La popularité grandissante de ce mouvement a fini par inquiéter les autorités chinoises. À la fin des années 90, une vaste opération de discrédit du mouvement a donc été lancée. En 1999, 1,55 million de livres sur le Falun Gong ont été confisqués par les autorités chinoises. Un bureau, dont le gouvernement chinois n’a jamais reconnu l’existence, aurait été créé pour superviser la répression de ses membres. En France, la Miviludes, l’organe officiel de surveillance des dérives sectaires, ne considère pas le Falun Gong comme une secte.
Le Falun Gong dénonce les arrestations arbitraires et les tortures subies par ses membres. Dans un rapport publié en 2002, Human Right Watch a demandé à la Chine de libérer toutes les personnes emprisonnées pour avoir pratiqué le Falun Gong. Il n’existe toutefois pas de chiffre officiel concernant le nombre de personnes emprisonnées en Chine pour leur lien avec ce mouvement.
“La propagande a commencé quand l’État s’est inquiété que nous nous transformions en force politique”
Alain Tong est président de l’association Falun Dafa qui enseigne la méthode du Falun Gong à Paris. Il a vécu jusqu’à ses quinze ans en Chine.
“Sans le dire clairement, cette campagne a une cible : les Falun Gong. Ces messages diffamatoires ne sont pas nouveaux. Ils existent depuis le début de la persécution de notre mouvement à la fin des années 90. Mais ils sont plus ou moins présents en fonction des régions, des villes et de l’agenda des autorités.
Le Falun Gong est une méthode de Qi Qong qui utilise des gestes lents et des techniques de méditation. C’est un peu comme le yoga ou le Tai chi. À la base, cette méthode se transmettait de maître à élève uniquement. Mais au début des années 90, le maître Li Hongzhi a décidé de rendre cette technique d’exercice publique. Parce qu’il est efficace et très bon pour le corps, le Falun Gong a bénéficié d’un important bouche-à-oreille. À cette époque, il a même été promu par le Parti communiste. Le ministère des Sports avait à l’époque invité à plusieurs reprises Li Hongzhi pour des conférences.
“On a été accusés d’être des fous, de pousser nos pratiquants au suicide”
Suite à une enquête des autorités faite en 1998, le régime chinois a réalisé que la Chine comptait 80 millions de pratiquants du falun gong [70 millions selon certains médias ]. Les commentateurs de l’époque, notamment en Occident, ont fait remarquer que ce chiffre dépassait le nombre de militants du Parti communiste qui était évalué à 60 millions. C’est à ce moment là que les persécutions et les campagnes de diffamation ont commencé. [En octobre 1999, le Congrès National du Peuple a voté une loi rétroactive ayant pour but de supprimer des milliers “de religions hétérodoxes”, légitimant la persécution de groupes spirituels jugés “dangereux pour l’État” dont les Falun Gong]. Des tas d’histoires absurdes sont sorties. On a été accusés d’être des fous, de pousser nos pratiquants au suicide. Alors qu’aucun incident n’avait été rapporté avant 1998. Plusieurs organisations parlent de plus de 3 000 morts et disparus depuis 1996.
L’État s’inquiétait que nous nous transformions en force politique, mais nous n’avons jamais cherché à faire de politique. [Toutefois selon le chercheur David Palmer, le Falun Gong est devenu après la persécution “un mouvement de résistance clandestin qui continue sans relâche à lutter contre le pouvoir, sous l’œil des médias internationaux.” ]
Sur les affiches que vous publiez, on voit à plusieurs reprises le mot “superstition”, c’est le mot le plus souvent employé par les autorités pour nous discréditer. Depuis 98, les autorités n’ont de cesse d’appeler à la dénonciation des gens qui pratiquent le Falun Gong. Et certains ont tellement baigné dans la propagande qu’ils le font. Il arrive aussi qu’ils touchent de l’argent. Et le régime interdit ensuite aux avocats de défendre les adeptes du Falun Gong
L’ancien président avait dit qu’il éradiquerait le Falun Gong en trois mois. Mais ça fait maintenant plus de 10 ans et nous avons toujours des adeptes.
Quand nous nous sommes installés en France, les autorités ont cherché à savoir qui nous étions. Les renseignements généraux se sont intéressés à nous, mais ils n’ont jamais rien eu à signaler. Ça paraît fou, mais nous sommes persécutés uniquement parce que l’on cherche à pratiquer une méthode d’exercice et de méditation. ”
“Ma voisine était une adepte du Falun Gong. Elle a perdu son travail et disparu pendant des mois”
Sui (pseudonyme) vit en Chine. Il a accepté de nous parler de la question du Falun Gong en Chine, malgré les risques.
“Ici, les Falun Gong sont considérés comme des personnes suicidaires, qui maltraitent et arnaquent les autres. Les gens les détestent. Je pense que le Parti communiste y est pour beaucoup dans cette réputation.
J’ai une voisine chez qui j’allais souvent dîner quand j’étais plus jeune. Elle me parlait parfois du fait qu’elle était adepte du Falun Gong. C’était une femme adorable. Tout le monde l’aimait, donc je ne crois pas qu’elle ait été dénoncée, mais le fait est qu’elle a perdu son travail et qu’elle a disparu pendant plusieurs mois. Les gens disaient qu’elle avait été “rééduquée”. Je me souviens aussi que deux hommes sont venus fouiller sa maison. Maintenant, elle est revenue, mais elle fait toujours des allers-retours en prison.
Au début, les Falun Gong ne s’opposaient pas au parti communiste, mais maintenant ils ont des ambitions plus politiques. Ils ont clairement écrit sur des billets de banque qu’ils veulent renverser le parti.
Aujourd’hui le mot Falun Gong est complètement tabou en Chine. Si vous faites une recherche sur Internet, vous trouverez seulement quelques articles officiels. Et sur la messagerie MSN, le mot n’apparaît tout simplement pas. C’est eux qui ont créé le logiciel Freegate qui permet d’accéder aux sites bloqués par la censure chinoise. Et d’ailleurs pour ça, je les remercie.Le mouvement est très minoritaire en Chine, les gens pratiquent le Falun Gong secrètement, mais je pense qu’ils devraient avoir le droit à la liberté d’expression et celui de pratiquer leur culte. Je suis chrétien, donc je ne peux pas être un adepte du Falun Gong, mais je compatis.”

Source: Billet écrit avec la collaboration de Ségolène Malterre, journaliste à France 24.
http://observers.france24.com/fr/content/20110519-culte-diabolique-menace-chine-falun-gong-qi-qong-politique-religion-opposition