Depuis l’affaire Bettencourt, un problème de société ne cesse d’être médiatisé : l’abus de faiblesse.
Si c’est en premier lieu aux personnes âgées auxquelles on pense en tant que victimes d’abus de faiblesse, il peut s’agir également de personnes très jeunes souffrant d’une déficience psychique qui les rend particulièrement vulnérables.

L’abus de faiblesse se définit légalement comme le fait de profiter de la particulière vulnérabilité d’une personne afin de la conduire à faire des actes ou s’abstenir de faire des actes, ayant des conséquences particulièrement préjudiciables pour cette même personne.

L’abus de faiblesse est un délit réprimé par l’article 223-15-2 du Code pénal et puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Les dispositions du Code pénal visent trois catégories de personnes pouvant être touchées :

les mineurs,
les personnes d’une particulière vulnérabilité (due à l’âge, la maladie, une infirmité,…)
les personnes en état de sujétion psychologique et physique.
Il est aussi important de noter qu’en matière civile, l’abus de faiblesse est considéré comme un vice du consentement permettant de faire annuler un contrat.

Même s’il semble facile de reconnaître une personne qui a subi un abus de faiblesse, que faut-il démontrer au Juge pour pouvoir obtenir une indemnisation en tant que victime d’un abus de faiblesse ?

Les caractéristiques légales d’un abus de faiblesse

1. un élément matériel, apprécié de manière très concrète par les juges.
Ainsi, la victime de l’abus de faiblesse doit démontrer sa vulnérabilité dont une autre personne aurait profité (à l’aide de témoignages, d’un jugement attestant que la personne a été placée sous tutelle ou curatelle, ou d’un rapport d’expertise médicale).
ATTENTION : Le seul âge avancé n’est pas une preuve de la vulnérabilité de la personne. Il vaut mieux qu’il y ait d’autres éléments plus probants, qui prouvent l’état de faiblesse mentale ou physique.

La Cour de cassation a censuré un arrêt de relaxe d’une prévenue à qui il était reproché d’avoir abusé frauduleusement de l’état d’ignorance ou de la situation de faiblesse d’une personne atteinte de troubles neurologiques. Elle avait obtenu lors de ses visites à l’hôpital, plusieurs chèques d’un montant total de 120.000 euros ainsi que le consentement à un mariage. La Cour d’appel avait estimé que les libéralités consenties correspondaient à une volonté préalablement affirmée de la victime qui avait également manifesté, avant sa maladie, le souhait d’épouser la prévenue, alors qu’ils auraient dû apprécier l’abus de faiblesse au regard de l’état de particulière vulnérabilité de la victime au moment où étaient accomplis les actes qui lui étaient gravement préjudiciables (Cass. Crim., 26 mai 2009, n° 08-85.601).

2. un élément intentionnel : démontrer que la personne qui a abusé de la victime connaissait son état.
Cet élément semble très facile à prouver lorsqu’il s’agit d’un ami ou d’un proche mais il peut s’avérer très délicat dans d’autres circonstances.
L’élément intentionnel peut toutefois découler du fait qu’il était impossible d’ignorer l’état de faiblesse de la victime.

3. démontrer un préjudice grave (perte d’argent, libéralités, procuration bancaires…).
Si l’acte doit être de nature à causer un grave préjudice, il n’exige pas que le dommage se soit réalisé.
Il est important de souligner que le préjudice ne doit pas forcément nuire directement à la victime de l’abus. En effet la Cour de cassation a jugé que le fait pour la victime d’avoir fait un testament, sous la pression de l’auteur de l’abus, qui ne prendra effet qu’à la mort de la victime et qui donc ne causera véritablement de préjudice qu’aux héritiers de la victime, est consécutif d’un abus de faiblesse (Cass.crim., 15 novembre 2005, n°04/86051).

La victime est la première personne bien évidemment qui peut agir en justice. Cependant, parce que la victime est généralement troublée ou malade, les proches de la victime qui ont personnellement souffert peuvent agir en justice également et ce, même si la victime ne s’estime pas lésée comme par exemple dans l’affaire Liliane Bettencourt (Cass. Crim, 31 janvier 2012, n°11-85-464).
L’abus de faiblesse de Madame Bettencourt avait été dénoncé par sa fille, contre sa volonté, à l’encontre du photographe Monsieur Bannier à qui elle avait versé des sommes sous forme de dons d’un montant particulièrement élevé.

Enfin, les héritiers de la victime d’un abus de faiblesse peuvent se constituer partie civile devant le Juge correctionnel en réparation du préjudice relatif à la succession.

À cet égard, il convient de veiller sur ses proches et de ne pas hésiter à les protéger, en les faisant placer sous tutelle ou curatelle, lorsqu’ils deviennent trop faibles pour se défendre.

Un avocat peut vous être utile pour vous aider à réunir et surtout à constituer les différents éléments caractérisant l’abus de faiblesse.
En effet, les tribunaux correctionnels vont examiner de façon précise l’existence d’éléments plaçant la victime en situation de faiblesse.

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Juliette Daudé

Avocate à la Cour

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