L’atrocité des décapitations et la crainte d’attentats ont rapproché l’horreur syrienne de la France. Des familles françaises la vivent, elles, depuis des mois au quotidien, dans leur chair. Un de leurs enfants, parfois mineur, est parti à leur insu combattre en Syrie ou n’a de cesse de rejoindre le théâtre des opérations djihadistes.

Pas une semaine sans que les projets belliqueux de l’un de ces jeunes soient découverts. L’affaire reste à éclaircir maisAssia, 15 ans, retrouvée ce week-end à Marseille après quatre jours de fugue, avait bien l’intention de rallier la Syrie, selon le procureur qui décrit «une adolescente extrêmement déterminée mais également extrêmement paumée». Auparavant, des jeunes Français avaient voulu quitter Tarbes, Quimper ou la région parisienne pour filer en Turquie puis franchir la frontière… Plongeant le plus souvent leur famille dans le plus profond désarroi. Bouleversant des années d’éducation, d’école et de mode de vie occidental.

Aucun milieu social, ni culturel n’est épargné. Dounia Bouzar, qui dirige le Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’islam, le répète: elle rencontre beaucoup de familles de cadres moyens ou supérieurs, des jeunes ayant grandi dans la religion musulmane comme des «convertis, des adolescents sans fragilité psychologique notable, parfois très bien dans leur peau, souvent en quête d’idéal».

«Ils lui ont lavé le cerveau»

À de rares exceptions, les familles n’ont d’abord «rien vu venir». La métamorphose est ensuite souvent spectaculaire. La radicalisation rapide. C’est sur Internet que les premiers contacts se nouent et non par la fréquentation d’un lieu de prière ou d’amis adhérant à la même «cause». La «conversion» à l’islam intervient dans la foulée. Le jeune change du tout au tout. Les garçons se font pousser la barbe. Les filles arrêtent de se maquiller, se drapent dans des vêtements amples et se couvrent la tête. Plus question de fréquenter leurs camarades, de sortir, de partager la vie familiale. La volonté de mener une existence conforme aux préceptes répandus sur Internet par des «prédicateurs» et «émirs» prend le pas sur tout. Au point, raconte une mère, que sa fille a arraché des murs de l’appartement tous les tableaux et photos qu’elle jugeait «contraires à la loi de l’islam».

Beaucoup de parents parlent d’«endoctrinement». «Ils lui ont lavé le cerveau», «ils lui ont retourné le cerveau» sont des expressions qui reviennent souvent parmi les proches, convaincus que leur enfant n’a pu ainsi leur échapper que parce qu’il est «sous l’emprise d’une secte». Ce qui ne les empêche pas de se poser mille questions sur leur éventuelle responsabilité dans les dérives de leur fils ou de leur fille.

Mercredi dernier, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, a estimé que la mise en place de «programmes de désendoctrinement» était devenue indispensable. À l’instar de ce qui se pratique au Royaume-Uni même si «c’est moins dans notre culture». Pays-Bas et Danemark dispensent aussi des stages de «déradicalisation».

source : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/10/06/01016-20141006ARTFIG00366-ces-familles-francaises-sous-l-emprise-de-daech.php

Par Marie-Amélie Lombard

La rédaction vous conseille :

L’épineuse gestion du retour des djihadistes en France
L’ado fugueuse comptait bien faire le djihad en Syrie
Djihadisme: Beauvau resserre les filets
Près de 400 djihadistes potentiels signalés depuis fin avril
La réalité chiffrée des djihadistes français
En Syrie, un djihadiste occidental sur trois serait français
Lutte contre le djihad: «Il faut former ceux qui côtoient les jeunes»