Après avoir reçu plus de 850 signalements de partout au Québec, l’Ordre des psychologues vient de déposer les premières poursuites jamais engagées pour exercice illégal de la psychothérapie.
Cette semaine, un huissier a transmis la nouvelle à un Montréalais et à une coach de Saint-Sauveur. L’Ordre exige qu’ils versent une amende d’environ 2000 $ et qu’ils réorientent immédiatement leur pratique. Le dépôt d’une troisième poursuite est imminent. Et cinq autres devraient suivre en juin.
Depuis que pratiquer la psychothérapie requiert un permis – remis à des conditions très strictes, puisqu’il s’agit d’une activité « à haut risque de préjudice » -, l’Ordre est submergé de dénonciations. Ces deux dernières années, il a même reçu trois ou quatre fois plus de signalements pour exercice illégal que le Collège des médecins en a reçu contre les pseudo-guérisseurs en tout genre (soit 657 contre 190).
« Avec nos poursuites, on concrétise haut et fort qu’il faut prendre la loi au sérieux. », explique Mme Charest.
Les deux premières cibles sont un Montréalais d’origine française, qui pratique l’haptonomie (ou « toucher affectif »), et une femme de Saint-Sauveur, qui se présente comme une coach et gitane. Des enquêteurs seraient allés les voir incognito en se faisant passer pour des clients.
Les poursuites ont été autorisées par des juges de paix en raison de facteurs aggravants, soutient Mme Charest. « On ne les a pas seulement convaincus que ces gens pratiquaient la psychothérapie sans permis, dit-elle, mais aussi que s’ils continuaient, le risque d’augmenter la détresse des gens était assez élevé.
« Quand vous lancez des choses comme : « Ce qui vous arrive est dû à telle chose ou à telle personne. » Ou encore : « Vous dites que vous n’êtes pas suicidaire, mais je pense que vous l’êtes. » On peut amener la personne à poser des gestes radicaux ou même suicidaires en induisant certaines idées. C’est justement pour éviter ça qu’on a adopté la loi. »
Jointes par La Presse, les deux personnes visées ont nié faire de la psychothérapie. « Moi, je fais de l’éducation, affirme le Montréalais François Dufour. Je vais contester. C’est incroyable, cette plainte, alors qu’il y a des psychologues qui m’envoient leurs patients parce qu’ils n’ont aucune formation au niveau du corps. »
À Saint-Sauveur, Dolly Demitro, qui a publié un livre aux Éditions de l’Homme, a déjà plaidé non coupable. « Jamais en 25 ans je n’ai augmenté la détresse d’êtres humains, dit-elle. Je ne fais pas de la thérapie, je fais du développement personnel. » Après notre entrevue, elle a fait retirer de son site web les mots « maison de thérapie » en jurant qu’elle ignorait qu’ils s’y trouvaient.
Plus de signalements que de poursuites
Une poignée de poursuites après quelques années et près de 1000 signalements, c’est très peu. « Mais mieux vaut prendre le temps de bâtir une preuve solide. Il faut assurer la crédibilité du processus », justifie Mme Charest.
L’Ordre considère par ailleurs que quelque 400 dossiers sont « terminés ». Car sitôt interpellés, bien des thérapeutes improvisés ont accepté de rajuster leur pratique.
D’autres respectaient les limites légales. « L’exemple le plus frappant est celui des coachs de vie, rapporte la présidente de l’Ordre. Certains font vraiment du coaching en aidant, par exemple, les gens à se développer dans leur carrière, alors que d’autres vont trop loin, font des interprétations avec l’enfance, etc.
« Mais les cas les plus douteux ne sont pas nécessairement fermés à tout jamais. On s’est mis des rappels », prévient-elle.
En attendant, le flot de signalements ne semble pas se tarir. Et la grande majorité provient du public.
« D’après moi, ce n’est encore que la pointe de l’iceberg, avance Mme Charest. C’est une pratique qui n’avait jamais été encadrée avant. Tout le monde s’est permis n’importe quoi pendant des années. Et plusieurs se croient encore tout permis. »
Record de signalements
847: Nombre de signalements reçus par l’Ordre des psychologues pour exercice illégalde la psychothérapie depuis 2010-2011
402: Nombre de dossiers terminés
702: Nombre de personnes visées par les signalements (certaines ayant été signalées plus d’une fois)
Femmes :65 %
Hommes :29 %
Organisations :9 %
source : lapresse.ca par Marie-Claude MalboeufMARIE
La Presse