Avec Zurich, Genève est la ville suisse qui compte le plus grand nombre de communautés religieuses et de lieux de culte (environ 400 recensés). A l’occasion de ses 10 ans, le Centre intercantonal d’information sur les croyances (CIC) a souhaité faire connaître au public cette diversité de communautés, plus précisément celles établies dans son quartier des Eaux-Vives. Aménagés dans des appartements, des ateliers ou des caves, ces lieux de culte se soustraient souvent aux regards. Visites choisies.

1. Le Centre Atisha, ou un bouddhisme à l’occidental

Première halte, au fond d’une cour de la route de Frontenex. Le Centre bouddhiste Atisha, Nouvelle Tradition Kadampa de son nom complet, s’est installé en 2001 à Genève, dans un ancien atelier de ferblantier-couvreur. On pénètre pieds nus dans la salle et on contemple un peu étonné les pots de confiture et paquets de biscuits qui parsèment l’autel (des offrandes apprend-on plus tard). Ce mouvement propose une adaptation du bouddhisme aux sociétés occidentales. «La présentation de l’enseignement diffère, explique Timothy Leighton, responsable des lieux. Par exemple, certains aspects culturels – les trompettes ou les dessins à la craie dans la rue avant une rencontre – sont supprimés pour ne garder que le sens premier des instructions.»

Le centre accueille chaque semaine une vingtaine d’adhérents – pour des méditations guidées et enseignements – de l’étudiant au retraité. Les Asiatiques sont-ils aussi séduits par cette forme de bouddhisme? «C’est vrai qu’en général, ils vont plutôt chercher à se rapprocher de leur culture et, voyant que ces aspects sont justement moins présents, ils peuvent se tourner vers un autre centre.» Particularité du mouvement: le moine tibétain fondateur de la communauté, installé en Angleterre, a choisi une femme pour lui succéder. «C’est une petite révolution qui témoigne du côté moderne du mouvement!» Enfin, des festivals réunissant les membres sont organisés plusieurs fois par an dans le monde.

2. Les évangélistes brésiliens baptisent dans le lac

Cet autel-ci n’est pas couvert d’offrandes, les murs de cette salle sont nus et dénués de tout symbole. Mais à gauche de l’autel, une batterie et plusieurs instruments laissent penser que la sobriété du décor ne rime pas avec austérité. «La musique, surtout le gospel, tient une place très importante pendant nos cultes», confirme la pasteure de l’Eglise évangélique brésilienne. Ester Pacheco a fondé cette Eglise en 2007, au rez-de-chaussée d’un immeuble de la rue Ferdinand-Hodler. Aujourd’hui, sa communauté regroupe une centaine de fidèles, pour la plupart de nationalité brésilienne et des migrants.

Ce courant se caractérise notamment par ses pratiques de guérison par imposition des mains et l’utilisation d’huiles consacrées, dont une de couleur rouge sang pour bénir ou remercier les membres de leurs offrandes. La pasteure insiste sur le rôle social de son Eglise, en pointant du doigt le panier placé à l’entrée. «Les gens y déposent de la nourriture non périssable ou des habits. Nous les relayons ensuite à nos frères et sœurs qui sont dans le besoin.»

Autre particularité: cette Eglise de migrants pratique le baptême en immersion, dans le lac Léman. «Cette année, j’ai organisé deux baptêmes à Hermance, rapporte Ester Pacheco. Nous les effectuons dès l’âge de 12 ans, afin que les pratiquants puissent être maîtres de leur choix.»

3. L’Ordre des Templiers et ses chapitres de réflexion

Même rue mais tout autre décor. Chez l’Ordre des Templiers, les symboles sont omniprésents. Ce groupe, installé à Genève en 1954, s’inspire de l’ordre fondé au début du XIIe siècle par des chevaliers devenus moines et perpétue les principes de la chevalerie, tels que l’honneur et la sagesse. Il réunit aujourd’hui une cinquantaine de «frères et de sœurs» dans la Cité de Calvin, malgré une réputation entachée par le drame du Temple solaire. Les membres de la secte portaient, comme les Templiers, une cape blanche avec une croix pattée. «Nous n’avons rien à voir avec eux, précise d’emblée le grand prieur de Suisse, qui chapeaute le mouvement et tient à rester anonyme dans les médias. Nous sommes adogmatiques et apolitiques.»

Les Templiers se réunissent une fois par mois lors de chapitres, pour discuter d’un thème fixé à l’avance, qui peut être religieux, philosophique ou simplement en lien avec l’actualité. «Un membre présente une sorte d’exposé puis s’ensuivent des questions et un débat, il n’y a pas d’enseignement à proprement parler.» Ces séances de réflexion sont toutefois ritualisées puisqu’une procession marque les entrées et sorties, et que les membres portent tous une cape blanche avec une croix rouge sur l’épaule, un médaillon, des gants blancs et un sautoir dont la couleur indique le niveau initiatique.

Quant à la salle, elle est décorée d’un drapeau, d’un tapis sacré (un damier noir et blanc orné d’une croix rouge), d’un chandelier à neuf branches «parce que ce chiffre a toujours eu de l’importance dans l’histoire du groupe, qui a notamment été fondé par neuf chevaliers». A relever encore qu’on n’entre pas dans l’ordre comme dans un moulin. «Le candidat envoie une demande, passe au moins trois fois devant la commission de candidature puis réalise un travail écrit sur la question: «Etre Templier au XXIe siècle?»

4. La Science chrétienne et la guérison par le prière

Changement de rue et changement d’ambiance: fini la mise en scène et les capes, place à des étagères et des livres. Située à l’avenue de Frontenex, cette salle de lecture particulière appartient à la Science chrétienne, mouvement fondé en 1879 aux Etats-Unis dans le but de rétablir le christianisme primitif. Les premiers scientistes sont arrivés à Genève en 1920 et leur église est installée au boulevard des Philosophes. «Chaque fois qu’il y a une église, il doit y avoir une salle de lecture à proximité, explique la responsable des lieux. On dénombre 1200 salles de ce genre dans le monde.» Les scientistes y étudient les Ecritures puis se retrouvent lors de services organisés deux fois par semaine à l’église.

La Science chrétienne base sa doctrine sur deux livres: la Bible et l’ouvrage de la fondatrice du mouvement, Mary Baker Eddy, qui met en avant les lois spirituelles qui ont permis à Jésus de guérir les malades. C’est d’ailleurs l’une des particularités du groupe: la guérison par la prière et la lecture des Ecritures. «En général, les scientistes utilisent l’approche unique de la prière comme moyen de traitement, précise la responsable. Nous privilégions la prière aux médicaments car tout est possible à Dieu.»

Il n’y a pas que la responsable des lieux qui aime la discrétion: le mouvement a pour principe de ne pas communiquer le nombre de ses adhérents. Tout au plus obtiendra-t-on que les membres sont en grande majorité des retraités, souvent bilingues car issus des multinationales.

source : Tribune de Genève

Religions – Portes ouvertes

Par Aurélie Toninato le 25.09.2012 à 16:31

http://journal.tdg.ch/cultes-discrets-2012-09-25