Peut-on prévenir la radicalisation et empêcher un individu de basculer dans la violence meurtrière ? C’est en tout cas, la mission que s’est fixée le Capri (Centre d’action et de prévention contre la radicalisation des individus) qui était officiellement présenté aujourd’hui, à Bordeaux dans le cadre d’une journée consacrée à «la montée de la radicalisation».

Ce centre a vu le jour sous l’impulsion de la Fédération musulmane de la Gironde, avec son très médiatique imam, Tarek Oubrou, d’un jeune élu de la mairie de Bordeaux, Marik Fetouh, et de l’avocat antisectes Daniel Picotin, déjà saisi par des familles dont des membres étaient en cours de radicalisation. Réunis sous l’égide de l’Etat par la préfecture dans le cadre du Comité interministériel de prévention de la délinquance, les différents acteurs du projet se sont rassemblés en association à l’automne, pour former le Capri. C’est le premier centre de ce genre à proposer une approche pluridisciplinaire du phénomène de radicalisation, en France. Le Capri compte en effet dans ses rangs des psychiatres et psychologues, des juristes mais aussi des experts et théologie.

Discrimination

Les concepteurs du centre ont défini trois formes de radicalisation auxquelles il convient d’apporter des réponses différentes. La première touche des individus fragiles psychologiquement ou en rupture avec leur famille. «Parfois, dans ces cas-là, une thérapie familiale accompagnée de conseils d’un psychologue suffit», souligne Marik Fetouh, porte-parole du Capri.

D’autres individus se radicalisent alors qu’ils sont sous l’emprise mentale d’un prêcheur, par exemple. Avec ceux-là, les arguments rationnels ne marchent pas. Il faut réactiver les liens affectifs qui font parfois défaut. Enfin, la radicalisation concerne souvent des personnes qui sont dans une logique de discrimination et qui se sentent mises à l’écart de la société, comme les jeunes exclus du marché de l’emploi. Auprès de ces personnes, «une intervention théologique peut être une approche intéressante, indique Marik Fetouh. On peut leur proposer une autre vision de l’islam et réexpliquer certaines notions coraniques comme le jihad qui est l’effort du croyant pour s’améliorer.» Car, comme le souligne Tareq Oubrou, le recteur de la mosquée de Bordeaux, «les gens accèdent au texte de manière sauvage. Il devient un prétexte, un alibi, un appât pour des gourous».

Un centre très discret

L’autre mission du Capri et de repérer les facteurs de radicalisation en diffusant notamment sur internet un contre-discours qui démonte les argumentaires radicaux mais aussi en formant les travailleurs sociaux ou les psychologues qui travaillent en lien avec ces jeunes à repérer des signes de radicalisation. Pierre N’Gahane, le Préfet, secrétaire général du Comité interministériel de Prévention de la Délinquance, salue ainsi la création du Capri : «L’originalité de cette initiative à Bordeaux, c’est la constitution de cette plateforme qui réunit toutes les dimensions de la lutte contre la radicalisation. Si ça marche, ce dispositif sera à dupliquer sur le reste du territoire.»

Sur son fonctionnement précis et son dispositif, le Capri reste pourtant assez discret. Une dizaine de personnes sont ou ont déjà été suivies depuis l’automne, la plupart du temps orientées vers le Capri par la préfecture. Mais on ne connaît pas le détail de ces cas. On sait également que le centre emploie quatre personnes salariées dont une coordinatrice juriste, une psychologue clinicienne et une autre spécialisée dans l’emprise mentale, ainsi qu’une stagiaire. Mais pas question de révéler où ces personnes travaillent. L’adresse des locaux mis à disposition par la Communauté Urbaine ne doit pas être divulguée. Et les membres de l’association comme Daniel Picotin ne veulent pas dévoiler en détail les méthodes qu’ils emploient. Tout juste sait-on que l’action se concentre sur les familles car ce sont elles qui la plupart du temps saisissent les associations comme le CAPRI lorsqu’elles remarquent des changements chez un proche.

Note : Pour saisir le CAPRI, une fiche de signalement est à remplir sur le site radicalisation.fr. On peut aussi envoyer un mail : contact@radicalisation.fr ou téléphoner 09 83 59 17 11

source : liberation.fr
Par Stéphanie Lacaze, Bordeaux, correspondance — 9 janvier 2016 à 17:31
FEDOUACH. AFP