensemble.

Ainsi Dounia Bouzar, anthropologue, auteur de « La République ou la Burqa » (1), estime que l’un des pièges tendus par ce sujet s’est refermé sur la classe politique. « On a voulu valider la burqa comme une simple pratique musulmane. Cette façon de poser la débat continue de segmenter la société française. »

{{Stage de citoyenneté}}

Et de citer la possibilité pour le juge d’exiger de la contrevenante qui porterait le voile intégral de suivre un stage de citoyenneté. « Comme si les musulmans français ne partageaient pas la même histoire ni la même culture que les autres Français. » Depuis le début du débat, l’anthropologue défend une position étayée par ses constats et ses études sur le terrain.

« Le voile intégral, résume-t-elle, n’est pas un phénomène religieux, c’est un phénomène sectaire qui émane au plus haut niveau des prédicateurs wahhabites d’Arabie Saoudite. Ils retirent les jeunes gens et les jeunes filles de la société en les faisant vivre dans une bulle coupée du monde. » Dounia Bouzar a insisté auprès de l’autorité politique pour travailler sur ce qui dans les discours des prédicateurs attire ces jeunes, dont un tiers n’est pas issu de l’immigration. « Je reçois des appels de mères toutes différentes dont les enfants sont happés par ce courant sectaire et pour lesquels on ne fait rien. »

{{Projet régressif}}

L’historien Georges Bensoussan, rédacteur en chef de la « Revue d’Histoire de la Shoah », partage les craintes de l’anthropologue. « Je travaille de plus en plus sur l’histoire du Moyen-Orient », confie-t-il en remarquant que « le projet des salafistes est un projet de régression complète. Ils récusent tout ce qui a construit l’Occident et en particulier les Lumières. Ils pratiquent une modernité réactionnaire. Leur projet est totalitaire. Et la plupart des musulmans n’y voient rien de bon. Il n’y a que les adeptes du prêt-à-penser pour leur donner du crédit. » Pour lui, d’ailleurs, « le voile est un simple signe religieux, tandis que la burqa est une atteinte aux droits de la femme, une entrave à la reconnaissance de la personne. » D’ailleurs, Odon Vallet, historien des religions, admet qu’il n’a jamais demandé à un porteur de kippa ou de voile simple, dans un amphi où il faisait cours, « de retirer son couvre-chef. Mais je n’aurais pas admis le voile intégral. »

Il ne faut pas stigmatiser l’islam et faire de ces femmes voilées des martyres, admet-t-il, mais ne rien faire c’est accepter une forme de contrainte imposée aux femmes par les hommes.

Reste que si on est loin de l’affrontement qui entoura l’application de la loi de 1905, Odon Vallet déplore que le domaine de la loi s’élargisse, alors « qu’il y a quarante ans, le gouvernement aurait réglé le problème par décret. Applicable à quelques banlieues ou à quelques quartiers. »