Selon la DPJ, la justice ontarienne s’est montrée trop conciliante envers cette secte et aurait pu éviter cette nouvelle fugue.

La police ontarienne de Chatham-Kent a confirmé, hier, que 12 des 14 enfants qui devaient être placés en famille d’accueil ont quitté le pays. Les deux autres mineurs sont introuvables.

Un groupe de trois adultes et six enfants a été intercepté mercredi à l’aéroport de Trinité-et-Tobago et il y est détenu. Selon le directeur de la protection de la jeunesse (DPJ) des Laurentides, Denis Baraby, un autre groupe se trouve au Guatemala.

La Presse a appris que la DPJ consulte maintenant le ministère de la Justice du Québec et les autorités policières et l’Agence des services frontaliers du Canada, afin qu’un mandat d’arrêt international soit lancé.

«Ces familles ont quitté le Canada alors qu’une ordonnance leur interdisait de partir. Elles s’exposent donc à l’application de la Convention de La Haye qui a pour objectif de prévenir les enlèvements et de protéger les enfants», a expliqué M. Baraby.

De son côté, la Cour supérieure de l’Ontario a autorisé la police de Chatham-Kent à disposer des services de la police provinciale et fédérale pour retrouver les enfants, selon le Toronto Star.

La veille, la justice ontarienne a retiré la garde des enfants à ces deux familles de la communauté juive ultra-orthodoxe. Ce jugement s’appliquera si les familles reviennent au pays.

Trop conciliant

La DPJ reproche toutefois à la justice ontarienne d’avoir trop tardé à réagir.

La communauté avait déjà fui les services sociaux du Québec une première fois en novembre alors qu’elle devait se présenter devant les tribunaux. La DPJ suspectait des cas de maltraitance et de négligence.

La Cour du Québec avait ordonné le placement de 14 enfants en famille d’accueil. Mais la communauté avait déjà quitté Sainte-Agathe-des-Monts pour s’installer à Chatham-Kent, en Ontario. Il a donc fallu plus de deux mois pour qu’un juge ontarien confirme, le 3 février, la décision des tribunaux québécois (pour 13 des 14 enfants). Le juge accordait toutefois aux parents un délai de 30 jours pour faire appel.

«Ma première réaction, il y a un mois, a été de me dire: “Bon, il vient de leur donner le temps de se pousser”», a déploré M. Baraby.

Depuis quelques jours, l’étau se resserrait autour des familles de cette secte et la DPJ avait même mis en garde ses homologues ontariens contre les risques d’une seconde fugue.

«Je suis un peu fâché, reconnaît M. Baraby. Il y a eu plein d’indices qui auraient pu permettre d’éviter que les gens partent.»

Il y a deux semaines, la Cour supérieure du Québec a refusé aux parents la possibilité de contester en appel l’ordonnance québécoise. Mercredi, la cour ontarienne devait entendre leur appel du jugement du 3 février.

«Ça ne s’annonçait pas très bien pour eux sur le plan judiciaire et le risque qu’ils s’enfuient était accru», ajoute le directeur.

Des membres de la communauté sont toujours à Chatham. La DPJ espère maintenant que les autorités ontariennes prendront des mesures supplémentaires pour protéger les autres enfants et pour s’assurer que les familles ne quittent pas le pays.

«À nos yeux, tous les enfants subissaient les mêmes négligences. On avait eu le temps de saisir la cour du cas de 14 enfants, mais notre intention, c’était de saisir la Cour du Québec pour l’ensemble des enfants», poursuit M. Baraby.

Selon les informations de la DPJ Laurentides, certains préparatifs laissaient croire que l’ensemble des membres de la communauté s’apprêtait à partir. La police de Chatham a affirmé à La Presse qu’aucun indice ne lui permet de croire, pour le moment, à un départ imminent.

Aucun des représentants de Lev Tahor n’a rappelé La Presse.

De quoi vit Lev Tahor

Fuir une province, voire un pays, exige de l’argent. La DPJ Laurentides a tenté de connaître les ressources financières de la secte, mais n’a jamais obtenu de réponses précises. Elle a néanmoins appris qu’elle reçoit du soutien de plusieurs communautés et collecte des fonds à travers son site internet et en faisant du porte-à-porte. Lorsque le groupe vivait au Québec, il avait droit à des allocations familiales de toutes sortes pour les enfants nés dans la province. Avant de s’enfuir en Ontario, la communauté vendait la nourriture qu’elle préparait à des communautés juives de Montréal.

source : ANNABELLE BLAIS
La Presse

http://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-affaires-criminelles/201403/06/01-4745233-la-dpj-souhaite-un-mandat-international-contre-lev-tahor.php