En l’absence de toute visite officielle ou privée, le cimetière juif subit un traitement particulier. Réduit en un champ de ruines, les ordures ménagères y sont entassées et incinérées à l’entrée. Pour tous les citoyens interrogés sur le sujet, l’infâme comportement est dû à l’absence de l’autorité publique et à l’impunité. Le voisinage des cimetières des trois religions monothéistes est sans doute une des particularités de la commune de Blida. Unies dans le même espace ombragé pour le repos éternel, ces dernières demeures, privées de toute protection, sont profanées avec une sauvagerie rarement égalée.

Pourquoi ? C’est l’interrogation sans réponse qui revient sans cesse chez nos interlocuteurs, choqués pas les injures infligées aux morts, musulmans, juifs et chrétiens. Ces sacrilèges ne semblent nullement préoccuper les dépositaires de l’autorité publique. «De passage devant ces lieux, nous baissons la tête, impuissants, pour éviter le triste spectacle. Le rôle des citoyens n’est pas de se substituer à l’autorité de l’Etat. La responsabilité citoyenne en est un complément. Or l’Etat est démissionnaire ou, plus grave, est complice.» C’est le verdict d’un magistrat qui se dit «terriblement attristé par la gravité de cette situation qui discrédite tous les Algériens».

Au cimetière de Sidi Hallou, la conception traditionnelle des sépultures musulmanes ne serait pas du goût des sectes orientales avec leurs adeptes salafiste et wahabite. Aussi, les stèles finement ciselées sur le marbre sont brisées. Les tombes sont souillées. Seraient-ce les symptômes d’une guerre de religions ? Pas du tout selon un avocat du cru. Il s’agit, dit-il, d’une criminalité gratuite qui agit ouvertement, encouragée par la mise entre parenthèses du code pénal sur ce crime.

Des morts sans défense

Il n’y a sans doute pas de mots pour qualifier l’acharnement dévastateur contre le cimetière israélite. Livrée au pillage, cette page de la mémoire de la ville est à la merci de mains criminelles qui hantent les lieux en toute impunité pour se livrer au saccage de plus de cinq siècles de générations. Les premières populations juives, fuyant la Reconquista espagnole s’étaient installées ici dès les débuts du XVIe siècle sous la protection de Sid Ahmed el Kebir. L’entrée, devenue un dépotoir, est inondée d’ordures ménagères incinérées sur place. Pour voir les dégâts, il suffit de regarder par les trous béants percés dans les murs. C’est le choc.

Pas un seul caveau n’a échappé au vandalisme. Les plaques des noms sont arrachées, les tombes vidées et les restes éparpillés. Le cimetière chrétien, malgré la ceinture de barbelés, n’échappe pas aux visites nocturnes. Les marchands des quatre saisons qui occupent le parking de l’entrée ont forcé le portail et se faufilent dans l’enceinte utilisée comme un terrain vague, en toute impunité.

source EL WATAN.com vendredi 26 juillet 2013