Par Chloé Leprince

Créé 06/16/2009 – 16:30

Les décisions de justice comme le regard des médias ont beaucoup évolué sur la secte, aujourd’hui menacée de dissolution.

Le parquet de Paris a requis lundi la dissolution de l’église de scientologie [2] et le paiement de quatre millions d’euros d’amende. Les deux branches françaises scientologues sont poursuivies devant le tribunal correctionnel de Paris pour « escroquerie en bande organisée » [3] par d’anciens fidèles. [4]

D’autres peines lourdes, notamment de la prison avec sursis et des amendes, ont été requises contre cinq dirigeants.

Ce ne serait pas la première fois que le mouvement, qui a pignon sur rue en Espagne ou en Grande-Bretagne, se fait condamner en France. Ainsi, ses dirigeants ont déjà été condamnés, notamment en 1997 à Lyon et en 1999 à Marseille. Ron Hubbard [5], le leader, a lui-même été épinglé en France : en 1978, cet auteur de science-fiction devenu milliardaire est condamné par contumace.

Cette fois, la ligne du ministère public n’allait pas de soi puisqu’en 2006 le parquet avait requis par écrit dans un courrier au juge d’instruction un non-lieu général dans cette même affaire. Estimant à l’époque que les prévenus avaient agi par « conviction religieuse ».

Le parquet revient à une ligne dure
Changement de cap à l’audience, lundi, donc, même si ce n’est pas la nature sectaire du mouvement qu’a voulu retenir la procureur dans son réquisitoire. Rien de religieux dans ses arguments en effet, mais seulement du strictement pénal -l’extorsion frauduleuse de fonds chez les adeptes.

Dans le passé, savoir si la Scientologie peut se targuer d’être une religion a pourtant été débattu dans les prétoires. Ainsi, en 1997, la cour d’appel avait estimé que « l’Eglise de scientologie peut revendiquer le titre de religion ». Deux ans plus tard, en 1999, c’est la Cour de cassation qui jugeait qu’un tribunal n’a pas à répondre à cette question.

C’est finalement la sphère politique qui s’est emparée du débat. D’abord via un rapport parlementaire historique de 1995, [6] qui classe la Scientologie comme « secte ». Puis avec la Miviludes [7], mission intergouvernementale « de vigilance et de lutte », qui publie un rapport par an et continue de regarder le culte de Hubbard comme sectaire.

A la télévision, l’image de la Scientologie évolue
A la télévision, on constate en fouillant dans les archives de l’INA que le discours médiatique sur la Scientologie a, lui aussi, évolué. Ainsi, en décembre 1975, la Scientologie pouvait encore s’exprimer tout son saoul à la télévision et vanter par exemple son action contre « les dérives de la psychiatrie », une de ses marottes. (Voir la vidéo, attention : c’est culte)

Changement de ton flagrant deux ans plus tard : à l’antenne, Jean-Claude Bourret annonce un « événement judiciaire sans précédent en France ». Le présentateur parle sans ambages d’une « secte internationale ». (Voir la vidéo)

Retour dans le champ politique avec Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur en 1997, qui déplore la décision de la cour d’appel de Lyon de reconnaître la Scientologie comme religion, car « ce n’est pas à l’Etat de définir ce qu’est une religion ». (Voir la vidéo)

Et quand les chaines de télévision reçoivent un clip bien ficelé à la gloire des droits de l’homme, qui se trouve en réalité être financé par la Scientologie, le CNC [8] se fend d’une mise en garde. Nous sommes alors en 1996… très loin de la carte blanche aux adeptes de la première vidéo datant de 1975. (Voir la vidéo)

Tom Cruise et Emmanuelle Mignon : changement à l’ère Sarkozy ?
Pourtant, en 2004, Nicolas Sarkozy, recevait en grande pompe à Bercy Tom Cruise [9], ambassadeur même pas masqué de ce qui est reconnu comme religion aux Etats-Unis. Puis, en 2008, c’est sa directrice de cabinet d’alors, Emmanuelle Mignot, qui a fait scandale, déclarant dans l’hebdomadaire VSD que « les sectes sont un non-problème en France». (Voir la vidéo)

http://eco.rue89.com/2009/06/16/comment-la-france-a-durci-le-ton-face-a-la-scientologie