Alberto Maalouf, médecin de 31 ans, a réuni dans son association jusqu’à 300 sympathisants. DR

Cet urgentiste est jugé ce mardi pour les dérives présumées de son association baptisée Notre-Dame Mère de la Lumière.

Il racontait à ses ouailles que Dieu lui parlait directement. Mais la justice, elle, ne l’entend pas de cette oreille : Alberto Maalouf, créateur de l’association Notre Dame Mère de la Lumière (NDML) sera jugé ce mardi matin au tribunal correctionnel de Caen (Calvados) pour « abus de faiblesse par sujétion psychologique », un délit qui caractérise l’emprise sectaire.

Ce médecin urgentiste de 31 ans aurait placé sous sa coupe psychologique une dizaine de personnes dont l’existence tout entière – et la moitié de leurs revenus – est vouée à l’association. La plupart des membres de l’organisation, toujours active, ne s’estiment d’ailleurs pas victime et ont prévu de venir défendre leur leader au procès…

Soirées «pop louange»

Avec ses maraudes d’aides aux SDF, ses soirées de concerts « pop louange » retransmises sur Internet et son site « Open Bible » dédié à l’étude du Nouveau Testament, NDML revêt les atours d’une pratique catholique moderne, tournée vers les jeunes. De quoi enthousiasmer les autorités religieuses locales qui, dans un premier temps, adoubent Alberto Maalouf.

Mais des dérives théologiques et des témoignages inquiétants apparaissent vite, forçant en 2010 le groupe à quitter l’aumônerie de Caen et à se constituer en association. Charismatique, Maalouf attire autour de lui de jeunes gens en pleine recherche spirituelle, parfois fragiles psychologiquement. Au-delà du noyau dur – « les consacrés » – NDML compterait ainsi jusqu’à 300 sympathisants.

Tuyauteries débouchées à l’eau de Lourdes

Fils d’un ancien soldat libanais devenu prêtre, Alberto Maalouf raconte avoir trouvé Dieu en 2008, lors d’une visite à Medjugorje, le Lourdes bosniaque – pèlerinage marqué par sa guérison miraculeuse. La justice lui reproche ainsi d’avoir, lors de soirées marquées par des expériences mystiques intenses avec transes et convulsions, pratiqué l’exorcisme.

Il organiserait également des « prières de guérison » avec apposition des mains et tiendrait des propos très durs, au-delà du rigorisme. « A son contact, j’en suis même arrivé à douter de la théorie de l’évolution », raconte ainsi un ancien. Un autre, encore dans le groupe, raconte avoir réussi à déboucher la tuyauterie de sa douche en y déversant de l’eau de Lourdes…

« NDML fait partie du mouvement du renouveau charismatique, certes avec des louanges et des choses un peu exaltées, mais on est bien loin de l’emprise sectaire », balaie Me Jean De Mezerac, avocat d’Alberto Maalouf. « On ne retrouve ni sexe ni enrichissement personnel », s’insurge également Me Gervais Marie Doutressoulle, avocat de membres de NDML que la justice, à leur corps défendant, considère comme victimes.

Jeûnes, prières nocturnes et ruptures familiales

Mais le mode de vie des membres « consacrés » a pourtant de quoi inquiéter, estime Me Rodolphe Bosselut, défenseur de deux anciennes adeptes – dont l’une sous curatelle renforcée, et de l’Unadfi, une association de lutte contre les dérives sectaires.

« Sous des dehors fréquentables, on retrouve tous les signes de l’emprise sectaire avec perte d’identité progressive, souligne l’avocat. Les membres prient jusqu’à des heures tardives au point d’être épuisés, jeûnent deux jours par semaine, rompent avec leur famille. Tous ceux qui critiquent le mouvement sont diabolisés… »

Vivant en communauté dans deux maisons différentes – l’une pour les femmes, l’autre pour les hommes – les membres de NDML doivent être « chastes ». Vêtements moulants et jupes au-dessus des genoux sont proscrits pour les femmes et plusieurs couples ont été séparés par Maalouf et son bras droit, une certaine Marthe Q. qui, elle, prétend entendre la Vierge.

Avec du recul, une ancienne membre s’est ainsi comparée à une « grenouille dans une casserole d’eau qui bout ». « Elle ne s’aperçoit pas que l’eau chauffe, résume-t-elle. Quand elle s’en rend compte, c’est trop tard ».

source:

http://www.leparisien.fr/faits-divers/caen-un-medecin-accuse-de-derives-sectaires-21-05-2019-8076348.php

Par Louise Colcombet| 21 mai 2019, 6h02 |2