INTRODUCTION AU COLLOQUE par Laure TELO, Présidente du CCMM en Ile de France.

Je suis heureuse et fière de vous accueillir toutes et tous et d’ouvrir officiellement le lancement de la campagne de prévention contre les dérives sectaires.

Je veux remercier tout d’abord Anne Hidalgo, maire de Paris, de nous recevoir dans un cadre aussi prestigieux.
Je remercie les institutions qui soutiennent notre action.

Je salue pour leur présence les représentants des associations qui, comme nous, luttent contre les sectes et l’emprise mentale.

Je parle au nom du CCMM dont l’acronyme vous est connu : Centre contre les manipulations mentales. L’an dernier, avec le CCMM Ile-de-France, nous avions lancé une campagne liée aux dérives sectaires dans le milieu de la santé. Grâce à vous, cette campagne a remporté un franc succès.

Sur cette lancée, nous devons continuer notre combat avec la même vigueur. La même intransigeance. Le même acharnement.

Loin de moi l’idée ou même la volonté de rajouter à la morosité ambiante mais nous vivons une époque loin d’être formidable.

La menace djihadiste, le drame visiblement insoluble des migrants et de leur accueil, le déclinisme français, et même mondial qui se répand avec verve dans les colonnes des journaux et sur les plateaux de télévision.
Mais ce dont je voudrais vous parler aujourd’hui, ici, est un mal endogène qui agit au coeur même de notre société, en bas de chez nous, aux coins de nos rues et de nos campagnes, ces acteurs de l’ombre qui se rassemblent et marchent ensemble.

Car l’odieux est partout. Les dérives sectaires, l’un des fléaux les plus pernicieux et insidieux de nos sociétés réputées modernes. Les sectes sont comme des cancers. Elles sèment leur mal dans les failles les plus profondes et les plus intimes de l’individu. Créé en 1981, le CCMM a pour vocation de générer des anti corps et d’informer.

Le CCMM a pour vocation de participer à la protection des libertés individuelles et fondamentales. Le CCMM est une association qui s’oppose à toute action qui tend à asservir les esprits, à toute manipulation attentatoire aux droits de l’homme et aux libertés individuelles.

Cette année, nous avons bâti une nouvelle stratégie en partant d’un constat:

La prolifération des grands mouvements sectaires et notamment ceux qui sont désignés par le rapport parlementaire du 20 décembre 1995 n’est toujours pas endiguée car ces groupes structurés à dimension internationale s’adaptent aux évolutions socio-économiques voire culturelles de chacun des pays où ils s’installent et ils savent, sous des masques difficiles à repérer, s’infiltrer dans :

– le champ de la santé mais aussi, du bien être, du développement personnel, de l’éducation, de la précarité professionnelle, de la formation professionnelle et de la fin de vie.

Ils traquent la vulnérabilité psychologique et sociale pour étendre et solidifier leur emprise. Ainsi, d’autres catégories de population que les malades sont considérées comme des individus propices à être embrigadés sous leurs bannières nocives.

Certains groupements espèrent même atteindre un point de bascule dans la population afin qu’un changement de paradigme advienne.

A côté des groupements identifiés, qui ont pignon sur rue, il y a d’autres organisations à la spiritualité toute aussi contestable mais beaucoup plus discrètes.

Elles pénètrent le tissu social, là où elles peuvent trouver des proies faciles; par exemple sous couvert d’appellations honorables, de centres d’études sur la personne humaine et son fonctionnement.

Un article récent de L’Obs au titre suffisamment évocateur « Le gourou était chercheur au CNRS » pose question.

Nous avons ciblé trois catégories d’individus :

* Les adolescents et les jeunes adultes

* Les adultes en perte d’emploi ou en reconversion professionnelle qui peuvent être en perte de repères

* Les personnes âgées, souvent confrontées à l’isolement affectif.

Ces catégories sont vulnérables.
La vulnérabilité peut se définir comme l’état de faiblesse d’une personne qui n’est plus en état de se protéger en raison de son âge, de son état physique ou psychique.

Les conséquences sont, dès lors, inéluctables. Une fois la victime prise dans l’engrenage

« séduction, promesse, engagements en terme de temps de plus en plus importants, engagements contractuels et investissements financiers importants, escroquerie, endettement, asservissement et manipulation des esprits, et cela peut même aller jusqu’aux agressions sexuelles et la prostitution.

Les dommages collatéraux sont tout autant désastreux : rupture progressive ou brutale d’avec ses proches, sa famille, ses enfants, ses parents.

Le préjudice subi par la personne et ses proches signe la dérive sectaire et il est souvent trop tard.

Que constatons-nous aujourd’hui?

Il n’y a rien de nouveau sous le soleil !!!

– les doctrines des théoriciens ésotériques de la fin du 19ème siècle et de la première moitié du 20ème siècle sont toujours là

– et nous avons les techniques mises au point dans les années 60
D’autres techniques sont présentées comme étant novatrices alors qu’elles ne sont que le prolongement de ces anciennes techniques voire un repackaging.

Ces techniques et ces doctrines sont mixées entre elles.

La dérive sectaire, c’est comme un champignon toxique : vous vous en nourrissez et tout est fait pour qu’il soit appétissant.

Il vous fait du bien.

Leur démarche : créer de nouveaux produits, faire de l’argent, avoir une démarche marketing.

Comment le citoyen peut-il s’y retrouver?

Il faut qu’il soit informé au sujet de la source première de ces techniques ou ces doctrines !!!

Prenons une technique : la fasciathérapie.

Le site internet de POLE EMPLOI présente toujours la fasciathérapie comme la possibilité d’exercer un métier alors qu’il y a une décision du Conseil d’Etat qui a refusé la reconnaissance de la fasciathérapie.

Qui s’en soucie ?

La Bioénergie, la Kinésiologie, le reiki sont-ils des métiers?

Qu’y a t-il derrière ces mots ?

Comment expliquer que des techniques indiennes visant la transcendance spirituelle, la connexion au divin, comme le yoga ou la méditation rentrent dans nos écoles publiques où la charte de la laïcité s’applique?

C’est simple : nos enfants sont LA cible privilégiée et dès l’âge de la maternelle.

Les adolescents ont des problématiques propres à leur âge que vous connaissez ou devinez. Recherche d’identité, manque de recul, influençabilité, Crise d’adolescence… Eventuelle radicalisation islamique puisqu’il faut bien évoquer l’actualité. C’est l’histoire de cette femme divorcée. Elle a un fils de 13 ans. La garde partagée avec le papa se passe bien. Mais la mère est victime d’un burn out et se met à fréquenter des gens adeptes d’un mouvement psycho-religieux. En l’espace de quelques mois, son comportement s’est radicalement modifié. Elle refuse les droits de visite du père, elle emmène son fils aux réunions du groupe à caractère sectaire. Le fils les fréquente à son tour, coupe le fil de ses relations amicales, refuse de voir son père. Le père a déposé plainte, le tribunal a jugé que le groupe incriminé agissait comme une secte puisque d’emblée le groupe avait programmé la rupture familiale.

Dans un contexte où le chômage n’a jamais été aussi haut et les raisons d’espérer aussi rares, les personnes en recherche d’emploi, les chômeurs longue durée sont des cibles idéales pour les mouvements sectaires. Des groupes défendant une doctrine spirituelle ont pour vocation d’accueillir des personnes qui sont au RSA et en rupture d’intégration professionnelle et sociale dans le but de les initier à leur spiritualité.

La formation professionnelle est une mine pour les sectes.
Juste un exemple que nous avons eu à traiter. En avril 2012, après un accident du travail, Lili, 35 ans, a voulu se reconvertir. Elle se rend à Cap Emploi à Toulouse. On lui propose une formation financée par le Conseil régional. Mais le « formateur », compétent et très sympathique, lui imposera un rituel quotidien : de prières étranges, l’appel à la lumière. Il lui offre du café drogué, finira par l’humilier. Mais Lili tient bon car elle doit achever sa formation pour obtenir son attestation. Le formateur payé par l’Etat est en fait un recruteur pour une organisation sectaire.

Fragilité particulière aussi pour les personnes âgées. Précarité matérielle et désaffection affective. Un vide que les souvenirs ne peuvent combler. Les seniors qui vivent à domicile, en perte d’autonomie, qui ne peut que renforcer cette fragilité.

C’est l’histoire d’une dame de soixante ans, depuis peu à la retraite. Elle est un peu désoeuvrée. Elle est attirée par une affiche de BioDanza, une méthode de développement humain, la « danse de la vie ». Elle s’inscrit en toute quiétude, pensant qu’il s’agissait juste de danser pour se divertir. Au bout de quelques semaines, on constate un brusque changement de comportement. Elle est prise tous les week-end pour suivre des stages, ne parle plus que de son groupe de danse. Elle est devenue une adepte tellement inconditionnelle qu’elle prend irrémédiablement ses distances avec ses enfants et son mari, lesquels constatent avec effarement que d’importantes sommes d’argent son consacrées à sa nouvelle activité. Alertée par sa sœur, le CCMM a précisé que l’activité de BioDanza pouvait être utilisée par un groupe à caractère sectaire où l’argent et le sexe étaient prédominants. En droit, on appelle ça un abus de faiblesse. C’est évidemment condamné par le code pénal.

C’est dans toutes ces situations que nous intervenons. La mission du CMM ? Accueillir et écouter, conseiller, accompagner et soutenir. Faciliter la mise en œuvre d’actions d’aides aux victimes. Des mots qui ne sont pas passe-partout quand les gens qui vous contactent sont des personnes en détresse, dépossédées de leurs biens, de leur conscience, dépossédées d’elles-mêmes.

Nous nous efforçons d’apporter les outils de réflexion et d’analyse pour mieux connaître et appréhender les dangers de la manipulation mentale. Mettre en place les outils de prévention. Le but est de continuer à éveiller la vigilance de chacun.

Nous espérons sincèrement que cette campagne d’information que nous lançons retiendra votre attention.

Cette campagne d’information peut sauver des familles, des enfants, des vies.

L’implication des bénévoles de l’association est un engagement militant et citoyen. Riche d’une expérience de
35 ans, le CCMM est implanté sur tout le territoire national et il contribue à la mise en œuvre d’une politique de vigilance et de prévention qui s’impose.

Je vous remercie.