Par Timothée Bongrain, publié le 03/02/2010
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{{La société haïtienne est multiconfessionnelle et marquée par les rites vaudous. Après le tremblement de terre, on peut craindre une récupération religieuse de la catastrophe comme l’explique le sociologue Laënnec Hurbon.}}
Avec ce séisme, Haïti est-elle devenue avec ce séisme un terrain de chasse pour les prosélytes?
Les gens là-bas sont démunis et ont tout perdu. La religion peut avoir des effets positifs: les rescapés peuvent y trouver une nouvelle famille, trouver de l’espoir et du réconfort. Mais le danger de récupération de la part de certaines religions est aussi très présent. Sans compter qu’au traumatisme du séisme, il faut ajouter l’analphabétisation de la population haïtienne. Du pain béni pour tous les groupes religieux qui veulent profiter de l’effondrement de l’Etat haïtien.
Pour les survivants, il serait facile de tomber dans le fanatisme et de se raccrocher à une explication catastrophiste de l’événement. D’autant que le traumatisme psychologique sera terrible. Je pense notamment à cette expérience sordide: avoir vécu à côté de cadavres pendant plusieurs jours. Le tremblement de terre du 12 janvier dernier apporte, en quelque sorte, de l’eau au moulin de tous ceux qui prédisent la fin du monde et les punitions divines.
{{Quels mouvements pourraient y trouver un « terrain favorable » pour se développer?}}
Les Scientologues [John Travolta a fait le déplacement le mardi 26 janvier, ndlr] ou les Témoins de Jéhovah sont déjà arrivés. Ils proposent cette lecture catastrophiste des événements et veulent profiter de l’occasion pour s’implanter en Haïti.
D’autres religions, déjà présentes en Haïti, peuvent se démarquer. Les protestants sont nombreux et font des émules ces dernières années. Qu’ils soient Adventistes, Charismatiques, ou, plus encore, Baptistes, tous les courants recrutent des adeptes ces dernières années et espèrent grossir leurs effectifs après cette catastrophe.
Leur succès vient du culte assez proche et compatible avec les rites vaudous, surtout en ce qui concerne la possession et les transes.
{{Justement, qu’en est-il du vaudou?}}
Le vaudou est une croyance en des divinités forces de la nature qui inclut le culte de la possession. Le culte s’exprime par des danses et des chants. Le vaudou est arrivé dans l’île avec les esclaves africains et, pour échapper à la persécution, a intégré des signifiants catholiques imposés par les colons.
Pour les Haïtiens, le vaudou est ce qui raccroche à l’Afrique et à la mémoire de l’esclavage. D’abord toléré par l’Eglise, le vaudou fut ensuite interdit par le Code noir. L’Eglise voulait être le lieu unique de la foi.
{{Quel était la religion dominante avant le séisme?}}
La religion dominante reste le catholicisme même si elle pâtit de son image colonialiste. Jusqu’à aujourd’hui, l’Eglise catholique structure la vie sociale et a longtemps été le symbole de la civilisation. De plus, le Vatican a été l’un des premiers Etats à reconnaître l’indépendance d’Haïti et a accompagné le pays dans son évolution.
Mais l’Eglise a été très durement touchée par le tremblement de terre. Elle a perdu des hommes et de nombreux bâtiments comme la cathédrale de Port-au-Prince. Et elle connaît une concurrence grandissante des mouvements religieux protestants.
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{Laënnec Hurbon est spécialiste des rapports entre religion, culture et politique dans la Caraïbe et auteur de plusieurs ouvrages sur le vaudou haïtien. Sociologue et directeur de recherche au CNRS, il enseigne aussi bien en France, à l’EHESS, qu’en Haïti, à l’université Quisqueya à Port-au-Prince.}