La cacophonie règne à l’Elysée et au sein du gouvernement sur le dossier de la lutte contre les dérives sectaires. Afin d’éteindre la polémique déclenchée par la publication, dans l’hebdomadaire VSD du 20 février, de propos de sa directrice de cabinet, Emmanuelle Mignon, qui estimait – avant de nuancer ses propos – que “les sectes sont un non-problème”, Nicolas Sarkozy a affirmé, jeudi 21 février, qu’il entendait “faire preuve de la plus grande fermeté à leur encontre”. “Les activités sectaires sont inacceptables”, a déclaré le président de la République en marge de son déplacement dans le Pas-de-Calais. “La dérive sectaire doit être combattue”, a assuré le premier ministre, François Fillon, sur France 2, jeudi soir.

Sur la méthode employée pour lutter contre les dérives sectaires, les propos de Mme Mignon ont été contredits par le premier ministre François Fillon, sur France 2, jeudi soir. La directrice de cabinet de M. Sarkozy avait jugé “scandaleuse” la liste des 172 mouvements sectaires établie par les renseignements généraux, reprise par le rapport parlementaire de 1996 sur les sectes et utilisée par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Le premier ministre a déclaré pour sa part qu’il souhaitait voir “actualiser la liste des organisations considérées comme sectaires” et que la France continuera à conduire “la même politique” dans ce domaine.

En 2005, une circulaire signée par le premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait estimé que cette méthodologie ne permettait pas de concilier “la lutte contre les agissements de certains groupes avec le respect des libertés publiques et du principe de laïcité”.

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COMMISSION D’ENQUÊTE}}

C’est pour rompre avec cette approche, désignant a priori des groupes dangereux, que le gouvernement, par la voix de la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, a donné le 4 février une nouvelle inflexion à la politique de lutte contre les dérives sectaires. La poursuite et la répression d’actes pénalement répréhensibles – troubles à l’ordre public, abus de faiblesse… – ainsi que la recherche d’infractions fiscales ou financières sont désormais privilégiées (Le Monde du 6 février).

M. Fillon a assuré que la Miviludes, mise sur la sellette par Mme Mignon, qui souhaitait la voir passer sous la responsabilité du ministère de l’intérieur, resterait “un outil interministériel sous l’autorité du premier ministre”. “Je souhaite que la Miviludes soit renforcée”, a-t-il ajouté.

Interrogé, jeudi, sur le statut de l’Eglise de scientologie, considérée comme une religion dans plusieurs pays européens et aux Etats-Unis, le chef de l’Etat a éludé la question, se heurtant à la difficulté inhérente à ce dossier : la définition de ce qu’est une secte. Dans un entretien au Figaro du 21 février, Mme Mignon avait déclaré : “Ce n’est pas parce qu’un mouvement spirituel n’appartient pas officiellement à une Eglise traditionnelle comme l’Eglise catholique qu’il est nécessairement sectaire.”

La multiplication de ces déclarations contradictoires a provoqué de nombreuses réactions politiques. Le député (UMP) Jacques Myard a demandé la création d’une nouvelle commission d’enquête sur les dangers des sectes, notamment dans les domaines médical et paramédical.

Stéphanie Le Bars

Le Monde 22.02.08

http://www.lemonde.fr/politique/article/2008/02/22/cacophonie-au-sommet-de-l-etat-au-sujet-de-la-lutte-contre-les-derives-sectaires_1014490_823448.html