En France, chaque année, 225.000 femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint. Témoignages.

Larmes silencieuses | Marco via Flickr License by
Larmes silencieuses | Marco via Flickr License by

C’est une femme qui a passé tellement de temps à se taire, et qui un jour, a eu besoin que ça sorte. Son histoire, c’est celle de milliers de femmes qui se sont retrouvées enfermées dans une relation toxique avec quelqu’un qui exerçait une emprise sur elles, au point de faire de leur vie un enfer absolu. Dans certains de ces cas, le diagnostic est posé: pervers narcissique.

Assez récemment, l’emploi de ces deux mots est devenu bien plus fréquent qu’avant. Comme si le voile avait été levé, ces profils dangereux ont semblé intéresser les artistes, que ce soit au cinéma (Mon roi de Maïwenn) ou dans la littérature (L’amour et les forêts d’Éric Reinhardt). Les magazines s’emparent du sujet et de nombreux tests et quiz fleurissent sur internet. Pourtant, loin de cette médiatisation, il y a des victimes qui souffrent en silence sans que personne ne vienne coller une étiquette sur leur mal quotidien, pas plus que sur le comportement psychologiquement violent de la personne qui partage leur vie.Les hommes aussi

Très majoritairement, les conjoints abusifs sont des hommes. Les chiffres des violences conjugales comme des homicides conjugaux vont dans ce sens. Mais parfois, c’est la femme qui violente. Au hasard de mes rencontres, j’ai pu échanger avec Christophe, 30 ans, homme et victime. Sa première vraie longue histoire d’amour a été un calvaire pendant trois ans.

«Quand j’ai rencontré Nina, j’avais 17 ans. Je sortais d’une relation d’un an avec une fille jalouse. Nina, qui avait un an de moins que moi, disait qu’elle ne l’était pas du tout. Pendant un an, ça s’est plutôt bien passé, mais nous avions une relation très fusionnelle. Je ne sais pas si je peux définir un moment de glissement, mais quand j’ai quitté le lycée après le bac, j’ai arrêté de voir mes amis du lycée parce qu’elle ne voulait pas que je sorte avec eux, au profit de ses propres amis. Au cours des années qui ont suivi, à chaque fois que je pouvais gagner un peu d’indépendance, il y a eu des crises en tous genres: menaces de suicide, attaques physiques sur ma personne…

Un jour, chez elle, elle a fait un mouvement vers moi tellement violent qu’elle a cassé une porte en verre. Je garde une cicatrice sur la main parce qu’elle a ensuite essayé de m’attaquer avec l’un des morceaux de verre. Dans le cadre de mes études, j’ai eu l’opportunité de faire un stage dans un autre département. Je devais y rester deux mois, je n’ai pu y passer que quinze jours: j’ai dû rentrer plus tôt de peur qu’elle ne mette à exécution ses menaces contre elle-même. Sur trois ans, je crois que j’ai demandé de l’aide une fois ou deux seulement. C’est compliqué parce que tu es à la fois amoureux de la personne tout en ayant peur pour elle et pour toi. Ces aides étaient inutiles puisque je crois qu’on ne peut partir que si on trouve la force en soi-même.

«J’ai créé un compte Twitter anonyme comme soupape et moyen de converser avec des gens de l’extérieur, ce que je ne pouvais plus faire dans la vie»

Pendant des années, j’ai entendu quotidiennement que j’étais inutile, moche, gros, bête. Ça s’est en fait empiré d’année en année: le ratio de bons et de mauvais moments s’est déséquilibré et a basculé uniquement dans le négatif. Avec l’excuse de préparer ses concours, elle m’a demandé de ne plus utiliser mes comptes sur les réseaux sociaux. Mais deux mois après, j’ai créé un compte Twitter anonyme comme soupape et moyen de converser avec des gens de l’extérieur, ce que je ne pouvais plus faire dans la vie. Elle l’a découvert et est entrée dans une rage folle, m’a attaqué avec une paire de ciseaux et a saccagé l’appartement où j’habitais. Elle est partie avec mon portable et les clés de l’appartement. J’y suis resté enfermé trois jours.

En fait, j’avais décidé au fond de moi que je la quitterai quand elle aurait eu son diplôme. J’ai tenu un an de plus, et puis nous avons fini par nous séparer à la rentrée qui a suivi ses derniers examens. Après les derniers SMS, nous ne nous sommes jamais revus. La première fois que je l’ai aperçue, quelques mois après, j’ai fait une crise de panique et je suis rentré chez moi. J’ai cru la voir plusieurs fois, j’ai toujours eu peur, mais je pense que c’était juste des filles qui lui ressemblaient. Maintenant, cinq ans plus tard, ça va mieux. Je peux enfin me balader dans son quartier sans avoir peur.»

Détruire la confiance en soi

Dans La théorie des origines (1992), le psychiatre et psychanalyste Paul-Claude Racamier définit la perversion narcissique comme un mécanisme de défense qui consiste en une survalorisation de soi-même aux dépens d’autrui. En 2012, les chapitres traitant du sujet sont réédités à titre posthume sous le titre Les perversions narcissiques.

«Je croyais avoir rencontré l’homme de ma vie, tout semblait évident et parfait»

Mais j’en reviens à cette femme, qui a eu besoin et envie de se raconter. Son histoire constitue hélas un cas d’école. Des années de violences psychologiques et physiques, dont la victime, qui se débat encore avec les conséquences de sa relation toxique, veut témoigner.

«J’ai 31 ans, je suis la maman de Jeanne (7 ans) et Élise (5 ans), que j’ai eues avec mon ex-conjoint. G. aura bientôt 40 ans. Il était déjà père d’un garçon d’aujourd’hui 13 ans, et divorcé une première fois. Je ne travaille pas, je ne suis pas en état, mais j’ai un diplôme de journaliste. J’ai rencontré mon ex-mari dans le cadre de mon travail, à l’été 2009. Il m’a repérée quand je faisais la “tournée” du soir pour les faits divers (nous allions voir les gendarmes et les pompiers), et probablement suite aux remarques de ses collègues que j’avais suivis peu avant pour un reportage en immersion de vingt-quatre heures.

Il m’a draguée via Facebook et MSN, puis classiquement au restaurant et cinéma, en étant très poussif et très tactile. Dès octobre 2009 je m’installais chez lui. Tout est allé très vite. Trop vite. Je ne sais pas expliquer, je croyais avoir rencontré l’homme de ma vie, tout semblait évident et parfait.»

D’abord fascinants

Tout de suite, elle est fascinée par ce personnage qui remarque sa fragilité et s’engouffre dans chacune de ses failles:

«Je l’ai admiré dès le début, sans trop savoir pourquoi. Il avait pour moi un charisme très spécial. Il était magnétique. Protecteur des femmes et des enfants, il se présentait aussi en victime d’une ex-femme aussi folle que vénale. Il m’a tout de suite donné une place de consolatrice, a fait de moi la “femme de sa vie” dès le premier rendez-vous.

Par la suite, il a continué à parler assez peu de lui. En revanche, il faisait tout le temps référence à cette femme. Machiavélique, manipulatrice, menteuse, intéressée, infidèle, laide… Il disait des choses comme “Je sais même pas pourquoi je l’ai aimée”, “J’étais bourré quand j’ai conçu mon fils”. Il continuait à lui envoyer beaucoup de messages et passait même surveiller son quartier (à environ vingt kilomètres de chez lui), parfois avec moi. C’était au point que j’ai été obligée de lui demander de cesser de la harceler et de ne plus la placer au centre de toutes nos conversations.»

«Les violences sexuelles ont débuté très tôt et se sont mêlées aux rapports sexuels consentis, désirés»

Ce type d’agissement ne l’inquiète pas outre mesure, même si rétrospectivement les indices étaient présents dès le début. Pour le nouveau couple, la lune de miel ne dure pas longtemps:

«Les violences sexuelles (agressions ou même viols) ont débuté très tôt et se sont mêlées aux rapports sexuels consentis, désirés. Mais tout était dans une confusion liée à la relation dominant-dominée globale, à mon admiration sans borne pour lui, à mon idéalisation, à mon envie de croire tout ce qu’il me disait…»

Très vite, il accroît son emprise: «De novembre 2009 à juin 2010, j’ai eu un poste qui m’a obligée (ou permis, c’est selon) à louer un studio dans la ville où je travaillais et à ne rentrer chez lui que lors de mes repos. Chez lui, la jalousie et l’envie de me surveiller se sont exprimées très vite et très fort. Rapidement, j’ai fini par renoncer à une possible titularisation sur le poste que j’adorais. À la place, j’ai demandé un remplacement dans sa ville à lui pour l’été 2010. Dès la fin septembre, j’étais au chômage: enceinte depuis juillet et malade, épuisée par les exigences quotidiennes de plus en plus fortes, je me suis laissé convaincre que j’étais incapable d’accepter un poste dans une autre ville que celle où il travaillait lui. Or, il n’y avait que ça. Je ne prends donc pas de nouveau CDD».

L’étau

L’emprise se resserre alors: «Sa jalousie et son besoin de surveillance, il m’a amenée à les excuser, les expliquer. Ce qui apparaît, avec le recul, comme évidemment des marques de contrôle, c’était imperceptible pour moi sur le moment. Il avait toujours de très bonnes raisons. Il était toujours très amoureux. Il avait beaucoup à m’apprendre. Il a éteint toutes les petites alarmes qui s’allumaient en moi. Et j’avais envie de croire en l’histoire qu’il me vendait, celle du vaillant protecteur séduisant la jeune fille aux nombreuses fêlures. De l’extérieur, nous formions un couple très fusionnel. Les gens prenaient son contrôle pour un trop-plein d’attention à mon égard, maladroit mais pas mal intentionné.

Il demandait que je pose mes jours de repos en fonction de lui, quitte à me fâcher avec mon seul collègue de bureau. Il a fait du chantage au suicide le soir où ce collègue et son épouse m’ont invitée au cinéma. Depuis ce jour-là, je ne suis plus jamais sortie sans lui. Il m’envoyait des SMS toute la journée et exigeait une réponse immédiate: “Tu es où?”, “avec qui?”. Comme je travaillais sur un poste web, il me contactait aussi sur Facebook et exigeait de la même façon une réponse instantanée.

«Il fouillait mon sac, mon téléphone, lisait tous mes échanges, surveillait toute mon activité sur Facebook»

Il espionnait mes heures de connexion et déconnexion à internet le soir. Il supportait très mal mes départs dans mon logement après nos repos communs. “Je peux pas vivre sans toi.” “M’abandonne pas comme l’autre.” “T’es la femme de ma vie.” “T’as changé ma vie.” C’était très étrange pour moi, des mots si forts si tôt dans une relation, mais il semblait tellement passionné et en besoin d’affection… et il était si magnétique, convaincant. Et puis je n’avais jamais vécu en couple, lui oui… Il utilisait beaucoup cet argument de “Je sais ce qu’est un couple installé, je vais t’apprendre”.

Il fouillait mon sac, mon téléphone, lisait tous mes échanges, surveillait toute mon activité sur Facebook. Il répondait systématiquement à tous les échanges entre mes contacts et moi, et quand c’était mon collègue de bureau qui me parlait, c’était pour lui proposer “un coup de taser lol”. Il avait fini par connaître par cœur les identités et villes de celles et ceux avec qui j’échangeais le plus souvent. Peu à peu, il m’a poussée à faire du vide dans mes contacts. En quelques mois, j’avais vidé mon compte Facebook qui me servait de réseau amical et professionnel avec le jeu des listes, parce qu’il espionnait beaucoup trop mes contacts et que ça me dérangeait pour eux.»

Aliénation progressive

La maternité pose la dernière chaîne autour de son cou: «Grossesse et chômage m’ont installée dans une position de femme au foyer au service des horaires et obligations de mon conjoint. Et ont achevé de me couper du monde. Toutes mes entrées-sorties étant rapportées à mon conjoint par ses collègues, j’ai vite été fatiguée de devoir lui rendre des comptes: c’était plus confortable de rester à l’appartement. J’ai acheté une voiture car son ex-femme prétendument vénale l’avait obligé à vendre la sienne, mais il en gardait la clé. Mon confortable salaire, plus important que le sien, passait dans notre vie de couple, l’équipement nécessaire à la naissance de Jeanne (en mars 2011) et le financement, intégral, de notre mariage.»

Une nouvelle grossesse vient l’enfermer encore un peu plus à la maison: «Je retombe enceinte en septembre 2012, et ni lui ni sa famille ne semblent heureux de cette annonce. Pourtant, lui me demandait un autre bébé depuis près d’un an, satisfaisait ses besoins sexuels intenses y compris sans mon consentement, et était parfaitement conscient de l’absence de contraception.

«Il me harcèle pour avoir des fellations que je refuse, et m’immobilise quand il a besoin de se “vider les couilles”»

Ménage, repas, sexe, il n’est jamais content. Il ne fait jamais rien dans l’appartement où je ne suis “que tolérée”, mais il n’est pas content de ce que j’y fais ou pas, car il considère que je ne fais rien de mes journées avec notre bébé. “Moi je bosse, toi tu fous rien et tu rapportes rien.”

Il me harcèle pour avoir des fellations que je refuse, et m’immobilise quand il a besoin de se “vider les couilles”. Mais pour lui, c’est ma faute: je n’ai “pas assez de désir”. J’ai des douleurs intenses aussi, tout au long de ma grossesse. Il s’en fiche complètement et cela ne l’arrête jamais, même quand je crie ma douleur. Il ne me libère pas des heures pour développer mon activité quand il est en repos parce qu’il veut “[me] sortir”: dans son jargon, cela veut dire aller faire du lèche-vitrines ou se montrer auprès de son réseau local. En particulier les propriétaires d’un salon de thé où il m’a autorisée à aller quand je veux sortir, “parce que la proximité avec le jardin public et les jeux pour enfants est pratique”, mais surtout parce que, je le comprends bien plus tard, les deux femmes qui tiennent le salon lui rapportent chacun de mes faits et gestes.»

Déclic

Et puis, doucement, c’est la prise de conscience: «Je vis, à la naissance de ma fille en mai 2013, coupée du monde, seulement reliée à lui par le biais de mon compte Twitter qu’il passe son temps à espionner. Il passe aussi un temps fou à contacter chacune des personnes qui me parlent et à intervenir dans tous les échanges. Je tiens à l’époque un blog de maman, que j’ai dû rendre privé en raison du même espionnage, mais je n’y exprime que très rarement et très brièvement mes soucis de couple. Dans la “vraie vie”, je vois régulièrement depuis peu une femme, pour des goûters avec mes filles et parfois en présence de G. Elle repère des choses mais n’ose rien dire.

En décembre 2013, il m’impose un rapport sexuel (de plus…). Je le frustre beaucoup depuis mon accouchement, car je n’ai “pas de désir” alors qu’il me demande chaque jour et plusieurs fois par jour de lui faire une pipe en raison de la très belle bague qu’il m’a offerte en cadeau de naissance. Pendant tout ce temps où je me suis refusée à lui, il m’a quand même immobilisée et violée plusieurs fois. C’est devenu une habitude, en fait. Mais ce soir-là je décide qu’il ne me touchera plus. Je dors enfermée à clé dans ce qui était censé être mon bureau. Puis petit à petit, comme sa colère monte et qu’il contrôle de moins en moins ses accès de rage contre moi, je passe tout mon temps enfermée dans le bureau quand il n’est pas au travail.

Les disputes sont quotidiennes et toujours sur le même mode: il reproche le manque de ménage ou le repas préparé, m’insulte. Je suis une “vache laitière” car je tire mon lait pour le donner au lactarium, je suis une pute et une salope qui “suce ailleurs” car je refuse le sexe, je suis une mauvaise mère et une mauvaise épouse, j’ai fait échouer le couple, je ne suis bonne à rien, je me donne en spectacle, je nuis à sa réputation si je raconte ma vie (je ne comprends même pas pourquoi… mais lui, oui, car il a conscience de ce qu’il fait en réalité).

«Mon travail c’est défendre les femmes battues, personne te croira»

D’autres phrases reviennent régulièrement. «Il disait souvent: “T’es rien sans moi, je te loge et je te nourris”, ou encore “T’as pas de travail et pas de salaire”. Je rappelle qu’il a aspiré mes salaires mais aussi mes économies, car il a fallu que je paie toute la vie quotidienne au fil de son désinvestissement complet… lié à des dettes qu’il me cache et dont je découvrirai la plus grande partie en le quittant. Il utilise les enfants aussi. “Regarde Jeanne, ta mère elle pleure, elle s’occupe pas de toi pendant ce temps.” “Ta mère c’est une grosse dégueulasse, le balai est pas passé.”

Il lui arrive de menacer de faire du mal à mon chat, avec qui j’ai emménagé chez lui au début (il est tellement indépendant qu’il ne le dérange pas…). La situation explose de plus en plus souvent. Il s’applique à retenir d’éventuels coups. “Je sais comment ça marche, je ne suis pas assez bête pour laisser des traces.” “Mon travail c’est défendre les femmes battues, personne te croira.” “Tu voudrais que je te frappe, comme ça t’irais porter plainte.”

Un jour, il me bloque si fort contre le mur de la cuisine que je le mords par instinct, pour qu’il lâche. “J’ai montré la trace à tout le monde, c’est toi qui m’as agressé.” Bien sûr, personne n’a vu les traces de ses doigts sur mes bras à moi… Il rappelle assez souvent qu’il a son arme à la maison, même si ça ne semble pas forcément menaçant, juste un constat. Il n’élève pas la voix de toute façon, il ne se laisse pas déborder par des émotions fortes mais contrôle toujours absolument tout, et c’est ce qui le rend particulièrement terrifiant pour moi. Ça contraste aussi énormément avec tout ce que je ressens, qui est intense et violent, et qui m’amène à réagir parfois.

Quand je suis trop enfermée dans le bureau et que j’ai peur qu’il entre de force, j’imagine me défenestrer (quatre étages, bitume en bas), notamment parce qu’il m’a indiqué que “pour te tuer de cette hauteur faut sauter tête la première, moi je ramasse les cons qui se ratent”.

Le bon pont pour sauter

Désespérée, convaincue que la situation est inextricable après des années de lavage de cerveau à domicile, elle pense au pire: «En juin 2014, je passe aussi des heures, après le coucher des enfants, à errer dans la ville et aller voir sur les ponts si je peux sauter, plutôt que rentrer chez lui. Je n’ai jamais le courage. Il m’attend toujours au retour pour m’oppresser physiquement (il prétend à nouveau que je suis sortie “pour sucer”) jusqu’à ce que je m’enferme dans le bureau pour la nuit. Je sais que je dois le quitter. Ça fait un an qu’une amie m’a demandé si j’attends qu’il me tue. Ça fait quelque temps qu’elle et quelques autres s’inquiètent beaucoup…

Il les surnomme “les connasses névrosées” (nous garderons ensuite “connasses” pour surnommer notre cercle amical). Il menace d’en attaquer une en diffamation le jour où elle se demande s’il est pervers, une autre devant son conseil de l’ordre car elle est médecin et m’a envoyé un message dans lequel elle dit que je me rends pas compte de sa violence, que s’il me frappait je m’en rendrais mieux compte, mais qu’en l’état il était déjà violent. Il prétend qu’elle l’encourage à me cogner: “Tu te rends compte ta super copine, un super médecin apparemment, elle encourage ton mari à te frapper!”.

Je sais, à ce moment, que je dois le quitter et que ça devient urgent, parce qu’il ne se contrôlera pas toujours. Et en fait je réalise que j’ai pensé à le quitter depuis toujours.»

Délivrance

Aujourd’hui, cela fait quatre ans que la requête en divorce a été déposée et trois ans que la première plainte a été déposée contre cet homme. La femme que j’ai rencontrée est suivie par des associations (aide aux victimes France Victimes et Solidarité Femmes 3919). Le divorce devrait être prononcé bientôt, mais elle se prépare à ce que le verdict soit en sa défaveur, le juge aux affaires familiales ayant rejeté certaines pièces importantes sur sa situation financière ainsi que des certificats médicaux. Il lui faudra probablement des années pour se reconstruire. Dans chacun de ses messages, elle semble s’excuser. Pourtant, en se battant pour ses filles, en témoignant, elle offre à d’autres victimes une lueur d’espoir qui n’a pas de prix.

source : Lucile Bellan — mis à jour le 5 septembre 2018 à 10h04 slate.fr