Le maire de Saguenay, débouté en Cour suprême au sujet de sa prière, s’est livré à un étrange réquisitoire le lendemain: «nous sommes les fils et filles de Marie de l’Incarnation, de Jean de Brébeuf […], nous devons nous tenir debout […], les Chinois respectent encore Mao Zedong». Il tente de ramener sa défaite à un phénomène identitaire, à l’humiliation d’une majorité par une minorité.

Pourtant la Cour suprême est claire: c’est la récitation de SA prière, récitée à SA manière, qu’elle condamne. Elle ne réprouve pas forcément toute prière universelle, exempte de signes ostentatoires. D’ailleurs elle refuse de prohiber sans examen approfondi la prière inaugurale des Communes à Ottawa.

{{Le combat d’un homme}}

Cette saga est le combat d’un homme issu d’une faction minoritaire catholique pratiquante, pas d’une nation au complet. Et cet homme, exalté par sa foi, a torpillé les arguments de ses propres avocats avec des déclarations intempestives. Alors que ses procureurs plaidaient la tradition, présentaient cette prière comme vague et universelle, leur client professait sa ferveur dans le corridor, en arguant que grâce à ce combat, il siégerait à la droite du Père. La Cour suprême cite cette déclaration en preuve à charge.

{{C’est la récitation de SA prière, récitée à SA manière, qu’elle condamne}}

Paradoxalement, son «combat» a éradiqué la prière dans toutes les villes, même celles où personne ne s’en plaignait, parce qu’aucun élu sensé ne se risquera dans pareille croisade. Il a donné aux laïcs intégristes le gros bout du bâton… et glissera à la gauche du Père!

La Cour suprême condamne aussi l’idée de faire sortir les non-croyants durant la prière, car cela les oblige à se révéler publiquement et viole leur droit à la discrétion.

{{La prochaine saga}}

Heureusement, le crucifix reste en place à cause d’un point de droit. Le Tribunal des droits de la personne n’aurait pas dû se prononcer sur les symboles religieux, parce que la Commission des droits de la personne n’avait pas enquêté là-dessus auparavant. La Cour Suprême refuse d’étudier un jugement qui n’aurait pas dû être rendu. Mais c’est partie remise.

Elle laisse cependant entendre que pour rester dans un lieu public, étatique, le symbole religieux doit être chargé d’histoire. Comme quand on admire le plafond de la Sixtine pour la beauté de l’œuvre et non par dévotion… Et encore là, les neuf juges semblent dire qu’il faut évaluer chaque cas. On n’est pas sorti de l’église! À moins que les élus ne fassent le ménage, se documentent, mais cela presse.

Le Mouvement laïque québécois refait ses fonds et promet une nouvelle bataille juridique sur les symboles religieux. Heureusement, pour avoir une plus grande portée, il ne viserait pas Saguenay et son maire dévot, même si le crucifix et le Sacré-Cœur trônent toujours au Conseil. Ouf!

Et un mystère s’ajoute: pourquoi la ville et ses donateurs ont-ils casqué plus de 350 000 $ en frais d’avocats, alors que le Mouvement laïque a pu défendre sa cause plus efficacement avec le tiers de la somme? Les voies de Dieu – et de son maire – sont impénétrables!

source :
par MYRIAM SÉGAL
http://www.journaldemontreal.com/2015/04/21/ainsi-soit-il

http://theme.journaldemontreal.com/assets/bc5e6e4/images/icon/social-media/icon-gp-simple.svgAinsi soit-il!